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Politique sociale

Suède “L'insécurité s'est installée”

Politique sociale | publié le : 01.01.2007 | Jean-Louis Weber

Jean-Louis Weber, facteur depuis trente-cinq ans, est catégorique : « Pour moi, la Poste est un monopole naturel. » Ce Suédois de père français a connu tous les soubresauts de Posten, l'opérateur historique suédois qui, le premier au monde, a vécu la déréglementation du marché postal en 1993. À Stockholm, où il distribue le courrier, la concurrence s'est fait sentir. « Nous avons moins de courrier à distribuer. Du coup, notre rentabilité sur la ville, là où elle était la meilleure, a baissé. Et ça met en danger notre capacité à assurer un bon niveau de distribution dans les régions reculées de Suède. »

Jean-Louis Weber a vu son travail évoluer, mais plutôt à la marge. « Au lieu de porter un sac à l'épaule, j'ai une poussette à roulettes ou un vélo. Et si je transporte moins de lettres, j'ai beaucoup plus de dépliants publicitaires. Le poids de ce que je transporte a dû doubler. » La zone de distribution pour chaque facteur a augmenté. D'autant que Posten a réalisé des coupes claires dans ses effectifs : des quelque 70 000 employés il y a une vingtaine d'années, il n'en subsiste qu'un peu plus de 33 000 aujourd'hui.

« C'est beaucoup plus dur, l'insécurité s'est installée », note Jean-Louis Weber, même s'il considère que Posten reste une entreprise solide qui accompagne les licenciés avec sa propre organisation d'outsourcing, Futurum. Il admet toutefois que les avantages sociaux sont plus importants pour les anciens que pour les nouveaux. « J'ai sept semaines de congés, grâce à mon ancienneté, et je peux prendre ma retraite à 60 ans. Mais, pour les nouveaux embauchés, les congés ne dépasseront pas cinq semaines pour une retraite à 65 ans. »

Côté salaire, peu d'écart

En douze ans, le marché postal suédois s'est profondément transformé. « Les 1 300 bureaux de poste traditionnels ont fermé, remplacés par 1 600 dépôts postaux ouverts dans des épiceries ou des stations-service, 400 centres postaux destinés aux entreprises et un réseau de 700 agences uniquement pour les opérations de caisse », précise Mattias af Geijerstam, porte-parole de Posten. Ces dernières représentent 4 % du chiffre d'affaires de Posten, qui souhaite s'en débarrasser vu son manque de rentabilité. Car de plus en plus de Suédois gèrent leur argent et paient leurs factures par Internet.

L'ouverture à la concurrence a vu la création d'une centaine de compagnies postales à travers le pays. La plupart au niveau local émettent leurs propres timbres et disposent de quelques boîtes aux lettres. Une trentaine ont survécu. CityMail, le premier à avoir défié le monopole, est aujourd'hui le seul concurrent sérieux de Posten. Il n'est pas rare de voir les vélos des facteurs concurrents garés devant l'entrée d'un immeuble. Mais CityMail, avec ses services destinés aux entreprises, ne couvre que 40 % des adresses du pays.

Avantage concurrentiel certain

La libéralisation totale du marché postal en 2009 annoncée par Bruxelles ne devrait pas radicalement changer ce paysage. Seul Posten, dont l'État suédois est l'unique actionnaire, assure la couverture universelle du pays, comme le lui impose la loi. C'est coûteux, car la Suède est un pays étendu avec de vastes zones peu peuplées, mais cela lui assure encore un avantage concurrentiel certain et lui permet de s'accaparer 91,8 % du marché postal, loin devant CityMail (7,8 %), tandis que la trentaine d'autres opérateurs n'ont que 0,34 % des parts.

Olivier Truc, à Stockholm

Auteur

  • Jean-Louis Weber