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La fonction publique doit rentrer dans le rang

Dossier | publié le : 01.02.2007 | E. G.

Exempte de tout contrôle durant vingt ans, la fonction publique est désormais soumise à la règle commune en matière d’emploi de personnes handicapées. Mais la culture administrative n’est pas toujours réceptive aux initiatives.

L’État est décidément un bien mauvais employeur. Depuis la loi de 1987, la fonction publique est soumise aux mêmes obligations que le secteur privé en ce qui concerne l’emploi de personnes handicapées. Mais il aura fallu attendre près de vingt ans pour qu’elle se dote d’une instance chargée de contrôler, de comptabiliser et de sanctionner les éventuels manquements à la loi. C’est le rôle dévolu au Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP), mis en place début 2006, sur le modèle de l’Agefiph, dans le cadre de la loi handicap. Secteurs public et privé sont désormais sur un pied d’égalité. Tout employeur public comptabilisant au moins 20 agents en équivalent temps plein et ne respectant pas le seuil des 6 % de salariés handicapés devra s’acquitter d’une contribution financière au FIPHFP, qui réinvestira ces sommes dans des actions d’insertion. Pour l’année 2006, le fonds prévoyait une collecte supérieure à 50 millions d’euros, qui devrait encore doubler en 2007.

Une cellule ad hoc à Bercy

Mais, selon Didier Fontana, correspondant handicap au ministère des Finances, la fonction publique n’est pas à blâmer. Cet ancien inspecteur des impôts, lui-même paraplégique depuis 1973, fait figure de pionnier. « Dès 1991, nous avons créé une cellule de reclassement et d’insertion des personnes handicapées (Criph), directement rattachée au service de la DRH du ministère, et nous menons, depuis, une politique volontariste, à maints égards exemplaire. » Didier Fontana revendique ainsi un taux d’emploi de 4 % – « qui n’est d’ailleurs pas significatif du nombre de personnes en situation de handicap bénéficiant de l’action de la Criph » –, la mise en place du financement de prothèses auditives pour des agents malentendants, la constitution d’un réseau de 500 correspondants handicap locaux ou encore la présence d’auxiliaires de vie sur le lieu de travail pour les handicaps « lourds ». « La situation dans la fonction publique n’est pas homogène. Mais l’insertion des personnes handicapées est d’ores et déjà une réalité dans certaines administrations », souligne-t-il. Chacune a sa propre culture, ses problématiques. D’un point de vue budgétaire, une collectivité territoriale ne dispose pas des mêmes moyens qu’un ministère.

Sous-déclaration.

Officiellement, les trois fonctions publiques affichent un taux d’emploi d’environ 4 %, mais la réalité est plus complexe. « Les chiffres publiés n’ont aucun sens, avertit Martine Faucher, présidente du FIPHFP et déléguée ministérielle handicap au ministère de la Justice. En vingt ans, il n’y a jamais eu de véritable suivi des effectifs. Le recensement était laissé à la discrétion des employeurs, sans aucune vérification. Certaines administrations ne prenaient même pas la peine de communiquer leurs données. » Dans un rapport présenté fin 2006 à l’Assemblée nationale, le député Gérard Cherpion confirme l’absence de fiabilité des données en avançant plusieurs explications : manque de transparence de certaines administrations, définition du handicap encore très floue pour les responsables des ressources humaines ou encore prise en compte dans les statistiques des agents occupant des emplois réservés et ne présentant aucun handicap.

L’ONF se voit ainsi crédité d’un taux d’emploi record de 10,9 %, ramené à 3,5 % lorsque l’on retranche les anciens militaires valides comptabilisés. Le recensement est encore compliqué par la réticence de nombreux agents à se déclarer par crainte de compromettre leur déroulement de carrière. « Le handicap n’est pas encore entré dans la culture de la fonction publique, souligne Martine Faucher. Nous payons le prix de la mobilité des cadres dans la fonction publique. Toutes les personnes qui, au fil des années, se sont investies dans le domaine du handicap ont été appelées à d’autres fonctions. Résultat : la discrimination, les inégalités de traitement, les refus de titularisation sont encore très répandus et, le plus souvent, les responsables RH ne se sentent pas concernés. Nous avons un énorme travail de sensibilisation devant nous, tant auprès des agents que des cadres. »

Une mission d’autant plus difficile à mener que le FIPHFP, géré par la Caisse des dépôts et consignations, ne dispose d’aucune structure administrative, ni de budget propre pour mener les actions de communication et de formation souhaitées, comme le dénonce le sénateur Paul Blanc, rapporteur de la loi handicap au Sénat : « Les gestionnaires des fonds issus de la Caisse des dépôts refusent d’y consacrer les sommes nécessaires. Il est donc très important que le décret [du 3 mai 2006, qui confie la gestion du fonds à la CDC] puisse être réécrit dans les meilleurs délais. » Autre anomalie fâcheuse : toute demande d’intervention du FIPH – pour un aménagement de poste, par exemple – doit être le fait de l’employeur. « Si nous ne pouvons pas communiquer, comment pourrons-nous susciter des initiatives ? » s’interroge Martine Faucher. Si la fonction publique collecte les contributions financières des administrations, elle ne sait pas encore les redistribuer.

Une porte ouverte sur le recrutement

L’accès à la fonction publique par voie exclusive de concours a longtemps été un sérieux obstacle à l’intégration des personnes handicapées. Dès 1987, un certain nombre de mesures dérogatoires ont été prises pour rétablir l’égalité des chances. Il existe aujourd’hui deux manières d’entrer dans la fonction publique : par concours, le candidat pouvant bénéficier d’un aménagement des épreuves. Ou par la voie contractuelle : le recrutement s’effectue alors directement par l’employeur sur un poste vacant, de la même manière que dans le privé. Le candidat doit satisfaire aux conditions générales d’accès aux emplois publics, présenter le niveau de qualification requis et être officiellement reconnu travailleur handicapé. Aux termes du contrat, qui dure généralement un à deux ans, il peut être titularisé. « C’est une évolution considérable, souligne Philippe Guittard, au ministère de la Justice, qui permet une réelle adéquation entre l’offre et la demande. L’embauche d’une personne handicapée n’est plus un geste humanitaire. C’est un vrai recrutement. Pendant la période contractuelle, la personne est préparée à son futur poste et bénéficie de l’accompagnement nécessaire. »

Un levier efficace pour parvenir au taux d’emploi de 6 % et éviter que les personnes handicapées ne soient cantonnées dans les catégories d’emplois les plus basses. Mais « ces recrutements par voie dérogatoire sont encore trop souvent considérés comme des passe-droits », reconnaît Philippe Guittard.

Auteur

  • E. G.