En cette année où la politique va reprendre tous ses droits, deux politologues, Xavier Crettiez et Isabelle Sommier, ont eu l’idée de dresser la carte de la « France rebelle ». Ce qui frappe dans ses formes les plus modernes, comme les émeutes urbaines des banlieues, c’est plutôt une sorte de désespérance froide, éloignée de l’enthousiasme libertaire de Mai 68. Sous le même mot, Crettiez et Sommier distinguent trois catégories de rébellion : une façon de revendiquer le droit de se « réaliser » envers et contre tout ; un acte d’intégration ; enfin, une rupture radicale, antidémocratique et antilibérale. Un long chapitre est consacré à l’analyse des émeutes urbaines de novembre 2005. Guère rassurants, les auteurs affirment que « les émeutes ont encore de beaux jours devant elles dans la société française ». Le cadre de l’ouvrage dépasse toutefois cette révolte des banlieues. Au générique, on trouve la « rébellion autonomiste », des Corses ou des Basques, la mouvance de la « gauche de la gauche », les droites radicales ou la « rébellion salariale ». Soulignant le rôle important dans le développement de cet extrémisme ouvriériste qu’ont joué les crises internes de la CFDT et la « position non assumée de centralité dans les luttes de la CGT », le livre croit pouvoir diagnostiquer « le renouveau et la consolidation d’un syndicalisme de lutte », ce qui reste à prouver. Dans leur volonté d’exhaustivité, les concepteurs de ce panorama du radicalisme évoquent même les mouvements d’immigrés et le combat contre le sida, les droits de l’homme et les croisés de l’antiavortement, le développement du hip-hop et les polices municipales… Un instrument précieux pour tous ceux qui veulent connaître la société française sous toutes ses facettes, même les plus sombres ou les plus exotiques.