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Enquête

Qui peut vraiment travailler plus ?

Enquête | publié le : 01.05.2007 | Stéphane Béchaux, Anne Fairise, Anne-Cécile Geoffroy, Fanny Guinochet

Faciliter le recours aux heures supplémentaires pour doper le pouvoir d’achat des actifs ? Séduisant mais simpliste. Car, autant que les entreprises, tous les salariés ne sont pas logés à la même enseigne.

Bouche cousue et oreilles qui sifflent… Vivement la fin de l’élection présidentielle pour Martine Aubry ! Muette pendant la campagne, la maire de Lille a assisté à une attaque en règle des deux lois qui portent son nom. Ses 35 heures sont accusées d’avoir tout à la fois dégradé la compétitivité des entreprises et laminé le pouvoir d’achat des salariés. De quoi expliquer le succès du slogan de Nicolas Sarkozy : « travailler plus pour gagner plus ». Une formule qui, via l’exonération des charges sur les heures supplémentaires, entend gonfler les feuilles de paie. Et, croissance aidant, les carnets de commandes des employeurs.

Difficile de nier que, en matière de temps de travail et de rémunération, la France s’est singularisée. Avec une durée du travail annuelle moyenne de 1 616 heures, l’Hexagone reste de loin le pays développé où un salarié à temps complet trime le moins. Idem sur les salaires. Le smic français, l’un des plus élevés d’Europe, concerne désormais plus de 3,3 millions de travailleurs, soit 15 % des salariés. Un taux qui pourrait encore augmenter en juillet : pour compenser la cherté du travail peu qualifié, les entreprises écrasent les grilles salariales. Conséquence, le pouvoir d’achat des ménages est en berne alors que les prix du logement et du carburant continuent de flamber.

Reste que les lois Aubry font un coupable bien commode. Assouplies deux fois sous le gouvernement Raffarin, les 35 heures portent mal leur nom. Les PME ne s’y sont jamais mises et les grandes entreprises ont désormais la possibilité, par le biais des heures sup, des heures choisies ou de la monétisation des comptes épargne temps, de faire travailler leurs salariés davantage. « Honnêtement, pas besoin de légiférer. On a aujourd’hui tous les outils pour augmenter le temps de travail », confirme Pascal Delmas. Le DRH de Tokheim Services, entreprise spécialisée dans la maintenance des pompes à essence, parle d’expérience : il rachète depuis trois ans des jours de RTT à ses techniciens et cadres volontaires, en prévision de sa charge de travail.

Une exception. Car, pour l’instant, rares sont les entreprises à avoir utilisé les marges de manœuvre à leur disposition, hormis dans un cadre défensif. Résultat, à la question : qui veut travailler plus pour gagner davantage ?, DRH et représentants du personnel se montrent peu prolixes. Et pas la peine de compter sur les experts : pas la moindre étude récente à se mettre sous la dent. « Pour nous, chercheurs, le sujet est mal posé. La vraie question n’est pas celle de l’augmentation de la durée du travail des personnes ayant un poste à temps plein. Mais celle de l’augmentation du volume de travail tout au long de la vie, notamment après 55 ans », justifie Christine Erhel, chercheuse à Paris I et au Centre d’études de l’emploi.

Des quelques sondages réalisés pendant la campagne, il ressort qu’un gros tiers des Français, notamment parmi les bas salaires, souhaiteraient travailler plus pour gagner plus. Des chiffres qui ne disent rien des situations professionnelles des uns et des autres. Entre un ouvrier annualisé, une employée à temps partiel subi et un salarié à employeurs multiples, pas beaucoup de points communs dans leurs conditions d’emploi. Ni dans leurs capacités à obtenir des heures supplémentaires de leur employeur. Quant aux cadres, qu’ils soient ou non au forfait jours, ils ne comptent déjà plus leur temps. Reportage chez ces salariés censés vouloir « travailler plus pour gagner plus ». S. B.

90 %

des établissements de 20 salariés au moins ont mis en place un processus de RTT.

(Dares)

25 %

c’est le taux de majoration légale de l’heure supplémentaire.

220

heures par an : le contingent maximal d’heures sup permis après accord de branche.

1,2

million de salariés du privé travaillent à temps partiel.

(Insee)

Auteur

  • Stéphane Béchaux, Anne Fairise, Anne-Cécile Geoffroy, Fanny Guinochet