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Tableau de bord

Peut-on mesurer l'efficacité du DIF ?

Tableau de bord | publié le : 01.11.2006 |

Paul Santelmann Responsable de la prospective à l'Afpa.

C'est le faible usage des dispositifs de formation par les moins qualifiés qui est, faute d'instances indépendantes d'évaluation, le seul critère de leur inefficacité. Le DIF, qui est d'ores et déjà hors de portée des ouvriers et des employés, confirme à nouveau que les « droits égalitaires » d'accès à la formation sont d'abord appropriés par les catégories professionnelles supérieures ou détournés de leurs objectifs. Pour ceux dont le bagage scolaire ne permet pas d'évoluer professionnellement ou de retrouver facilement un emploi, l'enjeu central de la formation professionnelle continue est le renforcement de la qualification et de l'employabilité. Cet objectif relève de dispositifs prioritaires qui mobilisent des ressources conséquentes (en orientation professionnelle, en pratiques formatives et en certification de compétences) et nécessitent des démarches faisant l'objet d'évaluations rigoureuses. Le DIF appartient-il à ce registre ? Par qui les moins qualifiés sont-ils conseillés pour en faire usage ? Qui habilite et garantit la qualité des organismes de formation ? Les valideurs publics et paritaires attestent-ils des compétences acquises ? Poser ces questions, c'est y répondre.

Philippe Méhaut Directeur de recherche au CNRS-Lest.

Dans un curieux rapport, Pierre Cahuc et André Zylberberg proposent de supprimer le DIF, en l'absence de toute évaluation. Celle-ci est pourtant essentielle et pourrait se faire autour de quelques principes simples : ne pas isoler le DIF, qui est complémentaire ou substituable à d'autres dispositifs ; donner du temps à l'évaluation, car le DIF s'inscrit dans des trajectoires individuelles et collectives d'une temporalité longue ; prendre en compte, dans l'évaluation, la pluralité des motifs et des rationalités de la formation professionnelle, pour l'individu et l'entreprise, qui ne se réduit pas au seul avantage salarial, indicateur au demeurant discutable du gain de productivité ; intégrer dans l'évaluation les variables relatives aux individus, mais aussi celles qui caractérisent les marchés du travail dans lesquels les salariés se situent ; ne pas limiter l'évaluation à une démarche purement quantitative ; enfin, partager les résultats de l'évaluation pour faciliter ensuite la décision multipartite. Ce chantier est complexe, de longue haleine, mais éviterait une mise à mort sans procès. D'autant que des améliorations du DIF sont possibles, comme l'idée d'un abondement différentiel par des fonds publics.

Michel Thery Chef du département « production et usage de la formation continue » au Cereq.

Les partenaires sociaux, dans leur accord de 2003, avaient prévu des rendez-vous destinés à l'évaluation des effets de ses dispositions. La loi de mai 2004 et les négociations de branche qui l'ont suivie ont fait débuter en 2005 la mise en œuvre de la réforme. Sans attendre les propositions de Zylberberg et Cahuc, dont l'une vise à supprimer le DIF, la question de l'évaluation des effets de la réforme était donc prévue. Dans cette perspective, le Cereq, l'Insee et la Dares ont adjoint à deux grandes enquêtes européennes en cours une série de questions destinées à concourir à cette évaluation. La première enquête, « Niveau d'éducation des adultes », porte sur les individus en âge de travailler et constitue un complément à l'enquête Emploi de l'Insee. La seconde, réalisée par le Cereq, porte sur les politiques de formation des entreprises : le développement des procédures mises en place pour organiser le partage de responsabilité employeur-salarié dans l'accès à la formation, ses contenus, ses modes de réalisation (dans ou hors temps de travail) et ses objectifs (position professionnelle) ; le DIF n'en étant que l'une des modalités qui offre au salarié la marge de liberté la plus grande.

Pour en savoir plus

Cahuc, Zylberberg, la Formation professionnelle des adultes : un système à la dérive. CCIP, juillet 2006.

Bref, revue du Cereq sur la formation professionnelle après la réforme de 2004, à paraître.

J.-F. Giret, A. Lopez et J. Rose, Des formations pour quels emplois ?, Cereq, éd. La Découverte, 2005.

Dares, « la Dépense nationale en matière de formation en 2003 », dans Premières synthèses n° 13.3, mars 2006.

Ph. Bernier, le Financement de la formation professionnelle, Dunod, 2005.