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Les leçons à tirer de l'imbroglio du CNE

Repères | Éditorial | publié le : 01.04.2007 | Denis Boissard

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Les leçons à tirer de l'imbroglio du CNE

Crédit photo Denis Boissard

Décidément, la voie de la flexibilité, autrement dit de la réécriture light du Code du travail, est un chemin semé d'embûches. Pour avoir joué un peu précipitamment les apprentis sorciers, en sortant de son chapeau le contrat nouvelles embauches, puis en cherchant à imposer le contrat première embauche, un clone du premier destiné aux jeunes, Dominique de Villepin l'a appris à ses dépens.

Il lui a d'abord fallu manger son chapeau – et voir sa cote de popularité se volatiliser – en remisant, sous la pression de la rue, le CPE au hangar des réformes avortées avant même d'avoir vu le jour. Et le voilà maintenant qui essuie un sévère camouflet dans la bataille juridique qui l'oppose aux détracteurs du CNE. Doté d'une « période de consolidation » de deux ans pendant laquelle il peut être rompu sans justification, ce contrat de travail réservé aux petites entreprises (au maximum 20 salariés) part de l'axiome selon lequel des modalités de licenciement trop contraignantes conduisent les employeurs à être plus frileux dans leurs recrutements.

Seul bémol, de taille : son mode de rupture très atypique le rend difficilement compatible avec la convention n° 158 de l'OIT, ratifiée par la France, qui prohibe les licenciements prononcés sans motif valable, sauf pour « les travailleurs effectuant une période d'essai ou n'ayant pas l'ancienneté requise, à condition que la durée de celle-ci soit fixée d'avance et qu'elle soit raisonnable ». Saisi par les syndicats en annulation de l'ordonnance d'août 2005 instituant le CNE, le Conseil d'État n'y avait rien trouvé à redire. En revanche, saisi à son tour, le juge judiciaire, en l'espèce le conseil de prud'hommes de Longjumeau, ne l'a pas entendu de cette oreille et a jugé le CNE non conforme à la norme internationale. Mais le juge judiciaire était-il compétent ? Non, estimait le gouvernement, soutenant que le CNE relevait de la seule juridiction administrative, a priori plus réceptive à ses thèses. Oui, vient à l'inverse de répondre le Tribunal des conflits. Après appel, l'affaire a donc toutes les chances d'atterrir devant la Cour de cassation. Avec, à la clé, un risque non négligeable pour Dominique de Villepin de voir invalider son CNE et, avec lui, de voir s'évanouir l'ultime avatar de ses tentatives d'assouplissement du droit du travail.

La leçon est à méditer pour les partisans, Nicolas Sarkozy en tête, d'un contrat unique à droits progressifs, apportant plus de souplesse aux entreprises. Un dispositif qui ressemblerait fort au CNE. D'abord, la France ne peut s'affranchir des normes supranationales en matière de rupture du contrat. Ensuite, l'urgence est mauvaise conseillère. Sur un sujet aussi sensible, seule la voie du compromis avec les partenaires sociaux, via une concertation poussée ou une négociation, permet d'avancer. À défaut, l'on s'expose à une capitulation en rase campagne ou à une guérilla juridique aléatoire.

Auteur

  • Denis Boissard