Le « déclinisme », cette nouvelle maladie française, est le fil rouge de ce numéro consacré à l'évolution de nos attitudes et de notre place dans l'Europe. Outre le divorce consommé entre les citoyens et leurs représentants, un certain sentiment de « dépossession démocratique » et le discrédit du politique, le quatrième foyer de crise identifié par François Miquet-Marty est ce qu'il appelle « la transcription du social en politique ». D'autres contributeurs tentent de décrypter le message du non au référendum tandis que François Stasse revient sur ce « remord socialiste » : le tournant de 1983.
Le gouvernement de Dominique de Villepin cache à peine l'espoir qu'il met dans le retournement démographique pour l'aider à gagner sa bataille pour l'emploi des jeunes. Illusion, avertit Hughes de Jouvenel, qui y voit l'expression d'une grande naïveté. Si la voie d'une plus grande flexibilité lui paraît la seule pour créer des emplois, le directeur de Futuribles résume le vrai choix de société qui est devant nous : « Comment le faire ? Par l'abolition des privilèges des mieux nantis ou par la précarisation croissante des plus démunis ? » Base de cette réflexion, un article de Michel Godet, Philippe Durance et Michel Martinez, où le différentiel de croissance entre les États-Unis et l'Europe est expliqué par « le différentiel démographique et l'inégale intensité de travail ».
Le journalisme est-il un contre-pouvoir, un métapouvoir ou un antipouvoir ? Marcel Gauchet a du mal à se faire une idée du pouvoir réel de la presse. Quant à Olivier Ferrand, il analyse le basculement de la société dans le « divertissement médiatique », estimant que « ce sont les transformations survenues dans l'agencement du lien social qui ont rendu possible l'émergence d'un espace public orienté vers la distraction ».
La première livraison de l'année commence par un article peu conventionnel du professeur Jean-Emmanuel Ray qui pose le problème des effets des nouvelles technologies de la communication sur l'utilisation de notre temps. Ce dernier devient embouteillé de façon permanente, les heures passent en surmultiplié au risque, en faisant trop de choses à la fois, de ne plus rien faire bien. Face à la surenchère législative engagée sur le thème de la simplification du droit du travail, Jacques Barthélémy et Gilbert Cette proposent une alternative plus « sociale » : la montée en puissance du droit conventionnel. Enfin, Pierre-Louis Bras, ancien directeur de la Sécurité sociale, souligne le rôle clé joué par le corps médical dans l'instauration du médecin traitant, au point d'aller contre la rationalité de la réforme par rapport à ses objectifs affichés.