Régulièrement, ce lamento vient occuper les discours d'une partie des décideurs : faute de fonds de pension, la France se bat avec une main liée dans le dos face aux défis de la mondialisation. Et repousse sur les générations futures tout le poids des retraites payées aux seniors aujourd'hui. Discours spécieux, soutient Sabine Montagne, car la capitalisation n'est pas plus à même que la répartition de résoudre les problèmes posés par le vieillissement démographique, les deux systèmes conduisant à des taux de rendement identiques. Finalement, dans les deux cas, c'est toujours d'une augmentation du prélèvement sur les revenus qu'il s'agit.

Si, néanmoins, l'idée des fonds de pension exerce une telle attraction, c'est d'abord parce qu'elle raconte une « fable », « celle de la conciliation possible de la protection et de la spéculation au sein d'un même dispositif ». Le danger de cette focalisation sur les fonds de pension vient du fait que bien peu de ses promoteurs français prennent en compte leur spécificité anglo-saxonne. L'auteur met en effet au centre de sa réflexion la structure juridique du trust, sur laquelle a été bâti l'empire des fonds de pension. C'est grâce à cet instrument que les pension funds ont pu crédibiliser leur prétention à gérer la tension entre les deux logiques antagonistes, celle de la protection sociale et celle de la spéculation financière.

Sabine Montagne en profite pour rappeler que cette formule comporte des risques, le premier étant que le salarié soit privé de couverture si son employeur ne souhaite pas créer un fonds ad hoc. Ainsi, plus de la moitié des salariés américains ne bénéficient pas d'un fonds de pension d'entreprise.