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Politique sociale

Grande-Bretagne “Des réductions de personnel inévitables”

Politique sociale | publié le : 01.01.2007 | John Deere

Le plus gros changement a été culturel. Avec le monopole, la clientèle nous était acquise. Désormais, il faut la satisfaire si on veut la garder », résume John Deere, 44 ans, vingt-huit ans de service, entré à Royal Mail comme caissier, à présent directeur du dépôt d'Islington, dans le nord de Londres. Car la Grande-Bretagne a complètement ouvert son marché postal le 1er janvier 2006. Une libéralisation qui a surtout affecté la collecte du courrier. Les 19 concurrents – DHL, TNT, Business Post, UPS… – collectent les plis chez leurs clients, les trient et les apportent dans les dépôts de Royal Mail. La distribution des lettres, soit 72 % du marché postal, reste encore du ressort de l'opérateur historique, détenu à 100 % par l'État, qui étudie une prise de participation des employés. « Bientôt, cependant, je ne serais pas étonné de voir deux personnes portant un uniforme différent sonner à la même adresse, poursuit John Deere. Depuis un an, j'ai vu l'activité de nos concurrents ne cesser d'augmenter. Et la nôtre, baisser d'autant. Or on a conservé les mêmes effectifs et les mêmes structures, bâtiments, véhicules… Cela ne pourra pas durer, les réductions de personnel seront inévitables. Trente mille emplois ont déjà été supprimés il y a trois ans lorsque l'on est passé de deux tournées à une par jour. En plus, on ne reçoit que 25 ou 30 pence par article qu'on distribue de la part des autres opérateurs, alors qu'il est bien plus rentable d'assurer le traitement du courrier sur toute la chaîne. »

Réorganisations

Les syndicats redoutent d'autres conséquences : la renégociation des conditions de travail, de la rémunération, des avantages sociaux, la multiplication des temps partiels… Et des réorganisations techniques : l'externalisation des chauffeurs, par exemple. C'est ce qui s'est passé dès 2003 avec la libéralisation du marché des colis. Du coup, à Royal Mail, déjà très syndicalisé, le syndicat postal CWU redouble d'activité.

Pour l'heure, Royal Mail perd essentiellement des parts de marché avec les entreprises, qui postent 87 % du volume total des lettres. Les concurrents ciblent les gros pourvoyeurs de courrier : banques, distributeurs d'eau et d'énergie. Ils ne s'intéressent pas beaucoup aux particuliers. Mais DHL s'installe à Manchester et risque de devenir un concurrent sérieux, car il va se concentrer sur les zones rentables, la capitale et les grandes villes.

Quant à l'obligation de service universel, soit 24 millions d'adresses à visiter chaque jour, John Deere doute qu'elle soit éternelle. « Cela dépendra du régulateur. Mais, après tout, les attentes évoluent aussi. Tous les matins on ouvre la porte pour relever son courrier. Autrefois, c'était le lait, maintenant les gens vont au supermarché. » Et de conclure : « La bonne chose avec la libéralisation, c'est que Royal Mail est vraiment devenu une entreprise. Nos patrons sont des gestionnaires, pas des bureaucrates. La mauvaise, c'est qu'on a perdu la sécurité de l'emploi. Mais on ne peut pas se permettre d'être nostalgique. Il faut se battre pour rester dans la course. »

Léa Delpont, à Londres

Auteur

  • John Deere