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Repères

Gare au désinvestissement des salariés !

Repères | Éditorial | publié le : 01.01.2007 | Denis Boissard

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Gare au désinvestissement des salariés !

Crédit photo Denis Boissard

Il y a péril en la demeure ! Dans la dernière livraison de sa traditionnelle Note de conjoncture sociale, Entreprise & Personnel adresse une inquiétante mise en garde aux responsables d'entreprise en pointant du doigt une évolution « problématique » : « la réalité des phénomènes de désengagement à tous les niveaux ». Explication : « Les salariés mécontents protestent moins qu'ils ne se résignent et se mettent en retrait. » Et de conclure : « Désormais, le plus important pour l'entreprise est de détecter à temps la démotivation et le retrait, plus que la contestation. » Si certains DRH s'illusionnent encore en mettant cette prise de distance sur le compte des 35 heures, d'autres commencent à s'avouer, mezza voce, qu'il s'agit surtout d'un effet délétère de la financiarisation à marche forcée des entreprises. La prise de pouvoir par l'actionnaire produit en effet de sérieux dégâts collatéraux.

Perte de sens d'abord. Si les dirigeants ont compris qu'il fallait arrêter de se gargariser de « création de valeur pour l'actionnaire », hormis dans les road shows à destination des investisseurs, les salariés ont bien intégré que la recherche du profit à court terme était aujourd'hui le seul véritable moteur des entreprises cotées.

Scepticisme ensuite. Au fur et à mesure que l'objectif de rentabilité affiché s'élève, comme la promesse en est faite aux actionnaires, le doute grandit chez les salariés et les cadres quant à la capacité de l'entreprise à gravir chaque année une marche d'escalier supplémentaire, d'autant que celle-ci se révèle de plus en plus pénible à atteindre.

Coupure avec le top management. La financiarisation va de pair avec un éloignement des centres de décision des réalités du terrain, les sièges des grandes entreprises se comportant comme des holdings fixant d'en haut des objectifs financiers aux entités opérationnelles et contrôlant de façon tatillonne leur réalisation. La distanciation est d'autant plus grande que les dirigeants partagent désormais, grâce aux stock-options et primes sur objectifs qui leur sont généreusement octroyés, les mêmes intérêts que l'actionnaire, alors que les salariés constatent, via l'évolution de leur feuille de paie, que le partage de la valeur ajoutée tend à se déformer à leur détriment.

Frustration grandissante. Rentabilité oblige, les salariés sont plongés dans des injonctions contradictoires qu'ils ont le plus grand mal à résoudre… Faire bien dans des délais de plus en plus serrés, faire mieux avec moins de moyens. Client roi et cost killing ne font pas forcément bon ménage avec l'idée que se font les salariés du travail bienfait.

Perte d'autonomie enfin. Au nom de la transparence, les salariés que l'on dit vouloir « responsabiliser » voient paradoxalement leur travail encadré, chaque jour un peu plus, par des process et des procédures standardisés, et contrôlé par des dispositifs de reporting de plus en plus sophistiqués et… terriblement chronophages.

On souhaite bon courage aux DRH qui entendent remonter la pente dans les années à venir.

Auteur

  • Denis Boissard