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Politique sociale

Faut-il conditionner les allégements de charges ?

Politique sociale | publié le : 01.09.2006 |

Yannick LHorty Professeur à l'université d'Évry, chercheur au Centre d'études de l'emploi.

Il est impossible de conditionner les allégements sans modifier en profondeur la portée et l'ampleur de ces mesures. Les coûts de gestion seraient prohibitifs pour effectuer un vrai contrôle sans un resserrement drastique sur certains publics cibles ou sur certains types d'entreprises. Mais le resserrement va à l'encontre de tout ce qui a été fait depuis 1993. C'est pour éviter les effets de trappe à bas salaires et les distorsions selon les types d'entreprises que les allégements ont été au contraire régulièrement étendus depuis treize ans. Les 15 études qui ont évalué ces mesures, recensées par les rapports du COE et de la Cour des comptes, ont montré leur efficacité sur l'emploi. Si les résultats sont en dessous des attentes, c'est avant tout parce que les dispositifs ont été trop fréquemment réformés. Ils ont été changés tous les dix-huit mois depuis 1993. En recherchant de façon incessante des améliorations marginales, on finit par rendre illisibles les politiques de l'emploi. On augmente le coût des réformes sans engranger tous les bénéficies attendus. Alors qu'il faudrait surtout pérenniser les dispositifs existants en faisant le choix durable d'un barème progressif pour les prélèvements sociaux.

Jacques Bass Économiste.

Réfléchir à cette question nécessite d'abord de remettre de l'ordre dans le financement de la protection sociale. Pour quelles raisons autres qu'historiques les cotisations familiales sont-elles à la charge des entreprises et non financées par l'impôt ? Ne devrait-il pas en être de même pour la maladie avec la CSG, impôt affecté, assis sur l'ensemble des revenus des ménages ? Le chômage et la retraite ne relèvent-ils pas, par contre, au moins en partie, d'une logique professionnelle ? Comment expliquer l'hostilité syndicale aux suggestions du Medef de transformer les charges patronales en cotisations salariales et de relever à due proportion les salaires bruts, alors que les cotisations, qu'elles soient salariales ou patronales, sont considérées comme du « salaire différé » et incluses dans le revenu salarié ? Il faut en finir avec les recettes à la petite semaine et s'engager enfin dans un diagnostic partagé, équivalent à ce qui a été fait par le COR sur les retraites. Si, au terme de cette réévaluation des charges sociales, on estime qu'il est encore nécessaire de subventionner l'emploi, ce soutien devra être conditionné à des objectifs quantitatifs et qualitatifs, négociés par les partenaires sociaux, en matière d'emploi.

Sébastien Roux Chercheur au Crest.

Le conditionnement des allégements de charges sociales fixe un cadre contractuel dans lequel l'entreprise s'engage à maintenir ou à créer des emplois. Si ce dispositif permet à la puissance publique un retour sur investissement, il crée une incertitude pour l'entreprise. Un retournement de la conjoncture pourrait l'empêcher d'honorer ses engagements, entraînant perte des allégements et aggravation de sa situation. On peut alors douter que le recouvrement des aides versées ait finalement lieu. Cela peut aussi conduire des entreprises anticipant une conjoncture défavorable à renoncer aux aides, alors même que, non conditionnées, elles auraient permis d'y sauvegarder des emplois. Un tel conditionnement réduit l'efficacité des allégements, même s'il diminue leur coût. En revanche, ce mécanisme peut être mieux utilisé pour des objectifs ciblés. Par exemple, conditionner les aides à l'implantation durable d'une entreprise sur un territoire permet de s'assurer qu'elle y restera localisée. Enfin, le conditionnement nécessite un système de contrôle dont le coût est à mettre en regard des bénéfices attendus, d'où l'importance d'évaluer les effets de telles mesures.

Pour en savoir plus

Yannick L'Horty, les Nouvelles Politiques de l'emploi.

Éd. La Découverte, coll. « Repères », 2006.

Centre d'études de l'emploi,

Connaissance de l'emploi n° 24-25, janvier 2006.

Conseil d'orientation pour l'emploi, rapport au Premier ministre relatif aux aides publiques, 2006.

www.clesdusocial.com, site de documentation et d'analyses sociales.

DGTPE, Impact macroéconomique des baisses de charges sur les bas salaires, document de travail, 2005.