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Idées

Retour à la condition prolétarienne

Idées | Livres | publié le : 01.05.2007 | H. G.

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Retour à la condition prolétarienne

Crédit photo H. G.

Le Nouvel Ordre prolétaire : le modèle social français face à l’insécurité économique, Jacques Rigaudiat. Éditions Autrement, collection « Frontières ». 200 pages, 17 euros.

Conseiller social de Michel Rocard puis de Lionel Jospin, Jacques Rigaudiat aime confronter son expérience à la réflexion théorique. Contrairement à ce qui se produit généralement, la première semble avoir radicalisé sa vision de la question sociale en France. Son diagnostic est brutal : sous la pression de la précarité montante, la condition salariale se désagrège, ouvrant la voie au retour à la « condition prolétarienne » d’antan. Le statut du salarié se trouve mis en cause dans son cœur même : l’organisation du travail, les formes de subordination, le contrat qui le lie à son employeur, le droit du travail, le chômage…

Premier signe fort de ce retour en arrière, la pauvreté est à nouveau présente de façon massive dans notre société. Le RMI est en progression continue, mais, plus globalement, l’ensemble des revenus salariaux subit un violent coup de frein. « Pendant les Trente Glorieuses, le pouvoir d’achat des cadres était de vingt années en avance sur celui des ouvriers, la moitié d’une pleine vie professionnelle, observe l’auteur. À la fin du XXe siècle, cette distance était devenue de l’ordre de trois ou quatre… siècles : douze à quinze générations ! »

Les principales victimes de cet appauvrissement général sont les ouvriers et les jeunes. Les premiers n’ont guère les moyens d’échapper aux chocs liés à ce que Rigaudiat résume sous le terme de « wal-martisation » : précarisation des emplois, délocalisations, sous-traitance, démantèlement de la protection sociale… C’est le contenu même du contrat de travail qui se trouve remis en cause par le nouveau capitalisme qui est en train de s’imposer. Les jeunes représentent l’autre catégorie sacrifiée par cette grande mutation. Un déclassement d’autant plus fort que la spécificité de notre modèle social tiendrait au sort peu enviable qu’il réserve aux moins de 25 ans. Les taux d’activité et d’emploi des jeunes Français n’atteignent que les deux tiers de ceux de la moyenne européenne.

Mais, pour ce bon connaisseur du social, ce serait une erreur de lorgner des modèles de rechange, du type danois, qu’il soumet à une analyse critique. Bien souvent, les bons chiffres du chômage cachent un choix peu enviable : celui de tolérer une pauvreté plus forte. Alors, comment enrayer cette spirale destructrice ? Malheureusement, les pistes avancées par l’auteur apparaissent bien vagues et bien convenues au regard du constat qu’il vient de dresser. Lequel mérite à lui seul la lecture de cet essai engagé.

Auteur

  • H. G.