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Politique sociale

Criblé de dettes, le syndicalisme autrichien se réforme de fond en comble

Politique sociale | publié le : 01.12.2006 | Thomas Schnee

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Chute du nombre d'adhérents à l'ÖGB (en millions)

Crédit photo Thomas Schnee

La banque de la grande centrale autrichienne ÖGB a joué, et perdu, ses économies aux Caraïbes. Au bord de la ruine, la confédération a subi un lourd préjudice moral. Et se voit contrainte à une grande réforme interne.

La Bawag PSK a joué avec le feu et s'est brûlée. À la fin des années 90, la quatrième banque d'Autriche, propriété de la Confédération des syndicats autrichiens (ÖGB) depuis quatre-vingt-quatre ans, a investi dans des fonds à risques domiciliés aux Caraïbes ainsi que dans Refco, un broker américain. Résultat, une perte sèche d'au moins 1,6 milliard d'euros. Pour obtenir de nouveaux crédits, la banque a demandé secrètement aux dirigeants de l'ÖGB de placer les biens de la confédération en garantie. Ce que Fritz Verzetnitsch, le président, a accepté sans en informer ni les instances confédérales ni les adhérents. Le pot aux roses n'a été découvert que début 2006, à la suite des aveux du président lui-même, parti en avril dernier.

Depuis, la Bawag n'a pas réussi à retrouver l'équilibre. Au printemps, un consortium composé de l'État, de banques et d'assureurs a dû injecter 1,6 milliard d'euros dans la banque avant d'en exiger la vente à l'automne. Aujourd'hui, les dettes de l'ÖGB, acteur central du dialogue social en Autriche, s'élèveraient à 2,1 milliards d'euros pour un actif de 1,8 milliard d'euros et un déficit de 36 millions d'euros en 2004 (chiffres ÖGB). Difficile, dans ces conditions, de mener une grève sur les salaires. D'autant que le scandale n'a fait qu'accélérer la baisse du nombre des adhérents à laquelle les syndicats autrichiens font face depuis le début des années 90. En attendant d'être renflouée par la vente de la Bawag PSK, l'ÖGB a vendu l'immeuble qu'elle occupait depuis des lustres et s'apprête à quitter le centre de Vienne pour la banlieue.

Conséquences électorales

« L'ÖGB peut surmonter cette passe difficile en se réformant radicalement, mais elle n'aura plus les dividendes de la Bawag pour arrondir ses fins de mois, commente Emmerich Talos, enseignant à l'Institut d'administration publique de l'université de Vienne. Surtout, le préjudice moral est énorme : les syndicats ont été pris la main dans le sac à jouer les capitalistes. La confédération a toujours eu sa place dans les commissions gouvernementales et les négociations collectives. Avec cette affaire, l'ÖGB risque de voir remise en cause son implication dans le partenariat social autrichien. » Le scandale de la Bawag a déjà provoqué des dégâts collatéraux lors de l'élection du Parlement national en octobre. Donné grand gagnant en début d'année, le Parti socialiste autrichien (SPÖ), dont les relations avec les syndicats sont consanguines, ne l'a emporté que d'une courte tête et doit négocier la formation d'une coalition avec les conservateurs.

Dès son arrivée à la tête de l'ÖGB, Rudolf Hundstorfer, le nouveau président, a voulu redonner de l'espoir aux militants en appelant à une réforme profonde : « Notre objectif est un véritable renouvellement de l'ÖGB », déclarait-il cet été. Les adhérents ont été conviés à exprimer leur mécontentement et leurs désirs, sur Internet et lors de conférences régionales. Mais, sur 1,3 million de membres, à peine 60 000 ont répondu au sondage, réclamant, en priorité, plus de transparence et de démocratie. D'ici à la fin de l'année, les 13 syndicats sectoriels de l'ÖGB sont appelés à formuler des propositions, qui seront présentées en janvier 2007 à l'occasion du grand congrès fédéral de l'ÖGB.

Pour l'instant, les contours de la réforme de la confédération sont vagues. Il est question de limiter les salaires des fonctionnaires syndicaux, de regrouper les services généraux, de mettre en place un plan radical d'économies, voire de réorganiser les compétences entre syndicats sectoriels. « Le mouvement syndical est extrêmement centralisé. Seule l'ÖGB a une personnalité juridique. Les syndicats sectoriels ne sont que des divisions spécialisées auxquelles l'ÖGB délègue le pouvoir de négocier », explique Susanne Blaschke, chercheuse à l'Institut de sociologie de l'économie de l'université de Vienne. Une grande part des cotisations est directement reversée à la confédération, qui redistribue selon ses objectifs. « La confédération est théoriquement apolitique. En réalité, l'appartenance aux partis joue un rôle énorme. L'ÖGB et douze de ses divisions syndicales sont dirigées par un socialiste. Seul le syndicat de la fonction publique, le GÖD, est présidé par un conservateur », explique Susanne Blaschke. Un lien non négligeable lors des élections des comités d'entreprise où la répartition des postes se fait souvent en fonction de la couleur politique.

Unifications

Pour l'instant, aucune proposition pour réformer le corporatisme syndical autrichien ne se dégage, mais les grandes manœuvres ont commencé. Le GÖD (230 000 adhérents), le syndicat le plus riche, réclame son autonomie juridique et financière. Le GPA (le syndicat des employés du privé, 277 000 adhérents), présent dans tous les secteurs de l'économie, propose une fusion des syndicats sectoriels afin de transformer l'ÖGB en syndicat unifié.

D'autres, plus petits ou financièrement mal-en-point, ont cherché des alliés. En avril 2006, le syndicat des cheminots (GdE), celui des transports et du commerce (HTV) et celui de l'hôtellerie et de la restauration (HGPD) ont annoncé leur intention de s'unir en décembre 2006, au sein de Vida, un nouveau syndicat du transport et des services. Quant au syndicat de la métallurgie, du textile et de l'alimentation, il travaillera désormais avec ses homologues du bois, du BTP et de la chimie au sein de l'association syndicale pro.ge. Même si la confédération hésite encore sur la direction à prendre, la seule certitude est qu'« elle va devoir se battre avec elle-même », explique-t-on en interne.

Auteur

  • Thomas Schnee