Pendant quatre mois, la France va se pencher sur son avenir. Du moins si la campagne électorale tient ses promesses, si les candidats nous épargnent un pseudodébat fait d'imprécations et de recours simplistes à des idéologies désuètes et si l'on échappe à l'addition irresponsable de mesures censées répondre aux pressions des lobbies avant d'être oubliées. J'entendais il y a peu à New York un grand journaliste américain dessiner une fresque saisissante de l'avenir du monde. Sur la France, il disait simplement que, pour la première fois depuis longtemps, les deux principaux candidats à l'Élysée étaient libres de leurs attaches partisanes et pourraient permettre au pays de sortir de ses jeux politiques traditionnels. Tous les espoirs sont donc permis.

Exemple : Ségolène Royal a osé se référer aux succès de Tony Blair. Il faut, en effet, être aveugle pour ne pas voir que le « modèle » britannique est un succès sur le plan économique et social comparé à nos pauvres performances. La croissance est là avec la foi dans l'avenir, le taux de chômage est faible, le taux d'emploi, c'est-à-dire le pourcentage des Britanniques d'âge actif qui ont effectivement un emploi, est de près de 10 points supérieur au nôtre. Les jeunes entrent plus vite et plus facilement sur le marché du travail. Les seniors y restent beaucoup plus longtemps. Tout n'est pas rose, certes. Le temps partiel contraint y est bien plus fréquent que chez nous ; les services de santé et les prestations sociales plus faibles. Mais peut-on dire encore aujourd'hui que le Royaume-Uni serait le pays de la précarité pour les travailleurs ? Peut-être, mais moins que la France, où la précarité s'installe, tandis que le nombre de « travailleurs pauvres », autrefois spécialité anglo-saxonne, est maintenant considérable.

Les excès du libéralisme à l'anglaise sont connus. Et nous avons de bonnes raisons de ne pas l'imiter dans tous ses aspects. Mais, soucieux de voir l'économie repartir et le chômage de masse disparaître, nos experts et nos hommes d'État actuels ou en devenir seraient bien inspirés d'aller chercher des idées auprès de nos amis d'outre-Manche. Ils verraient pourquoi les Britanniques ont foi dans leur avenir économique quand nous doutons, abreuvés par les « déclinologues » et les angoissés de la mondialisation.

Au milieu des débats de campagne sur l'économie, le social ou la sécurité, voici que s'impose le prophète de l'écologie Nicolas Hulot. Apprécié des citoyens, il ne peut laisser indifférents ceux qui quêtent leurs suffrages. Il atterrit dans la campagne avec un « pacte écologique » qui sait se situer entre utopie inatteignable et recettes quotidiennes. Il ne s'agit ni de rompre les logiques économiques et aller vers un monde nouveau rêvé mais appauvri ni de se limiter au tri sélectif des déchets ou aux robinets qui coulent. Panique chez les Verts : on leur prend leurs convictions sans en faire un parti politique. Coup de rein chez tous les candidats : Hulot avec nous. Tant mieux ! Si l'avenir de la planète entre concrètement dans le combat des idées et des politiques, ce sera une nouvelle frontière à ouvrir et des objectifs collectifs pour l'action. Encore faudra-t-il que cela ne reste pas l'affaire de quelques élites ou de quelques convaincus, que ces préoccupations et ces intentions soient expliquées, débattues, partagées. Alors, tous les espoirs sont permis.