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L'internaute intéresse les entreprises

Dossier | publié le : 01.01.2000 | V. L.

L'usage d'Internet se démocratise. Les candidats n'hésitent plus à transmettre leur CV par e-mail. Mais les DRH ne savent pas encore intégrer cette donnée dans leur politique globale de recrutement ni exploiter les multiples possibilités du Web.

La comparaison est sans appel : aux États-Unis, la moitié des embauches se fait aujourd'hui par le Web, alors que la proportion est d'environ 5 % en France. Mais les entreprises hexagonales commencent à changer leurs habitudes. Question de prestige, tout d'abord. « Beaucoup de grands groupes ont déjà investi le Net. Nous nous devions d'y être, pour défendre notre image high-tech », reconnaît Claire Boggio, responsable de la mobilité et des relations avec les écoles chez Philips. La filiale française du groupe hollandais a consacré 300 000 francs à la création de son Web, ouvert en juin 1999. Les sites poussent actuellement comme des champignons dans les grandes entreprises. En marge des informations institutionnelles, ils comportent des rubriques ressources humaines de plus en plus fournies et offrent surtout la possibilité de faire acte de candidature en ligne. Certaines entreprises vont même plus loin. Sur le serveur de la filiale française d'Unilever, inutile de chercher un catalogue de produits, la carte des implantations ou le nom des dirigeants : le Web a été conçu uniquement pour séduire les futures recrues. À côté des traditionnelles offres de stage et d'emploi, on trouve des critiques de films ou de disques compacts destinées à attirer les jeunes diplômés.

Un taux de déchet de 50 % pour les CV en ligne

Les recruteurs ont enfin compris que l'internaute est une espèce intéressante. « Nous ciblons les candidats de 30 à 35 ans, déjà en poste, occupant des fonctions dans l'informatique ou les télécoms », précise Céline Mielot, responsable du recrutement et des rémunérations à la Lyonnaise Câble. La pêche devrait être bonne, car c'est le type même de l'internaute qui est recherché. Le site RH de l'entreprise, créé en octobre 1998, draine d'ailleurs près des deux tiers des 1 200 CV reçus chaque mois. Depuis la mise en ligne, la Lyonnaise Câble emmagasine 40 % de CV en plus. « Les candidatures spontanées reçues sur le Net sont beaucoup plus pertinentes que les autres, ajoute Claire Boggio, de Philips. Le taux de déchets des CV sur papier s'élève à 70 %. Il tombe à 50 % pour les candidatures électroniques. »

Internet se démocratise à toute allure. Il attire des candidats plutôt jeunes, diplômés et en activité, mais il n'est plus la chasse gardée des informaticiens et des ingénieurs. « Le profil des internautes évolue de mois en mois, assure Antoine Jeandet, P-DG de l'agence de communication en recrutement Bernard Hodes Advertising France. On trouve aujourd'hui sur le Net presque tous les métiers. » Il y a quelques semaines, Vincent Moret, consultant au cabinet de recrutement et de conseil Capfor, qui reçoit 70 % de ses candidatures via Internet, a lu un premier CV électronique de boucher ! Cette diversité de profils ouvre de larges horizons à tous les secteurs d'activité, et plus seulement aux entreprises high-tech.

Un outil complémentaire des annonces de presse

Mais, pour attirer des candidatures, il ne suffit pas d'avoir un site bien conçu. « Une fois le site créé, il reste 80 % du travail à réaliser », prévient Antoine Jeandet. Or beaucoup d'entreprises s'arrêtent en chemin, en oubliant de diffuser leur adresse électronique dans leurs annonces de presse, ou directement sur le Net, en se faisant référencer par les moteurs de recherche, ou en y achetant de la publicité. Résultat : elles ne touchent que des candidats déjà convertis. Le problème de fond est que les DRH ne savent pas toujours comment intégrer le Web dans leur politique globale de recrutement. « La plupart n'ont pas de vision stratégique réelle », soupire Antoine Jeandet. « Internet est un outil de plus qui complète les annonces de presse ou les forums étudiants », estime Claire Boggio. L'exemple américain est riche d'enseignement. Les sociétés américaines qui avaient tout misé sur Internet ont fait volte-face. Les annonces de presse demeurent un excellent vecteur de notoriété. « Globalement, Internet doit représenter entre 10 et 15 % du budget total de la communication de recrutement », préconise Antoine Jeandet.

Autre outil à utiliser avec précaution : les sites d'emploi. « Certains Web annoncent fièrement 3 000 CV par mois. Or ils reprennent les candidatures déposées sur d'autres sites, assure Céline Mielot, de la Lyonnaise Câble. Via un serveur, j'ai reçu une centaine de CV en une semaine, pratiquement tous inexploitables. J'ai vite arrêté les frais. » Aujourd'hui, l'opérateur se limite aux sites ayant pignon sur rue, telles les versions françaises des mastodontes américains, comme Monster, de TMP Worldwide, leader de l'emploi par Internet outre-Atlantique. Toutes les entreprises ne se donnent pas les moyens d'exploiter les multiples possibilités du Web, en s'équipant, par exemple, de logiciels de gestion des candidatures. Depuis près d'un an, la Lyonnaise Câble confie le premier tri des CV reçus à un prestataire qui les enregistre dans une base de données. « Cela nous permet de répondre systématiquement à tous les candidats, ce qui n'était pas le cas auparavant », indique Céline Mielot. Mais les candidatures sélectionnées, envoyées par mail ou par courrier, sont toujours traitées manuellement.

Chez Philips, le système est plus abouti. Le recrutement est décentralisé. Le siège alimente un vivier avec les candidatures spontanées qui lui parviennent. Les 20 établissements de l'entreprise gèrent leurs propres recrutements, diffusent leurs offres dans la presse et sur le Net, à commencer par le site maison. Mais tous les recruteurs du groupe n'ont pas encore un accès à Internet. En revanche, ils disposent d'un intranet qui rassemble les CV reçus ainsi que les candidatures internes. Et chacun fait son marché. L'entreprise réfléchit à une solution encore plus globale : « Nous voulons encourager la mobilité. Aujourd'hui, nos salariés sont informés des ouvertures de postes par un bulletin sur papier distribué quatre fois par an. Notre objectif : qu'ils naviguent sur notre site, via l'intranet. » Il faut bien reconnaître que peu d'entreprises, en France arrivent à marier Internet et intranet.

Cisco Systems traque ses candidats sur Internet

Cisco Systems, premier fournisseur mondial de solutions réseaux pour Internet, traque les candidats sur le Web, avec l'habileté des grands prédateurs. L'entreprise américaine chasse à l'aide d'une arme très au point, encore peu utilisée en France. Elle a d'abord sélectionné des serveurs que ses candidats potentiels vont visiter. Des sites d'emploi ou d'informations dédiées aux professionnels de l'informatique. Un logiciel repère les adresses électroniques des internautes qui s'y connectent. L'un d'entre eux vient de chez un concurrent ? Une publicité pour Cisco s'affiche automatiquement sur la page qu'il consulte. Le tour est joué : d'un simple clic, il attend sur le site de recrutement de l'entreprise.

Tout a été pensé pour que le candidat pressé ne s'échappe pas. Il peut se contenter d'envoyer son CV par mail ou d'en écrire un bref résumé dans un espace prévu à cet effet. L'entreprise lui propose même de sélectionner pour lui les offres qui correspondent à son profil, et de les lui envoyer directement dans sa boîte aux lettres électronique. S'il a dix minutes devant lui, il peut remplir un questionnaire ou consulter les offres d'emploi de tous les sites de l'entreprise dans le monde – y compris celui de la filiale française – pour ensuite postuler en ligne. Cerise sur le gâteau, il a même la possibilité de se faire un « Cisco friend ». Quelques jours après son inscription, un salarié de l'entreprise – qui travaille dans son secteur d'activité – lui passe un coup de fil, pour papoter, lui décrire l'ambiance de travail, le renseigner sur les types de missions proposées ou les salaires offerts. Du grand art !

Http://www.cisco.com. Voir aussi Le Recrutement sur l'Internet, étude de L'Atelier.

Auteur

  • V. L.