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L'indispensable pactole régional

Dossier | publié le : 01.04.2007 |

La formation sort gagnante de la décentralisation. Mais si les régions y consacrent déjà 16 % de leur budget, elles sont à la limite de la surchauffe sur l'apprentissage.

Les régions sont devenues les chefs de file de la formation continue et de l'apprentissage », martèle Jean-Paul Denanot, président de la commission ad hoc de l'Association des régions de France (ARF) et président du conseil régional du Limousin. Personne ne contestera les dires de ce proche de Ségolène Royal. En 2006, les 22 régions qui ont hérité de nouvelles compétences depuis la loi du 13 août 2004 sur les libertés et les responsabilités locales ont consacré plus de 3,3 milliards d'euros à la formation continue et à l'apprentissage, soit 16,2 % de leur budget. En un an, leurs dépenses ont progressé de 5,9 %. Avec, comme principal défi, de réussir la décentralisation de la commande publique à l'Afpa d'ici à la fin 2008, date à laquelle les régions deviendront les donneurs d'ordres exclusifs de l'organisme.

D'ores et déjà, 19 conventions tripartites Afpa-État-régions ont été signées pour opérer la bascule. Les crédits, soit 712 millions d'euros, antérieurement aux mains de l'État, ont été progressivement transférés aux régions, qui pourront les utiliser pour toute commande de formation auprès de l'Afpa ou d'un autre organisme privé ou public. « Le transfert de la commande publique de l'Afpa va nous donner la main sur le dispositif de formation des demandeurs d'emploi », se félicite Yannick Soubien, vice-président (Verts) du conseil régional de Basse-Normandie. « La difficulté va être de réussir la mise en concurrence de l'Afpa d'ici à janvier 2009, nuance Jean-Paul Denanot. Nous attendons impatiemment la transposition de la directive européenne sur les services pour savoir si les régions pourront octroyer des subventions à l'Afpa, mais rien n'est moins sûr. »

Grands ordonnateurs depuis les lois de décentralisation de 1982-1983, les régions ont aussi hérité du financement des formations sanitaires et sociales. Une décentralisation qui représente un enjeu évalué à plus de 622 millions d'euros en année pleine, d'après la commission consultative sur l'évaluation des charges. Dans un rapport concernant la décentralisation de la formation professionnelle et de l'apprentissage de 2005, le Sénat souligne que « le périmètre des formations devrait évoluer en fonction des nouveaux diplômes de travail social ». En Aquitaine, la région, qui consacre 158,7 millions d'euros à la formation continue et à l'apprentissage, a décidé d'assurer la gratuité de la formation au métier d'aide-soignant. Même chose en Bretagne, qui prévoit d'ouvrir cinq nouvelles sections en septembre 2007 et de financer les études de 520 stagiaires, soit un coût supplémentaire d'environ 2,6 millions d'euros. Pour répondre à la fois au vieillissement de sa population et aux 11 000 départs en retraite d'infirmiers d'ici à 2013, la Bretagne va aussi augmenter progressivement sa capacité de formation afin d'aboutir à 1 500 diplômés par an à partir de 2013, soit une charge budgétaire additionnelle de 5 millions d'euros.

En matière d'apprentissage, plusieurs régions jugent inatteignable l'objectif des 500 000 apprentis d'ici à 2009 fixé par l'État et préfèrent s'employer à améliorer les dispositifs. « Nous avons limité à 15 % l'accroissement du nombre des apprentis pour 2005-2009 car les 40 % préconisés par l'État ne correspondaient absolument pas à nos besoins, souligne Yannick Soubien, en Basse-Normandie. Notre tissu économique, qui compte déjà 10 000 apprentis, n'aurait pas pu en absorber autant. » La région, qui souffre d'un taux de chômage des jeunes supérieur à la moyenne nationale du fait du faible niveau de qualification, choisit de privilégier l'apprentissage postbac, avec l'ouverture d'un CFA à l'université de Caen. « Nous sommes au taquet avec 12 000 places en apprentissage, continue François Patriat, président du conseil régional de Bourgogne. Cette région entend notamment moduler le système d'aide aux employeurs pour améliorer l'accueil dans les entreprises et diminuer le taux de rupture des contrats, actuellement de 15 %, contre 25 % au niveau national. La région Rhône-Alpes, en revanche, va accroître le nombre de places de 32 000 à 50 000 en 2010 pour les niveaux IV et V et ouvrir de nouvelles sections dans l'industrie. « Les régions s'inquiètent du fait que les moyens alloués par l'État, avec une hausse prévue de 20 %, n'augmentent pas dans les mêmes proportions, souligne Bernard Pasquier, délégué de l'Association française pour la réflexion et l'échange sur la formation. Le développement de l'apprentissage risque aussi de se faire au détriment des lycées professionnels, dans lesquels elles ont lourdement investi. »

Coordonner des acteurs pléthoriques

Articuler et rationaliser l'offre de formation en fonction des territoires et des branches, élever le niveau de qualification des plus fragiles, sécuriser les parcours de formation… Tels sont les desseins que poursuivent la plupart des régions à travers leur fameux plan régional de développement des formations professionnelles (PRDFP), un outil censé structurer l'offre de formation initiale et continue ainsi que l'apprentissage. Un exemple de démocratie participative avant l'heure qui réunit autour d'une même table les acteurs des secteurs concernés : branches professionnelles, CFA, Afpa, Greta, ANPE… En Basse-Normandie, par exemple, le PRDFP 2006-2010 se veut le fruit de 14 réunions laborieuses. Mais, à défaut de disposer de l'ensemble des leviers, les conseils régionaux peinent à donner du corps à la formation tout au long de la vie et à coordonner les acteurs pléthoriques. Le Sénat observe « une articulation incomplète entre les compétences de l'État en matière d'emploi et celles des régions relatives à la formation. […] La responsabilité des régions en matière de formation professionnelle et d'apprentissage reste assortie d'exceptions qui conduisent à une compétence partagée, source d'incohérences ». Alain Le Vern, président de la région Haute-Normandie, précise : « Certaines actions comme la lutte contre l'illettrisme relèvent encore de l'État. Dans un domaine où il vaut mieux éviter la dispersion, des progrès restent à faire pour que les compétences nous soient entièrement dévolues. »

La région Poitou-Charentes s'y essaie, à travers une « conférence des financeurs de la formation » : région, État, Assedic, Agefiph, Association nationale de formation des personnels hospitaliers, Agefos PME… Tous sont volontaires pour organiser ensemble des modalités innovantes d'expérimentation de la sécurisation des parcours professionnels. Enfin, pour éviter l'effet « passager clandestin », quelques régions commencent à mutualiser leurs dispositifs de formation. C'est le cas du Limousin, du Centre et de Poitou-Charentes. Autre tactique en Bourgogne : « En contrepartie de la prise en charge de leur formation, nous demandons aux futurs aides-soignants un engagement de service dans la région pendant trois ans », précise François Patriat. Rien que du donnant-donnant.

S. D.

Lecture des tableaux

Pour neutraliser l'effet de taille des régions, le classement est opéré en fonction des dépenses par habitant, en métropole seulement. Les dépenses totales comprennent à la fois la formation professionnelle continue, l'apprentissage et les formations sanitaires et sociales.

Chiffres issus de la publication sur « les budgets primitifs des régions en 2006 », ministère de l'Intérieur et de l'Aménagement du territoire, Direction générale des collectivités locales.

Les cinq régions les plus généreuses (par habitant)Les cinq régions les moins généreuses (par habitant)
Commentaire

La Haute-Normandie remporte la palme de la générosité, en investissant plus de 101 euros par habitant. La lauréate consacre à la formation un quart de son budget et met l'accent sur l'élévation du niveau de qualification des jeunes sortis prématurément du système scolaire, mais aussi des salariés à travers la VAE. Elle devance la Lorraine et l'Alsace. À l'inverse, l'effort s'est ralenti en Midi-Pyrénées et plus encore en Corse, qui a vu son budget consacré à la formation et à l'apprentissage diminuer de 48,7 % en 2006.

Caracolant loin devant avec 550 millions d'euros, l'Ile-de-France se situe finalement au-dessous de la moyenne nationale, avec un budget de 61 euros par habitant. Et si la Bretagne ferme la marche, la région s'efforce de mailler son territoire à travers l'ouverture de maisons de la formation professionnelle dans ses 21 « pays ».

3,3 milliards d'euros, c'est le moment des crédits consacrés par les 22 régions à la formation professionnelle et à l'apprentissage