Dans un récent rapport commandé par la CCIP, Pierre Cahuc, économiste à l'Insee, et André Zylberberg, chercheur au CNRS, prônent l'abandon du droit individuel à la formation.
Votre étude est un dossier à charge contre le système de formation professionnelle. Quelles sont les dérives de celui-ci ?
Il est inéquitable parce qu'il profite aux plus formés, n'aboutit pas à une véritable promotion sociale et reste peu accessible aux chômeurs. Il est aussi inefficace parce que, malgré les 23 milliards d'euros dépensés en 2005 pour la formation, ses rendements sont mal connus. Nous n'avons pas les moyens d'évaluer les résultats des formations dispensées. Les récentes réformes de la formation professionnelle ne font que renforcer ces dérives, le droit individuel à la formation en tête. Nous proposons donc de le supprimer.
Quels dangers présente le DIF ?
C'est un sujet tabou, mais le DIF ne fait qu'accroître les inégalités entre salariés. Ce sont encore les mieux formés qui useront de ce droit, financé par tous. De nombreuses études prouvent aussi que vingt heures de formation annuelles ne suffisent pas à peser sur les parcours professionnels, contrairement aux formations longues. Par ailleurs, cet outil fait courir un vrai risque aux entreprises. Si les salariés décident de l'utiliser en une seule fois, lorsqu'ils auront cumulé cent vingt heures de formation, le DIF deviendra une véritable bombe financière.
Vous proposez de revenir sur le principe « former ou payer » au profit d'un système de subventions. Les entreprises ne risquent-elles pas, alors, d'abandonner la formation de leurs salariés ?
Le système de formation n'utilise pas le bon mode d'incitation. Aujourd'hui, les entreprises qui dépassent le seuil légal de dépense de formation n'obtiennent aucun avantage supplémentaire. L'obligation légale n'agit en rien sur leur décision de formation. Nous proposons d'adopter un système de subventions attribuées aux entreprises au prorata des dépenses engagées et de la qualité des formations. Pour que ce système fonctionne, il faut construire en face des procédures de certification efficaces.
La validation des acquis de l'expérience peut-elle jouer ce rôle ?
La VAE est une bonne idée pour labelliser les parcours professionnels. Mais sa limite tient au fait que seuls les ministères de l'Éducation nationale et de l'Emploi distribuent ces certifications. Ils sont juges et parties. Il faudrait faire appel à des organismes de certification indépendants des prestataires.
Que proposez-vous pour améliorer l'accès à la formation des demandeurs d'emploi, les vrais perdants de la formation professionnelle ?
Il faut concentrer les dépenses publiques sur des programmes ciblés et de longue durée en faveur des demandeurs d'emploi ou des salariés faiblement qualifiés. Mais les organismes qui interviennent dans le champ de la formation manquent de coordination pour y parvenir. Nous proposons de mettre en place une agence, interlocuteur du demandeur d'emploi, qui pourrait faire appel à des opérateurs privés chargés de l'accompagner dans son projet de formation. À l'image des expérimentations menées par l'Unedic sur le placement des demandeurs d'emploi.