De l'industrie lourde des années 70 au télémarketing de la décennie 90, le photographe américain a saisi le travail en action. Un regard neutre, visible au musée parisien du Jeu de paume dans le cadre de la rétrospective qui lui est consacrée.
Des soudeurs concentrés sur la flamme de leur appareil. Une ouvrière en tablier fleuri littéralement absorbée par les gestes qui la lient à sa machine d'un autre âge (ci-contre). Des employés aux yeux immobiles à force de fixer l'écran de leur ordinateur. Des télémarketers qui ne sont plus qu'une bouche dialoguant avec un micro…
Inutile de chercher leurs regards : tous les portraits d'ouvriers, d'employés ou de cadres réalisés par Lee Friedlander obéissent à un même principe, qu'ils aient été pris dans les industries lourdes du nord-est américain à la fin des années 70 ou sur les plates-formes high-tech de télémarketing de la décennie 90. Les personnages sont saisis – presque figés – dans leurs attitudes de travail et cadrés si serrés que toute spéculation sur leur vie hors champ semble vaine.
Volontairement neutre, cette démarche est conforme à la posture de retrait émotionnel adoptée par ce grand nom de la photographie américaine, 72 ans, à laquelle le musée parisien du Jeu de paume consacre une rétrospective. Le thème du travail ne constitue qu'une partie des 500 photos exposées. Mais les passionnés pourront se plonger dans l'ouvrage dédié, Lee Friedlander at Work (éditions Steidl, 2002, 55 euros).
Les autres profiteront de cette magnifique rétrospective pour découvrir ce que Lee Friedlander décrit lui-même comme le « paysage social américain », des années 50 à aujourd'hui. Un auteur célèbre pour sa liberté, son refus de l'esthétisme à tout crin et sa capacité à transformer de pseudo-erreurs photographiques « en jeux visuels », selon Peter Galassi, conservateur du département photo du MoMA new-yorkais.
Friedlander, rétrospective. Jusqu'au 31 décembre au musée du Jeu de paume, Paris 75008, 6 euros.
