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Politique sociale

Emplois à domicile : il y a encore du ménage à faire

Politique sociale | publié le : 01.10.2006 | Corinne Rieber

Réduction de charges et d'impôts à l'appui, la loi Borloo voulait exploiter le filon des petits boulots. Particuliers et entreprises y trouvent leur compte, les salariés pas encore.

La vie des fées du logis est loin de ressembler à un conte ! Travail précaire, temps partiel subi, flexibilité, faible rémunération, tel est le quotidien souvent vécu par les 1,3 million de salariés du secteur des services à la personne. Pour Anne, le compte n'y est pas. Femme de ménage à Paris, elle est depuis cinq ans salariée d'une association. « J'ai six clients et je travaille en moyenne trois heures par semaine chez chacun d'eux, ce qui me rapporte au mieux 500 euros net par mois. Si les clients me décommandent pour cause d'absence, je ne touche rien. Je perds aussi beaucoup de temps dans le métro pour aller d'un endroit à un autre. Mes journées débutent souvent à 8 heures pour finir à 20 heures. Alors, je suis obligée de travailler au noir », soupire cette Parisienne de 50 ans.

Pour en finir avec les petits boulots et doper les créations d'emplois, Jean-Louis Borloo veut professionnaliser les services à la personne. La loi du 26 juillet 2005, concoctée par le ministre de la Cohésion sociale, clarifie les frontières de ce marché en fort développement en répertoriant 20 activités : ménage, garde d'enfant à domicile, soutien scolaire, assistance aux personnes âgées et handicapées ou encore petits travaux de jardinage et de bricolage. À l'exception des soins médicaux, tous permettent à l'utilisateur de bénéficier d'une réduction d'impôts sur le revenu de 50 % et de payer avec le nouveau chèque emploi service universel (Cesu) qui peut être cofinancé par l'entreprise. « Les démarches pour déclarer une embauche sont simplifiées. Le calcul et le prélèvement des cotisations sociales se font automatiquement. Avec le Cesu, un salarié déclaré coûte moins cher qu'un travailleur au noir. De plus, l'employé bénéficie d'une couverture sociale complète », souligne l'économiste Michèle Debonneuil. Reste que le client doit être imposable pour profiter des avantages fiscaux. In fine, si les salariés n'ont pas encore vu le bénéfice du plan Borloo, les entreprises de services se frottent les mains. Elles bénéficient désormais d'une exonération de charges sociales patronales (dans la limite d'un smic brut) et de la TVA réduite à 5,5 %. Envolées également les contraintes liées aux agréments : ces autorisations sont distribuées à tout-va (voir encadré page 38).

Résultat, 1 200 sociétés de services ont vu le jour en moins d'un an, soit deux tiers d'augmentation. « Le ministre a déroulé le tapis rouge aux entreprises. En échange, il attend d'elles qu'elles professionnalisent l'offre de services. Or ce sont les seules à ce jour à ne pas avoir de convention collective », rappelle Marie-Béatrice Levaux, présidente de la Fédération des particuliers employeurs (Fepem). Du coup, tous les salariés ne sont pas logés à la même enseigne : ceux qui dépendent d'une entreprise n'ont que le filet du Code du travail, alors que ceux qui sont employés par un particulier ou une association bénéficient d'avantages supplémentaires.

Premiers employeurs du secteur, les particuliers font figure de pionniers avec leurs trois conventions collectives et leurs deux accords de prévoyance obligatoire. « Depuis quatre ans, plus de 40 000 salariés ont suivi une formation continue et plus de 10 000 demandeurs d'emploi ont reçu un des diplômes de la branche », indique Marie-Béatrice Levaux. Mais, bien souvent, particuliers et salariés méconnaissent leurs droits et leurs devoirs respectifs. Depuis quinze ans, Angeline fait de la garde d'enfant partagée à domicile. « Certains me demandent de faire du ménage et du repassage gratuitement. Un autre veut me licencier du jour au lendemain car sa femme va bénéficier d'un congé maternité. Mais j'ai appris à connaître mes droits en discutant avec les nounous du square », explique cette Ivoirienne de 39 ans.

Du côté des associations, le problème vient plutôt de l'insuffisance de financements. Subventionnées par les CAF et les collectivités territoriales, elles proposent principalement une aide en direction des personnes âgées, malades ou handicapées et des familles en difficulté. Cependant, les crédits ne suivent pas. « Le ministre prône la professionnalisation, mais les conseils généraux ne veulent pas faire exploser les subventions publiques, donc ils demandent aux associations de faire travailler les personnels les moins chers, c'est-à -dire les moins qualifiés. Certaines sont même obligées de licencier les plus diplômés », fulmine Gérard Sauty, de la Fédération santé-sociaux de la CFTC. Pourtant, seuls 25 % ont un diplôme DEAVS, le premier niveau de qualification de la branche.

D'où un recrutement fondé sur les aptitudes et les compétences de chacun. « Avec l'ANPE, nous utilisons la méthode des habiletés. Les candidates ont souvent eu un parcours difficile. Sur nos 43 salariées, la plupart n'ont connu que petits boulots, chômage ou rupture conjugale. À nous de les rassurer, de leur réapprendre à être ponctuelles et efficaces. Certaines ont besoin d'un stage pour savoir repasser et plier une chemise en six minutes », explique Martine Marcellin, chargée de mission à l'association Optim Emploi. Selon une étude de la Caisse d'épargne datant de décembre 2005, une large majorité de salariés travaillent dans le secteur des services à la personne « faute de mieux ». Sauf pour s'occuper d'enfants ou de personnes âgées, tâche alors considérée comme un « vrai métier ». Comme en témoigne Isabelle, assistante de vie depuis douze ans auprès de familles en difficulté. « Les mamans sont déboussolées, perdues et parfois agressives. Souvent elles culpabilisent car elles n'arrivent plus à se lever pour préparer le petit déjeuner de leurs enfants, faire les courses et les lessives. À moi de m'adapter à chacune, de faire preuve de psychologie et de patience. C'est un métier difficile, mais je me sens utile », insiste cette Caennaise de 48 ans.

Mais la reconnaissance professionnelle de ces métiers passe surtout par une plus grande stabilité des horaires et un relèvement des salaires. « Les salariés sont majoritairement au-dessous du smic car ils sont encore payés à l'heure travaillée et ne perçoivent rien en cas d'absence d'un client. Pourtant, la loi sur la mensualisation date de 1978. Sur nos 1 200 associations adhérentes, seules 350 acceptent de moduler le temps de travail de leurs salariés », regrette Frédérique Decherf, DRH à l'Union nationale des associations de soins et de services à domicile.

L'avenir du secteur dépend aussi de sa capacité à développer l'encadrement du personnel. C'est l'une des clés de la réussite de Maison et Services, un réseau fondé en 1999 qui compte aujourd'hui 80 franchisés. « En facturant 18 euros TTC une heure de ménage, je peux consacrer 25 % de la masse salariale à l'encadrement. Une animatrice accompagne et conseille 10 salariés. Elle forme les nouvelles recrues aux techniques et produits d'entretien, aux règles de sécurité. Elle assure le lien entre l'intervenant et le client et règle les difficultés éventuelles. Tous nos salariés sont en CDI et leurs heures de travail sont complétées en cas d'absence d'un client. Résultat, nous recevons de plus en plus de candidatures spontanées », indique son P-DG, Patrice Deniau.

Créée par la loi Borloo, l'Agence nationale des services à la personne (ANSP) a bien compris que les conditions de travail, les rémunérations et la formation sont les moteurs du développement des services. Elle va réunir patronat et syndicats dans le cadre d'assises régionales durant l'automne. « L'idée est d'aboutir à un accord interprofessionnel qui définirait un minimum de normes communes », résume Laurent Hénart, président de l'ANSP. Mais le grand ménage, lui, n'est pas pour tout de suite.

Trois grands types d'employeurs

2,4 millions de particuliers employeurs de gré à gré ou via une association mandataire

7 000 associations

1 800 entreprises de services

L'agrément facilité au détriment de la qualité

L'offre de services à la personne est en pleine expansion. Depuis janvier, le nombre d'organismes agréés a bondi d'un tiers, et il est passé de 600 au printemps 2005 à plus de 2 000 en mars 2006.

Pour exercer une activité de services à la personne, associations et entreprises doivent avoir une autorisation délivrée par le préfet de département. Il existe deux types d'agréments. L'agrément « simple » est facultatif et ne concerne qu'un certain nombre d'activités : ménage, petits travaux de jardinage et de bricolage, soutien scolaire, repas à domicile.

En revanche, l'agrément « qualité » est obligatoire pour les organismes qui s'adressent aux publics fragiles (enfants de moins de 3 ans, personnes âgées de plus de 60 ans et handicapés). Sans réponse du préfet dans un délai de deux mois pour l'agrément simple et de trois mois pour l'agrément qualité, l'autorisation est accordée automatiquement. Elle est valable sur tout le territoire français pendant cinq ans. L'organisme agréé « qualité » doit envoyer un rapport qualitatif et quantitatif de ses activités. Seules les structures agréées peuvent bénéficier d'un taux de TVA à 5,5 %.

Auteur

  • Corinne Rieber