logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enquête

Responsabilités, les places sont chères

Enquête | publié le : 01.01.2007 |

Frustration à tous les étages : les uns sont tenus à l'écart, les autres mis au rancart

A 30 ans, mes parents étaient considérés comme les forces vives de la nation. Aujourd'hui, on est jeune de plus en plus vieux, pointe David Vaillant, président d'Actenses, une association qui réunit des jeunes actifs soucieux de faire entendre leur voix. Si on veut éviter un conflit de générations, il va falloir être capable d'organiser le passage du témoin. Sinon, la société risque de se couper de 25 % de sa population et de 33 % des électeurs. » Écartés des responsabilités politiques et syndicales (seuls 15 % des députés ont moins de 40 ans), les jeunes actifs ont également le sentiment d'être écartés des responsabilités au sein des entreprises. Depuis vingt ans, le mouvement exceptionnel d'allongement de la durée des études, donc de la hausse du niveau des diplômes, a modifié les attentes des jeunes générations à l'égard de l'entreprise en lui demandant plus d'autonomie dans le travail et de reconnaissance de leurs compétences. « En remettant en cause le système pyramidal au profit de la transversalité, les entreprises ont également retardé l'accès des jeunes générations aux responsabilités, ajoute Gérard Pavy, consultant en organisation. Les salariés travaillent désormais sur des bouts de projets sans en voir ni le sens ni la cohérence. Et cela génère des frustrations. »

Écartés des responsabilités politiques et syndicales, les jeunes actifs ont le sentiment de l'être aussi dans les entreprises

Les seniors s'accrochent. Ces évolutions n'ont pas épargné les seniors, qui se sentent vieux de plus en plus tôt. Entrés dans la vie active avec l'assurance d'une promotion sociale, ils ont vu les entreprises changer les règles en cours de route. « Dans leur évolution managériale, certaines entreprises ont organisé la concurrence entre les âges en recrutant des jeunes à haut potentiel pour encadrer des salariés plus âgés, confirme Anne-Marie Guillemard, professeur de sociologie à Paris V. Résultat, la valeur de l'expérience a décru. » Pour Gérard Pavy, « cette somme de frustrations risque de devenir d'autant plus importante que, avec l'allongement de la durée de vie et l'insécurité qui pèse sur les retraites, les seniors vont avoir tendance à s'accrocher. Et l'appel d'air attendu par les départs à la retraite des baby-boomers risque d'être retardé, repoussant l'accès des jeunes aux responsabilités ». Un scénario que les entreprises ont intérêt à déjouer en travaillant à la cohésion des générations plutôt que sur la concurrence entre salariés.

Âge moyen des députés :

54 ans

Source : Assemblée nationale.

CÉLINA BARAHONA, 29 ANS, CHEF DE PROJET MARKETING
“Les jeunes doivent faire leurs preuves longtemps”

A 29 ans, Célina Barahona regrette de ne pas avoir cherché un premier job dès la fin de ses études au Celsa, avec une maîtrise de marketing en poche. « Aujourd'hui, j'aurais sans doute des responsabilités plus importantes », estime la jeune femme, chef de projet marketing dans une société spécialisée dans la vente de crédits et d'assurances sur Internet. Car Célina a bataillé ferme pendant plusieurs années pour décrocher ce poste. « À l'origine, j'ai répondu à une annonce pour un poste d'assistante marketing. Dans la réalité, j'ai toujours eu plus de responsabilités sans le titre ni le salaire correspondants. » La jeune femme a aujourd'hui le sentiment que les entreprises demandent aux jeunes salariés de « faire leurs preuves toujours plus longtemps ». « Je vais avoir 30 ans et on me renvoie à mon prétendu manque d'expérience, sans prendre en compte mes compétences. Mon responsable est allé jusqu'à me dire que les dix-huit premiers mois de vie active où j'ai enchaîné des CDD ne comptaient pas. » Sa prochaine bataille consistera à obtenir le statut de cadre. « Ils ont voulu me calmer en changeant l'intitulé de mon poste sur ma fiche de paie, sans m'accorder le statut. Finalement, la situation est encore plus frustrante. »

PATRICE LECLERC, 59 ANS, PRÉSIDENT DE L'ASSOCIATION DES ACTIONNAIRES SALARIÉS DE LA SOCIÉTÉ GÉNÉRALE
“Les progressions sont bien moins gratifiantes”

Des responsabilités, Patrice Leclerc en a eu très vite. « À 25 ans, j'ai été chargé de mettre en œuvre la réforme de la politique de rémunération de la Société générale. J'avais été recruté l'année précédente et nommé à la direction du personnel de la banque », raconte-t-il. La suite de sa carrière est à l'avenant. « Je ne cherchais pas spécialement les responsabilités, mais des missions tournées vers l'avenir. Mon objectif était de travailler sur des sujets innovants avant les autres. » Patrice Leclerc a ainsi participé à la généralisation des distributeurs de billets au sein des agences, imaginé le système de carte interbancaire et, de fil en aiguille, travaillé sur les moyens de paiement électroniques. « Si j'ai pu mener cette carrière avec toujours beaucoup d'autonomie, c'est parce que les banques employaient jusqu'alors très peu de diplômés. J'ai été le premier diplômé de l'enseignement supérieur à intégrer le service du personnel de la Société générale. Aujourd'hui, avec la démocratisation de l'enseignement et l'augmentation du nombre de jeunes diplômés, les progressions de carrière ne peuvent plus être aussi gratifiantes. »