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Les retraités vont payer la note

Dossier | publié le : 01.05.2006 | V. D.

Papy-boom aidant, les entreprises sont incitées à revoir les conditions qu'elles proposent à leurs retraités. Si certaines réfléchissent aux moyens de préserver une solidarité entre les générations, la plupart ont tendance à s'en exonérer. Du coup, les cotisations des retraités s'envolent et leur niveau de couverture évolue.

Le directeur santé de la Fédération française des sociétés d'assurances (FFSA) en est convaincu : « En matière de financement des contrats santé des retraités, la réflexion doit se développer car les choses ne pourront pas rester en l'état. » Depuis la loi Évin du 31 décembre 1989, les entreprises sont obligées de proposer, dans le cadre de leur contrat collectif, une couverture individuelle facultative à leurs retraités, moyennant une cotisation plafonnée à 150 % de celle des actifs. Une disposition plutôt bien appliquée : 73 % des entreprises interrogées dans le cadre du sondage Liaisons sociales magazine-Aprecialis proposent à leurs anciens salariés une couverture équivalente à celle des actifs. Et surtout une mesure financièrement attractive pour les retraités qui en ont compris tout l'intérêt : « En général, 80 % des salariés basculent dans le nouveau régime lors de leur départ à la retraite, notamment lorsqu'un financement de l'employeur est maintenu ou en cas de mutualisation avec les actifs », précise Emmanuel Gineste, du cabinet d'actuariat-conseil Adding.

Les départs massifs à la retraite des enfants du baby-boom vont toutefois inciter de nombreuses entreprises à revoir les conditions de financement de ces régimes. « Entre l'allongement de l'espérance de vie, l'augmentation attendue du nombre de retraités et la croissance exponentielle de leur consommation médicale, les programmes d'entreprises qui mutualisent les garanties des actifs et celles des retraités vont tanguer », prévient, par exemple, Yanick Philippon, du cabinet de courtage Siaci. Les industries électriques et gazières en fournissent un bon exemple : « Une étude actuarielle amontré que, sans réforme, notre régime, aujourd'hui à l'équilibre avec 140 000 actifs pour 140 000 inactifs, aurait, d'ici à dix ans, accumulé 700 millions d'euros de déficit », indique Jean-Michel Renard, responsable de la prévoyance à la Fédération chimie-énergie de la CFDT, lui-même issu d'EDF.

Malheureusement, la situation financière des contrats santé destinés aux retraités s'est encore aggravée du fait des nouvelles normes comptables internationales appliquées dans les sociétés cotées. Car, si bon nombre d'entreprises – 51 % dans notre échantillon – équilibrent encore leurs comptes en mutualisant les résultats du dispositif santé des retraités avec celui des actifs, l'entrée en vigueur, depuis le 1er janvier 2005, des fameuses normes IFRS les oblige désormais à provisionner les dépenses de santé de leurs inactifs dès lors qu'elles y contribuent. Conséquence, les entreprises sont non seulement de plus en plus enclines à gérer séparément les comptes des contrats santé actifs et retraités, mais aussi à supprimer toute contribution à ces derniers. À l'instar d'EDF qui s'est ainsi, contre l'avis de ses syndicats et grâce à l'adoption de deux décrets en février 2005, débarrassée de l'obligation de provisionner la bagatelle de 4,5 milliards d'euros !

Pour ne pas enterrer définitivement une solidarité intergénérationnelle à laquelle les partenaires sociaux demeurent très attachés, certaines grandes entreprises ont, certes, cherché des solutions pour amortir au moins partiellement le choc de la suppression de leur contribution. Actuellement en pleine négociation pour réformer le fonctionnement de la mutuelle du personnel, la direction de la Société générale vient, par exemple, de proposer aux délégués « de pérenniser le futur régime des retraités par un apport de fonds propres de l'ordre de 160 millions d'euros qui, une fois placé, devrait permettre de le subventionner à hauteur de 30 % », explique Jean-Pierre Michel, responsable des conditions d'emploi France du groupe bancaire.Tout en reconnaissant que, « à long terme, l'équilibre ne peut pas être totalement garanti ».

De son côté, BNP Paribas, qui a revu son dispositif l'an passé, a choisi, en plus du versement de 150 millions d'euros de fonds propres, de dégager une subvention annuelle supérieure aux besoins de ses actifs, de façon à constituer une provision destinée à financer les prestations de ses futurs retraités. Quant à EDF et Gaz de France, ils se sont prononcés pour faire supporter à leurs agents en activité une « cotisation de solidarité plafonnée à 1,39 % » dédiée au régime des inactifs…

À l'inverse, la majorité des entreprises vont s'exonérer de la gestion de leurs retraités en les basculant dans les dispositifs d'accueil mis en place par les assureurs. À charge pour ces derniers « de se débrouiller pour équilibrer leurs comptes », s'inquiète un représentant de la profession qui, comme ses confrères, réfléchit à d'autres solutions de mutualisation. Entre les retraités cette fois.

Quelle que soit la forme choisie pour la suite de leur contrat, la cotisation des retraités va de toute façon avoir tendance à s'envoler ! Vraisemblablement de 30 % à la Société générale, à l'issue des négociations en cours. Mais « la hausse peut aller jusqu'à un triplement dans le cas d'une cotisation financée jusque-là à moitié par l'employeur », prévoit Emmanuel Gineste, du cabinet Adding. Avec le risque d'« entraîner la démutualisation des retraités qui n'auraient plus les moyens de suivre », met en garde Dominique Chaignon, directeur du développement de l'Union nationale de prévoyance de la Mutualité française.

Pour certaines organisations syndicales qui cogèrent souvent ces régimes, « mieux vaut une couverture offrant des garanties revues à la baisse que rien du tout, résume Michel Enguelz, délégué syndical Force ouvrière de Carrefour, qui vient de se voir proposer une hausse de 10 % du régime retraités. Alors que notre dispositif prévoyait un seul niveau de cotisation pour les salariés, actifs ou retraités, couvrant l'ensemble de leur famille, la réforme en discussion devrait permettre aux retraités de ne cotiser qu'à titre individuel moyennant une révision de leurs garanties ».

« Le contenu des contrats retraités va lui aussi évoluer alors que les garanties des actifs et des inactifs étaient assez souvent quasi identiques », reprend Yanick Philippon, du cabinet Siaci. « Nos couvertures vont devoir s'adapter aux besoins des retraités », renchérit Typhaine Delorme, chargée des contrats collectifs à GAN Eurocourtage. C'est-à-dire proposer des garanties moindres en maternité et en optique mais plus importantes en prévention de l'ostéoporose, voire en hospitalisation… Reste à savoir si ces mesures s'avéreront suffisantes. Peu convaincue, la FFSA s'est promis d'« essayer de dégager en 2006 de nouvelles pistes » sur les contrats retraités. Sans tabou.

Avez-vous un régime frais de santé ?

OUI à 95 %

Si oui, les retraités (« droits de suite ») conservent-ils les mêmes garanties que les actifs ?

OUI à 73 %

Si oui, mutualisez*-vous les résultats des retraités et des actifs ?

OUI à 51 %

Mutualiser signifie compenser les résultats et ou les cotisations.

Auteur

  • V. D.

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