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“L'assurance chômage est un régime hors contrôle”

Actu | Entretien | publié le : 01.03.2007 | Sandrine Foulon, Pierre-David Labani

Trop alambiqué et trop coûteux, le régime d'assurance chômage ! L'économiste propose de le réformer en simplifiant le système d'allocations et en instaurant une dégressivité des cotisations en fonction de l'ancienneté du contrat.

Pourquoi changer les règles de l'assurance chômage ?

Si incroyable que cela puisse paraître, la théorie économique ne définit pas comment devrait être équilibré un régime d'assurance chômage (RAC). Aujourd'hui, l'assurance chômage est structurellement excédentaire. Cela crée un vrai problème : elle prélève trop sur le coût du travail, ce qui nuit à l'emploi. Par ailleurs, le fourmillement de règles et leur complexité ont rendu le système illisible et hors contrôle : l'incohérence des filières actuelles est le symptôme flagrant que plus personne ne le maîtrise. Et, surtout, ce régime a engendré de fortes inégalités parmi les allocataires.

Par exemple ?

Deux allocataires qui ont des temps de travail très proches peuvent bénéficier de droits radicalement différents. Il suffit parfois de travailler un mois de plus pour les voir passer du simple au double. Les gens n'en ont pas conscience car le système est opaque, mais ils le découvrent à l'usage. Prenons le cas de deux personnes qui touchent le smic. Celle qui gagne cette somme en une journée aura presque les mêmes droits que celle qui aura travaillé à temps plein pendant un mois pour la percevoir. C'est une incitation « clandestine » au temps partiel. Ce n'est pas un jugement. On pourrait estimer que le temps partiel est précaire et qu'il faut donc donner de meilleures allocations aux salariés concernés. Mais ce n'est pas présenté comme tel.

Alors, comment optimiser le RAC ?

Déjà, nous proposons de fusionner les filières pour n'en faire qu'une, comme aux Pays-Bas. Avec une règle simple : quatre heures d'indemnisation pour cinq heures travaillées au cours des trente derniers mois associée à un plancher minimal de temps travaillé. Cela supprimerait tous les cas pour lesquels le temps indemnisé est très supérieur ou très inférieur au temps travaillé. Nous proposons également une règle plus lisible de calcul des allocations fondée sur les revenus nets, soit environ 95 % du smic plus 45 % de la fraction du salaire de référence qui excède le smic, sans dégressivité.

Pourquoi ne pas revenir à la dégressivité des allocations pour doper le retour à l'emploi ?

Des études l'ont montré, la dégressivité est effectivement une mesure incitative à la reprise d'emploi. Mais, sur ce sujet tout comme sur celui de l'accompagnement des chômeurs, qui ne sont d'ailleurs pas incompatibles avec nos pistes de réforme, nous n'avons rien de nouveau à apporter. Nous avons préféré nous centrer sur les possibilités d'allégement du coût du travail, grâce à une gestion plus efficace de l'assurance chômage.

Vous proposez également une incitation pour les entreprises qui favorisent les contrats longs…

Aujourd'hui, on privilégie les entreprises qui ont recours aux contrats courts au détriment de celles qui prennent le risque de la longévité. Et cela coûte cher au RAC. Nous proposons d'instaurer une dégressivité des cotisations en fonction de l'ancienneté du contrat, quel qu'il soit. On aurait pu taxer les contrats courts, comme le défendent FO et la CGT, mais notre mesure évite de stigmatiser CDD et intérim, ainsi que l'association simpliste CDD-précarité et CDI-sécurité. Elle ne crée pas que des gagnants, mais laisse libres les entreprises consommatrices de contrats précaires de répercuter la hausse des coûts sur leurs prix de vente.

Pourquoi ne pas privilégier un système de bonus-malus, à l'instar de ce que propose le rapport Cahuc-Kramarz ?

Il préconise de taxer les entreprises qui licencient. L'objectif étant de financer les reclassements. C'est une bonne piste, mais elle n'est pas destinée à optimiser le régime d'assurance chômage. Aux États-Unis, certains États pénalisent les sociétés qui licencient trop souvent. Mais nombre de ces entreprises disparaissent et ne paient plus. Qui plus est, elles sont taxées au pire moment pour elles.

Comment parvenez-vous à alléger le coût du travail à hauteur de 11 milliards d'euros ?

Grâce à la création d'une cotisation patronale de la fonction publique qui élargirait l'assiette de financement du RAC. Ainsi, on fiscalise une partie des ressources et on ne touche pas au pouvoir d'achat des fonctionnaires. Il est injuste et inefficace que le secteur marchand soit seul à financer le RAC.

Pourquoi mettre le régime des intermittents à contribution ?

Nous proposons de mettre les intermittents au niveau des intérimaires. Ce régime est très onéreux et il paraît anormal que le régime général paie pour des salariés qui ne se différencient que par le client final. Pourquoi distinguer le chauffeur de production du chauffeur de maître ? Et pourtant leurs droits sont sensiblement différents.

BRUNO COQUET

Économiste.

ÂGE

42 ans.

PARCOURS

Bruno Coquet a partagé sa carrière entre recherche et fonctions opérationnelles. Chercheur à l'OFCE, responsable des prévisions chez Renault, il a occupé plusieurs postes au sein du ministère de l'Emploi. Il est administrateur du Centre d'études de l'emploi. Il vient de publier avec Arnaud Sylvain « l'Indemnisation du chômage : éléments pour une réforme », dans la revue Sociétal (n° 55).

Auteur

  • Sandrine Foulon, Pierre-David Labani