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Vie des entreprises

Les salariés de la Net économie sont rentrés dans le rang

Vie des entreprises | Zoom | publié le : 01.03.2006 |

Entrées en Bourse, fusions, embauches… 2005 a sonné le retour de la Net économie, e-commerce en tête. Si elles ont gardé de l'esprit start-up, ces PME adoptent aujourd'hui des critères plus classiques, en matière de profils comme de salaires.

On croyait les jeunes pousses du Web disparues avec l'explosion de la bulle Internet de 2000, les start-uppers rangés des baby-foot et le funky management bel et bien enterré. Les voilà revenus. Mais sans les paillettes. En 2005, les introductions en Bourse de pure players (les sociétés exclusivement on line), le ballet des fusions-acquisitions, l'explosion des effectifs et des chiffres d'affaires (+ 50 % par an depuis 2003 pour l'e-commerce) ont donné le signal de la deuxième révolution Internet. Des empires de la Toile émergent, comme le moteur de recherche Yahoo France qui a racheté en 2004 Overture, une société de marketing en ligne, puis le site de comparatifs de prix Kelkoo pour 480 millions d'euros. « En trois ans, nous avons quintuplé nos effectifs en France avec, aujourd'hui, plus de 350 salariés », explique Blandine Kouyaté, directrice des ressources humaines de Yahoo.

Si l'e-commerce – les PriceMinister et autres Mistergooddeal – concentre le gros des bataillons de la Net économie, il faut aussi compter avec les sociétés de courtage en ligne, les sites de rencontres comme Meetic, les portails et moteurs de recherche et les fournisseurs d'accès pour créer des emplois.

Combien ? Difficile à dire. Surtout, combleront-ils les pertes d'emplois provoquées dans l'économie brick and mortar ? Car la grande distribution, qui voit de plus en plus de clients faire leurs emplettes sur ordinateur, accuse les sites d'e-commerce d'être destructeurs d'emplois. Pour sa défense, l'Association pour le commerce et les services en ligne (Acsel), qui rassemble 200 entreprises, estime à plusieurs dizaines de milliers les postes créés ou sauvés par le Net, notamment dans les sociétés de livraison.

Simple relais entre vendeurs et acheteurs, sur le modèle d'eBay, PriceMinister a doublé à nouveau cette année ses effectifs pour atteindre les 100 personnes, mais le groupe estime avoir permis à 5 000 « brocanteurs virtuels » de professionnaliser leur activité. Toutefois, si la majorité de ces pure players ont multiplié par deux leurs effectifs depuis 2003, rares sont ceux qui dépassent le cap des 200 ou 300 personnes. Poule aux œufs d'or pour les actionnaires, la start-up de deuxième génération nécessite un investissement de départ important pour développer ses programmes, mais très vite sa croissance se passe de main-d'œuvre. Ainsi, PriceMinister n'ira pas au-delà de 200 salariés pour poursuivre sa conquête du monde, tandis que Google n'emploie que 40 personnes en France contre 5 000 aux états-Unis.

Autre différence avec l'âge d'or, les profils et niveaux de diplômes requis sont ceux de la vieille économie. Si les start-up ne reculaient pas devant les sans-diplôme et les autodidactes bourrés d'idées, les nouvelles success stories, généralement organisées autour de quelques services – marketing, commercial, éditorial et informatique –, exigent des références. Inutile d'y chercher le prolétariat du XXe siècle. « Mes 25 employés sont cadres », explique Thomas Sevège, 28 ans, directeur général de TradeDoubler France, un des leaders des solutions de Web marketing. L'immense majorité des postes est occupée par des bac + 5 issus de filières spécialisées dans l'e-business ou d'écoles d'ingénieurs informatiques.

Les start-up recrutent également chez les concurrents. « Nos conseillers clients viennent souvent de l'univers du voyage avec un niveau bac + 2 », souligne Geoffroy Fargeot, DRH de voyages-sncf.com, 160 salariés. C'est aussi le bagage requis par les fournisseurs d'accès, seuls acteurs à embaucher massivement au-dessous de bac + 5 pour leurs centres d'appels, même si une grande part de cette activité est sous-traitée. Club Internet et AOL comptent respectivement 300 et 450 hot liners pour les services très techniques ou de fidélisation de la clientèle. Le fleuriste en ligne Aquarelle (120 salariés pour un chiffre d'affaires de 22 millions d'euros en 2005) fait exception en embauchant majoritairement sans critère de qualification des salariés pour confectionner ses bouquets.

Seule réminiscence de la belle époque, le folklore start-up demeure. L'open space est la règle et chaque entreprise cultive son look. Chez Kelkoo, un baby-foot trône à l'entrée, les salariés travaillent en musique ; et, à voyages-sncf.com, on fête la fin du ramadan. Le jeunisme fait loi dans un secteur où, sous couvert d'un savoir-être, une certaine forme d'élitisme domine, hormis dans les services peu qualifiés. « Nous fonctionnons de moins en moins sur le modèle start-up. La productivité a pris le pas sur la créativité », explique Marc Lesire-Ogrel, délégué syndical CGT au centre d'appels de Club Internet.

Mais si le funky management reste le modèle, avec très peu d'échelons hiérarchiques et une minorité de DRH structurées, la culture du résultat occupe désormais une place prépondérante. Elle passe notamment par des évaluations mensuelles. « Dans nos entreprises, nous travaillons en réseau et l'activité de chacun impacte l'ensemble de ses collègues », explique Sadek Chekroun, directeur général de Kelkoo France.

Quant aux rémunérations, si les stock-options ne font plus recette et si les salaires ne flirtent plus avec les sommets atteints en 2000, elles se situent néanmoins dans la fourchette haute pour les cadres. Faute de compétences disponibles, un ingénieur avec deux ans d'expérience peut gagner jusqu'à 55 000 euros annuels. Dans les centres d'appels, les hot liners touchent en moyenne 1 500 euros mensuels, primes incluses. Mais, chez Aquarelle, les plus bas salaires avoisinent le smic.

Sur l'argent brassé par ce secteur, la discrétion est de rigueur depuis l'« e-krach ». Et pourtant la croissance est spectaculaire. « Le marché est désormais mature et composé principalement d'entreprises qui répondent à un nouveau besoin. Grâce au Net, le marché de la VPC est passé de 10 à 20 milliards d'euros en dix ans », souligne Henri de Maublanc, président d'Acsel et P-DG d'Aquarelle. De quoi rassurer les investisseurs et pérenniser la Net économie. Sauf gros bug technique, un remake du scénario catastrophe de 2000 s'avère donc peu probable.

10 milliards d'euros

C'est le chiffre d'affaires de l'e-commerce pour les neuf premiers mois de l'année 2005 (source : Association pour le commerce et les services en ligne).

Des conventions collectives à foison

La Net économie doit-elle avoir sa propre convention collective ? Le débat était récurrent avant l'« e-krach » et il revient à nouveau sur le devant de la scène. Les entreprises sont affiliées à la convention collective de leur secteur d'activité principal. Ainsi, Kelkoo est au Syntec, Yahoo dépend de celle de la métallurgie, tandis que Club Internet applique celle des télécommunications.

« Les conventions collectives ne sont pas les mêmes dans les centres d'appels internes aux groupes que dans ceux des sous-traitants. Un label social pourrait être créé pour dépasser ce problème », estime Jean-Luc Abidjan, secrétaire fédéral de la branche Fupt (télécommunications) de la CFDT.

« Plus de 350 conventions collectives seraient applicables dans les centres d'appels », souligne Laure Ducottet, DRH d'AOL Member Services Europe, qui souhaiterait une seule et même convention pour le secteur. Une remarque qui pourrait valoir pour l'ensemble de la Net économie, dont les entreprises débutent bien souvent au Syntec avant de rejoindre la convention de leur secteur, à l'instar d'Opodo, aujourd'hui affilié au régime des agences de voyages.

« Certains postes sur lesquels nous embauchons n'existent pas dans notre convention collective. Nous sommes donc obligés de trouver des solutions alternatives », explique Geoffroy Fargeot, le DRH de voyages-sncf.com, qui dépend de la convention des agences de voyages. Une seule et même convention collective pour la Net économie semble une bonne solution, mais elle nécessiterait une refonte complète du système français.

+ 100 %

C'est le taux de croissance de l'ouverture des petites enseignes en ligne en 2005 (source : Acsel).

+ 155 %

C'est le taux de croissance moyen du chiffre d'affaires de ces enseignes en ligne en 2005 (source : Acsel).