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Repères

Le malaise de la feuille de paie

Repères | Éditorial | publié le : 01.10.2006 | Denis Boissard

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Le malaise de la feuille de paie

Crédit photo Denis Boissard

Quand le chômage recule, la revendication salariale grandit. À quelques encablures de l'élection présidentielle, le gouvernement a donc préféré sortir de sa hotte quelques cadeaux (coup de pouce à la prime pour l'emploi, création d'un chèque transport…) pour éviter que la grogne salariale ne donne le la de la rentrée. Ces annonces suffiront-elles à éteindre les récriminations des salariés ? Ce n'est pas sûr, car il y a un décalage croissant entre les chiffres officiels sur l'évolution du niveau de vie des Français et la perception que beaucoup en ont. Alors que l'Insee annonce une hausse de 2,4 % du pouvoir d'achat du revenu des ménages en 2006, après 1,3 % en 2005 et 2,5 % en 2004, bon nombre de Français considèrent que le leur diminue.

Plusieurs explications à ce décalage. D'abord, le pouvoir d'achat du salaire de base de l'ensemble des salariés ne progresse que faiblement (+ 0,9 % entre juin 2005 et juin 2006) et cette légère augmentation, en partie due à la reprise des créations d'emplois, ne se traduit pas forcément par une hausse des salaires par tête : hormis pour les smicards, ceux-ci font depuis quelques années quasiment du surplace par rapport à l'inflation. De surcroît, il devient difficile de raisonner en moyenne, l'individualisation croissante des salaires créant des disparités de plus en plus fortes entre les salariés. Selon l'enquête annuelle de la CFDT, plus de quatre cadres sur dix disent ainsi avoir perdu du pouvoir d'achat en 2005, comme en 2003 et 2004 (contre un quart seulement à la fin des années 90). En bas de l'échelle des salaires, la smicardisation d'une part importante d'ouvriers et d'employés (17 % des salariés du privé, contre 11 % il y a vingt ans), rattrapés par les fortes revalorisations du smic résultant des 35 heures, alimente l'idée d'une dégradation de leur niveau de vie. Une perception que renforcent a contrario l'annonce des bénéfices record des groupe du CAC 40 et l'envolée des émoluments de leurs dirigeants.

D'autres facteurs jouent dans ce sentiment d'appauvrissement. La multiplication des divorces, des familles monoparentales et des gardes alternées porte souvent un coup sévère au train de vie des intéressés. Et, depuis le début de la décennie, une série d'événements a nourri l'idée que « tout flambe » : le passage à l'euro, le boom de l'immobilier, l'explosion du cours du pétrole. Parallèlement, la part des dépenses contraintes a plutôt augmenté dans le budget des ménages : logement, énergie, transport… sans oublier les abonnements à Internet, au câble, au satellite ou au téléphone portable. Enfin, parce qu'il mesure une moyenne, l'indice des prix à la consommation reflète de plus en plus mal la diversité des situations : comment expliquer au locataire ou au jeune propriétaire parisien que le poste logement ne représente que 6 % de cet indice ? Autant dire que le gouvernement est bien mal outillé pour répondre à l'ampleur de ce malaise de la feuille de paie.

Auteur

  • Denis Boissard