Le pouvoir d'achat des ménages, faux ou vrai débat ? S'ils regardent dans le porte-monnaie des voisins, les Français s'apercevront qu'au cours des cinq dernières années leur pouvoir d'achat a autant progressé qu'aux États-Unis et au Royaume-Uni, plus que dans le reste de la zone euro ! Tous les Français n'ont en revanche pas profité à l'identique de cette hausse du pouvoir d'achat. Les dépenses incompressibles, comme le logement, la santé ou le transport, ont vu leur prix s'envoler ; tandis que celui des loisirs, des équipements ménagers a stagné. Cela a surtout profité aux ménages aisés. Enfin, le revenu de certaines catégories sociales – ouvriers, artisans, commerçants – a moins progressé que les autres. Mais le modèle social français prévalant, on ne constate pas d'inégalités manifestes de revenus, telles qu'elles se sont creusées aux États-Unis ou au Royaume-Uni. Ces distorsions de prix, de revenus, ne sont pas étrangères à la mondialisation : désinflation pour certains produits manufacturés importés, concurrence par les salaires pour certains emplois. Réduire ces inégalités de pouvoir d'achat passe avant tout par une réflexion sur la bonne intégration de l'outil productif français au nouveau jeu mondial.
Dans les dernières années, la hausse de la consommation a dépassé le taux de croissance de l'économie. Il n'est plus possible d'imputer l'essor de la demande des ménages à la seule poussée de l'endettement. Avec les effets de l'accalmie des marchés pétroliers sur l'inflation, la progression des salaires réels a connu une accélération. Par ailleurs, le retour des créations d'emplois soutient le pouvoir d'achat du revenu disponible. Le caractère décevant de la croissance ne tient pas à l'insuffisance de la demande. En revanche, comme en témoigne la dégradation des comptes extérieurs, l'offre manque de réactivité ; c'est elle qu'il convient de soutenir. Des gains de productivité plus élevés, une mobilisation du travail plus marquée, une concurrence plus intense renforceraient la croissance potentielle tout en générant plus d'emplois. Les gains de pouvoir d'achat seraient alors au rendez-vous. A contrario, une stimulation de la demande profiterait largement aux importations. Les marges de manœuvre sont limitées : on pense à la situation des comptes publics, à l'insuffisante rentabilité des entreprises sur le plan macroéconomique, aux effets pervers du smic comme instrument de redistribution.
Le dernier Prix Nobel, Edmund Phelps, qu'on ne peut suspecter de libéralisme effréné, a démontré tout au long de sa carrière que le pouvoir d'achat ne se décidait pas au niveau d'une autorité centrale. À court terme, il peut y avoir quelques différences entre croissance et pouvoir d'achat susceptibles de justifier une politique de relance ou une baisse d'impôts. Mais les effets de telles politiques sont transitoires. À long terme, le pouvoir d'achat s'explique tout simplement par la croissance économique. De 1990 à 2005, l'augmentation du PIB en volume a été de 1,8 % par an, celle du pouvoir d'achat du revenu disponible des ménages de 1,7 %. Notre pays ne souffre pas aujourd'hui d'un problème de demande. De 2000 à 2005, le PIB a augmenté en moyenne de 1,5 % par an, le pouvoir d'achat du revenu disponible des ménages de 2,0 %, la consommation de 2,3 %… Notre économie pâtit plutôt d'une insuffisance de compétitivité. La production, l'emploi et les salaires ne croissent pas aussi vite que notre consommation. Au début des années 90, la production française de biens de consommation était de 35 % supérieure aux importations. Elle est aujourd'hui inférieure de 45 % à ces dernières…
Cerc, la France en transition : 1993-2005, novembre 2006.
Centre d'analyse stratégique, Note de veille, n° 32, octobre 2006.
Dares, Premières Informations, n° 41.1, octobre 2006.
Insee, France, portrait social, édition 2006, collection, « Insee références ».
Insee, Note de conjoncture, décembre 2006. À paraître.