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La coopération prend forme

Dossier | publié le : 01.05.2007 | S.D.

Un an après la signature de la convention ouvrant la voie à des guichets uniques Assedic-ANPE, le bilan est plutôt positif. Un premier pas vers la fusion des deux services ? C’est une autre histoire.

François ne sera pas venu pour rien à l’Assedic de Dole. Certes, ce jeune manutentionnaire titulaire d’un bac technologique a été sérieusement décontenancé lorsqu’il a appris qu’il n’avait pas suffisamment cotisé à l’assurance chômage pour être indemnisé. Mais, sitôt inscrit, il n’a eu qu’à traverser l’accueil pour rencontrer un conseiller de l’ANPE qui a élaboré son projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE). Depuis juillet 2006, en effet, deux conseillers de l’agence publique tiennent une permanence directement dans les locaux de l’Assedic. Résultat, en une heure, François s’était débarrassé des formalités administratives. Un aller-retour de 80 kilomètres de gagné pour sa mère, qui fait office de chauffeur. Cette cohabitation symbolise parfaitement le rapprochement opéré depuis la signature de la convention tripartite État-ANPE-Unedic en mai 2006 qui prévoit notamment l’ouverture d’un guichet unique par région, la constitution du dossier unique du demandeur d’emploi (Dude) et d’une structure informatique commune (voir encadré ci-dessous). Un an plus tard, le comité supérieur de l’emploi chargé de vérifier la réalisation de ces objectifs a dressé un premier bilan d’étape satisfaisant, se félicitant de l’existence de 170 guichets uniques sur un total attendu de 400.

Concrètement, les Assedic accueillent dans la plupart des cas des agents de l’ANPE, comme à Dole, ou vice versa. Souvent, aussi, les deux organismes sont voisins de moins de 200 mètres ; plus rarement, ils partagent les mêmes locaux. Ce rapprochement physique a permis de réduire le délai entre l’inscription à l’Assedic et le premier entretien à l’ANPE. De vingt et un jours en moyenne en 2005, celui-ci s’est réduit à moins de sept, et, en début d’année, 11,4 % des PPAE avaient été réalisés dans la journée. Faut-il aller plus loin dans le nécessaire rapprochement entre l’ANPE et l’Unedic, comme le préconisait Dominique de Villepin ? S’il accède à la magistrature suprême ce week-end, Nicolas Sarkozy, qui prône une fusion globale entre l’ANPE et l’Unedic, risque de se heurter à l’opposition viscérale des partenaires sociaux gestionnaires de l’assurance chômage. « La fusion tombera comme un fruit mûr, pronostique Jean-Pierre Revoil, directeur général actuel de l’Unedic. La question qui retarde toute échéance de fusion reste de savoir si elle se traduira par la nationalisation de l’Unedic ou la privatisation de l’ANPE. Aucun ministre n’ira à l’encontre des partenaires sociaux, d’autant que la loi de modernisation du dialogue social prévoit leur consultation avant toute réforme du droit du travail. »

Les syndicats contre l’« ANPEdic »

Autre obstacle à la fusion, l’opposition farouche des syndicats de l’Agence, qui ont mené, fin mars, une grève historique car unitaire. Une première pour les huit organisations syndicales depuis 1990. « Nous refusons une “ANPEdic” qui définirait une politique de gestion de la main-d’œuvre et où le rôle du conseiller de l’ANPE se limiterait à identifier les chômeurs employables et à les orienter vers des métiers en tension », affirme Régis Dauxois, secrétaire général de FO ANPE. C’est dans ce contexte tendu que Jean-Luc Bérard, ancien DRH de la Snecma, succédera le 9 mai à Jean-Pierre Revoil. Ce proche de Denis Gautier-Sauvagnac, numéro un de l’UIMM et vice-président de l’Unedic au titre du Medef, est un fin connaisseur du régime d’assurance chômage dont il a été DRH de 1992 à 2002 (voir également portrait page 12). Dans tous les cas, il devra commencer par mener à terme les chantiers entamés avec l’ANPE.

Déjà accessible aux Assedic, aux agences locales pour l’emploi et aux directions départementales de l’emploi, le dossier unique du demandeur d’emploi, qui mentionne par exemple les incidents de paiement, les périodes de chômage, le projet professionnel, etc., devrait, d’ici à la fin de l’année, être en partie disponible pour les missions locales, l’Apec, le réseau Cap emploi et les opérateurs privés. Les deux piliers du service de l’emploi devront aussi harmoniser leurs réseaux, forts de 800 agences pour l’emploi et de 700 antennes Assedic, s’ils veulent constituer, d’ici à la fin 2008, les 400 guichets uniques prévus dans la convention tripartite de 2006. « Les découpages des secteurs de compétences des antennes et des agences compliquent sérieusement les échanges. La spécialisation progressive des agences locales pour l’emploi par branches professionnelles accentue encore ce phénomène », observait la Cour des comptes dans un rapport ad hoc, en mars 2006. À Saint-Étienne, par exemple, « une fois inscrits à l’Assedic, les demandeurs d’emploi doivent définir leur projet personnalisé dans une agence pour l’emploi spécialisée distante de 3 kilomètres », précise Bernard Chauleur, directeur régional de l’Assedic Rhône-Loire, qui compte 15 guichets uniques.

Au quotidien, il n’est pas rare qu’une agence pour l’emploi collabore avec plusieurs Assedic. « Ces découpages compliquent la gouvernance et sont incompatibles avec l’existence de guichets uniques, témoigne Pascal Blain, directeur régional de Franche-Comté-Bourgogne, qui en recense 23. Il nous a fallu deux ans au moins pour reconfigurer les sites, harmoniser en partie les zones de compétences et d’emploi de nos réseaux et faire en sorte que le demandeur d’emploi dépende de la même. » Des embûches qui, ajoutées aux pressions immobilières, expliquent pourquoi 7 guichets uniques seulement sont implantés dans les maisons de l’emploi.

« À la difficulté de trouver des synergies entre l’ANPE et l’Unedic viennent s’additionner d’autres facteurs », constate Jean-Pierre Revoil. Meilleur exemple, l’évaluation du risque de chômage de longue durée, qui conditionne le parcours de recherche d’emploi et les mesures d’accompagnement. Aujourd’hui, les agents de l’Assedic mesurent la distance qui sépare les chômeurs de l’emploi grâce à un algorithme concocté en commun avec l’ANPE et qui mouline au total 18 critères, parmi lesquels le bassin d’emploi, la nationalité, la qualification, le métier recherché, etc. Pour cela, la plupart ont suivi une formation au code Rome en vigueur à l’ANPE. Sur 1 622 684 demandeurs d’emploi orientés vers un projet personnalisé, 2,44 % seulement l’ont été en parcours 1, dit de recherche accélérée ; 21,84 % en parcours 3, dit de recherche accompagnée. Le gros des troupes (69,84 %) est orienté vers le parcours 2 (recherche active). Le reste allant vers des parcours de créateurs d’entreprise ou de mobilisation vers l’emploi. Mais les conseillers de l’ANPE retoquent la moitié des diagnostics. « Ce différentiel est ennuyeux, confie Annie Thomas, présidente (CFDT) de l’Unedic. Il reflète les difficultés de l’algorithme à pondérer les disparités entre le dernier métier exercé et le métier recherché et les réticences des agents, qui rechignent par exemple à confirmer l’orientation des chômeurs en parcours 1. Ce qui implique de contacter ces derniers tous les quinze jours durant les trois premiers mois. Il y a aussi une certaine pudeur à expliquer aux chômeurs qu’ils ont un métier en or et qu’ils vont pouvoir retravailler rapidement. »

Agenda partagé

Ces difficultés n’empêchent pas le travail en bonne intelligence. À Dole, depuis l’ouverture du guichet unique, l’agence pour l’emploi et l’Assedic ont calé leurs horaires et mis sur pied un agenda partagé. Déjà habitués à coorganiser des réunions d’information et à suivre une formation chez les uns et chez les autres lors de leur intégration, agents et conseillers apprennent à mieux se connaître. « Avant, on ne les voyait jamais, témoigne Chantal, conseillère ANPE, qui passe six demi-journées par mois dans les locaux de l’Assedic. Lorsqu’on avait besoin de renseignements, on ne savait pas trop qui appeler. Les guichets uniques personnalisent nos relations. » Embauché en 1996 lorsque l’Assedic a hérité de l’inscription des demandeurs d’emploi, Jean-Marc témoigne qu’il y avait « peu de contacts entre ces deux mondes. Aujourd’hui, on échange des informations à la pause de midi ». Mais travailler dans un service unifié, c’est une autre paire de manches.

Le GIE informatique est sur les rails

Placide, Daniel Urbani admet que son poste n’aura rien de « croustillant ». Cet ancien directeur des systèmes d’information de l’Unedic estime simplement naturel d’avoir été nommé en mars dernier directeur général du GIE SI Convergence Emploi, la structure informatique commune à l’ANPE et à l’Unedic. Piloté par un comité d’orientation stratégique à parité, le GIE regroupe les 1 100 informaticiens de l’Unedic et les 300 de l’ANPE, qui ont été détachés afin de conserver leurs conventions collectives et leurs statuts respectifs. Défi humain ou premier essai de privatisation, selon le SNU ANPE, le GIE est attendu au tournant. « Mon poste n’est pas très éloigné de ce que je faisais déjà, se rassure Daniel Urbani. Simplement, le jeu relationnel et politique se complexifie. »

Au programme, le GIE va devoir renforcer le système unifié de gestion informatique des demandeurs d’emploi (Gide) mis en place depuis 1984, étendre la mise en œuvre du dossier unique du demandeur d’emploi et mettre à disposition des entreprises et des demandeurs d’emploi des portails communs. Avec, comme échéance, le 1er juillet 2008, date fixée par la convention tripartite pour la mise en place d’une architecture informatique unique.

PARCOURS 1

Recherche accélérée

Sur 1 622 684 demandeurs d’emploi orientés vers un projet personnalisé, seuls 2,44 % le sont vers ce parcours.

PARCOURS 2

Recherche active

Le gros des troupes orienté vers un PPAE, soit 69,84 %, se retrouve dans cette catégorie.

PARCOURS 3

Recherche accompagnée

21,84 % des personnes orientées vers un PPAE le sont vers un parcours de recherche accompagnée.

Auteur

  • S.D.