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Un bon tremplin pour l'emploi

Dossier | publié le : 01.04.2006 | S. D.

Ils se sont tournés vers l'apprentissage souvent faute de mieux. Mais, titulaires d'un CAP, d'un bac pro, d'un master… ils décrochent plus vite un job que ceux qui ont suivi une filière plus classique. Zoom sur leur parcours.

Il y a Olivier, Rémy, Anne… et les autres. Des jeunes qui souhaitent devenir maçon, boucher, vendeur, restaurateur, coiffeur, mais aussi graphiste, technicien ascensoriste ou ingénieur… Pour la plupart enfants d'ouvrier ou d'artisan et issus de la classe de troisième, les deux tiers des jeunes en apprentissage en 2005 préparaient un CAP-BEP. Trop souvent, encore, faute de mieux, car ils sont en majorité en situation d'échec scolaire, mais de plus en plus, aussi, par choix. Rétifs à l'enseignement traditionnel qui sollicite davantage l'intellect que le côté pratique, ils ont besoin de concret et brûlent d'apprendre un métier, quitte à zapper la fameuse « culture générale ». Désireux d'acquérir une certaine indépendance financière, ils ne crachent pas non plus sur la rémunération offerte aux apprentis comprise entre 25 et 78 % du smic. Un argument qui fait mouche, y compris auprès des bacheliers, nombreux à poursuivre leurs études par ce biais. Accessible par apprentissage depuis 1987, l'enseignement supérieur représente, en effet, près de 13 % des formations préparées, contre 6 % dix ans auparavant. Mais les jeunes apprentis du supérieur sont plus souvent issus des classes moyennes. Au CFA Sup 2000 de Saint-Maurice, plus d'un tiers des jeunes (34 %) ont des parents cadres ou cadres intermédiaires.

À condition de s'accrocher (un apprenti sur quatre abandonne en cours de route), ce système de formation par alternance constitue un bon remède au chômage des jeunes, essentiellement pour les faibles niveaux de qualification. « L'apprentissage est un vecteur de socialisation permettant notamment de multiplier les contacts professionnels, principal canal de recrutement », observe Jean-Jacques Arrighi, chargé d'études au Cereq. D'après le centre de recherche (voir son étude « Génération 2001 »), 85 % des apprentis ont trouvé un emploi trois ans après avoir décroché leur CAP-BEP, soit 10 points de mieux que leurs camarades ayant opté pour la filière scolaire, en lycée professionnel.

Cela étant, l'avantage relatif fond à mesure que le niveau s'élève. Et rares sont ceux qui sont au bout du compte recrutés par leur entreprise tutrice : un bon quart (27 %) seulement des CAP-BEP, un gros tiers (39 %) des bac + 2. « L'apprentissage n'est pas nécessairement un système de préembauche, mais avant tout un mode de formation », témoignait Henri Lachmann, P-DG de Schneider Electric et chargé par Jean-Louis Borloo de la mission pour la valorisation de l'apprentissage, lors des Assises de l'apprentissage organisées par la CCIP en février. Sur les 800 apprentis que nous accueillons chaque année, nous en embauchons au maximum 20-25 %. Mais les entreprises se doivent de participer à l'effort de formation pour l'ensemble de la profession. » À l'inverse, Veolia Environnement, qui prévoit de former 17 000 apprentis en trois ans, embauche 97 % de ceux qui sont en CAP-BEP.

L'étude du Cereq souligne un autre point noir : pourvus d'une solide expérience professionnelle, immédiatement productifs, les apprentis devraient être mieux rémunérés que leurs camarades issus des filières traditionnelles. Or il n'en est rien, pour la bonne et simple raison qu'ils occupent souvent un poste d'ouvrier ou d'employé directement lié à leur formation dans des entreprises de petite taille. Rencontre avec ces jeunes, confrontés plus tôt que les autres au monde du travail.

Olivier Bermond, 27 ans, maître d'hôtel (CAP de restauration)

Maître d'hôtel dans un restaurant étoilé au « Guide Michelin » à Manosque, Olivier Bermond a rendu son tablier pour s'envoler début avril vers les Amériques. Destination le Connecticut, où un restaurateur l'a recruté pour cultiver le côté french touch de son établissement. Une victoire décrochée à la force du poignet pour ce bourreau de travail devenu arpète, de son plein gré, à 14 ans. En 1993, Olivier a intégré une classe préparatoire à l'apprentissage (CPA) au CFA interprofessionnel Corot des quartiers nord de Marseille. « Je supportais mal de rester sur une chaise pendant huit heures à écouter des profs parfois blasés. » Avec son père, qui est pâtissier, Olivier a déjà eu l'occasion de découvrir le commerce de bouche. Mais il a eu un déclic en découvrant le monde de la restauration. « J'ai immédiatement démarré dans des grandes maisons, où j'ai côtoyé des passionnés qui m'ont transmis l'amour du métier. »

Contrairement à d'autres, les horaires à rallonge, la discipline de fer en vigueur en salle et en cuisine le galvanisent. Primé aux Olympiades des métiers en 1999, Olivier Bermond se verrait bien ouvrir un restaurant branché à Los Angeles. En attendant, il dévore toutes les encyclopédies de cuisine et de vins qui lui tombent sous la main.

Rémy Borucki, 24 ans, chef de rayon adjoint à Carrefour (bac pro de commerce)

À l'école, Rémy Borucki s'ennuyait à cent sous de l'heure. L'apprentissage l'a sauvé d'un échec scolaire patent. Aujourd'hui chef adjoint du rayon traiteur à Carrefour, il supervise le travail d'une quinzaine de vendeurs. Ce jeune homme qui ne mâche pas ses mots s'imaginait dans le prêt-à-porter. Il se retrouve à vendre des plats cuisinés et de la charcuterie. Mais qu'importe, les perspectives d'évolution sont prometteuses. Après avoir redoublé deux fois au collège, il accepte, sur les conseils de ses enseignants, de se réorienter à l'issue de la quatrième vers une classe préparatoire à l'apprentissage (CPA). Son frère aîné, devenu sommelier dans un restaurant huppé, a ouvert la voie. Tout en conservant son statut scolaire, Rémy alterne cours et stages en entreprise, tâte du bâtiment avant d'opter pour la grande distribution. Satisfait, il enchaîne en 1999 un CAP-BEP et un bac pro au CFA commerce et distribution de Poissy (Yvelines). « À l'école, je ne me voyais pas avancer, l'enseignement manquait de concret. Avec l'apprentissage, j'ai trouvé un but dans l'entreprise. J'ai acquis une relative indépendance financière et je me suis réconcilié avec le français et la littérature du XVIe siècle. Un jour, je reprendrai peut-être mes études pour décrocher un BTS. »

Anne Basso, 28 ans, responsable de projet RH à Capsugel (titulaire d'un master RH)

Anne Basso cultive le paradoxe. Responsable de projet RH à Capsugel, une filiale de Pfizer spécialisée dans la fabrication de gélules, elle allie à la fois une formation réputée élitiste et une autre, mésestimée. Diplômée de l'ESC Reims, elle décide, après avoir travaillé pendant trois ans, de se réorienter dans les RH en suivant un master spécifique à l'IAE de Strasbourg par apprentissage en 2003. « Comparé à la filière classique où j'aurais juste effectué un stage de fin d'études, j'ai d'emblée intégré une entreprise à raison de trois semaines par mois. Financièrement, cette formule était plus rémunératrice puisque je touchais environ 607 euros. Du coup, j'étais considérée comme une salariée à part entière. Mais attention, cumuler travail et études exige une bonne dose de volonté car, des deux côtés, il y a des échéances à respecter. L'apprentissage constitue une expérience véritablement monnayable chez un employeur, à l'issue du cursus. » Mais la jeune femme n'a pas eu à se donner cette peine. Pour son entreprise d'accueil, Capsugel, l'apprentissage s'inscrivait dans une stratégie de prérecrutement. Embauchée dans un premier temps en CDD, Anne Basso a rapidement signé un CDI.

Auteur

  • S. D.