Moët & Chandon et Laurent-Perrier se différencient par leur culture sociale : la première maison appartient au géant LVMH, alors que l'autre est restée familiale. Si Laurent-Perrier est déjà passé aux 35 heures, Moët continue de faire figure de modèle social dans un secteur qui n'est vraiment pas à plaindre.
La « grève du siècle » n'aura finalement duré que deux jours et demi. Mais l'avertissement a été clair. Ce vendredi 10 septembre 1999, 1 000 à 1 500 salariés des maisons de champagne battent le pavé rémois, emmenés par une CGT remontée à bloc. Cette mobilisation d'une ampleur inattendue – y compris du point de vue des organisateurs eux-mêmes – menace directement la « cuvée du siècle »,la fameuse Cuvée de l'an 2000, qui s'annonce exceptionnelle. L'objet du litige ? Un désaccord, en apparence minime, sur la rémunération des salariés en contrat à durée déterminée et le refus d'une modulation horaire maximale portée de 42 à 44 heures, à l'occasion des négociations de branche sur les 35 heures.
Chez Moët & Chandon, « la » grande maison de champagne avec ses 1 150 salariés et ses 3,8 milliards de francs de chiffre d'affaires, la mobilisation a atteint « 80 à 90 % à la production », assure Bruno Bression, secrétaire (CGT) du comité d'entreprise depuis quinze ans. Rien de surprenant. Les « Moët » sont depuis toujours au premier rang de la contestation sociale dans la région champenoise. Il faut dire que dans les bâtiments de Moët, situés le long de la célèbre avenue de Champagne, au cœur d'Épernay, les ouvriers cavistes évoluent, tels des mineurs, dans les 28 kilomètres de galeries souterraines où sont stockées, à une température ambiante de 11 °C, les précieuses bouteilles.
C'est une tout autre ambiance qui règne à Tours-sur-Marne, fief de Laurent-Perrier. Dans ce petit village situé à une quinzaine de kilomètres d'Épernay, le siège de cette non moins célèbre maison (lui aussi localisé avenue de Champagne) ressemble à une discrète demeure bourgeoise, lovée à l'extrémité du village. Desservie par une cour de gravier, elle est bordée d'un vaste parc. Seuls 24 des 80 ouvriers cavistes de Laurent-Perrier ont fait le déplacement à Reims, en septembre. Cette coupure très nette entre les maisons de champagne de la ville et celles de la campagne s'illustre par un simple chiffre : le taux de syndicalisation est d'environ 60 % pour Moët contre moins de 30 % chez Laurent-Perrier.
« Les salariés n'ont pas compris les risques courus », regrette Gilbert Coudière, secrétaire (CGT) du comité d'entreprise de Laurent-Perrier. Le danger que les syndicats ont écarté avec ce conflit était tout simplement le démantèlement de la convention collective du champagne. Un socle social commun qui s'applique depuis l'après-guerre aux 4 500 salariés des maisons de négoce. « Faute de signature sur les 35 heures avant le 31 décembre 1999, la convention nationale des vins et spiritueux (CNVS), de 20 à 30 % moins avantageuse, se serait automatiquement appliquée », explique Bruno Bression. Ce qui, selon lui, aurait fait planer le risque de dumping social sur le secteur très protégé du champagne. Face à la mobilisation des salariés, et notamment ceux de Moët, un accord a donc été signé à l'arraché (voir encadré p. 57), préservant la fameuse convention du champagne, née… chez Moët & Chandon. À l'origine de cette convention collective, deux hommes tous deux faits prisonniers en Allemagne durant la dernière guerre : Robert-Jean de Vogüé, patron de Moët, et Gaston Martin, ouvrier caviste cégétiste entré à 14 ans au sein de cette illustre maison. « De retour de captivité, ils partageront la même idée forte : le champagne peut et doit partager sa richesse », raconte Bruno Bression, 45 ans, dont vingt-sept chez Moët, qui n'est autre que le petit-fils de Gaston Martin.
Cette convention a joué un rôle fédérateur auprès des maisons, regroupées au sein d'une Union des maisons de champagne. Elle sert de dénominateur commun entre des entreprises aussi différentes que Moët, filiale de l'empire LVMH, et Laurent-Perrier, restée une affaire de famille. « La convention du champagne joue le rôle de régulateur entre les différentes maisons. Mais il est nécessaire qu'elle puisse être suivie par tous de manière minimaliste », indique Bernard Tison, DRH de Moët & Chandon. Or certaines sociétés cherchent par tous les moyens à contourner un texte jugé par trop généreux. Les manifestants de septembre ont désigné des coupables, en défilant à Reims devant l'entreprise de Bruno Paillard, accusée d'utilisation abusive de travailleurs précaires. « C'est le fossoyeur de la Champagne, le golden boy du négoce », dénonce Hervé Dépit, secrétaire général de l'intersyndicale CGT caves-vignes et secrétaire du comité de groupe Laurent-Perrier. « La masse salariale est considérée comme la variable d'ajustement la plus simple. Pourtant, elle représente moins de 10 % du prix de revient d'une bouteille », ajoute-t-il. Dans un rapport récent, le cabinet d'expertise Secafi-Alpha a enfoncé le clou en évoquant l'arrivée de « prédateurs étrangers à l'historicité du champagne », des « parvenus négociants qui voient dans le caractère socialisant du système un frein à leur stratégie patrimoniale individuelle et prédatrice ».
Point commun entre Moët & Chandon et Laurent-Perrier, ces deux grandes maisons sont moins gênées que les petits négociants par une convention qu'elles ont amélioré à plusieurs reprises par des accords d'entreprise. « La direction de Laurent-Perrier a d'autant moins bien compris notre participation à la manifestation qu'elle avait déjà signé un accord 35 heures en décembre 1998 », explique Gilbert Coudière. Depuis l'arrivée d'Yves Dumont à la présidence, en juin 1997, le groupe de Tours-sur-Marne a engagé une importante mutation économique et sociale. « Mon but est de restaurer la cohésion sociale d'une entreprise qui vient de connaître une passe difficile », explique le nouvel homme fort de Laurent-Perrier. Devant les difficultés, la famille de Nonancourt, propriétaire du domaine depuis 1939, a consenti en effet à passer la main à un « étranger », l'ancien directeur général de Tropicana Europe du groupe Seagram.
Sous la houlette de ce quadra, Laurent-Perrier a signé un accord de réduction du temps de travail précurseur dans le milieu du champagne. « Il fallait vite moudre du grain », explique Yves Dumont. Bouclé à l'issue de quinze mois de négociations délicates, il prévoit une durée du travail ramenée à 34 h 12 (pauses incluses), avec modulation horaire de 32 à 40 heures, et l'embauche de 14 jeunes (11 CDI et 3 CDD). « Cela nous a apporté du sang neuf alors que notre moyenne d'âge est très élevée (43 ans, NDLR). Je n'avais jamais vu cela depuis mon arrivée dans l'entreprise en 1970 », assure Gilbert Coudière.
En matière de réduction du temps de travail, Moët & Chandon est sensiblement moins avancé. L'entreprise fonctionne certes sur une base de 37 h 30 depuis 1983 et 500 salariés disposent d'horaires variables ou individualisés. Mais aucune rencontre n'avait encore eu lieu à la mi-novembre pour étudier les modalités du passage aux 35 heures à la production ! Pour Moët, l'enjeu est clair : la réduction du temps de travail doit se faire à coûts constants… c'est-à-dire sans création d'emplois. Productivité oblige. En dix ans, l'entreprise a perdu plus de 500 emplois. La mécanisation est passée par là, de l'utilisation des hélicoptères pour le traitement des vignes aux engins de manutention dans les caves.
La recherche permanente de productivité, encore plus systématique depuis le rachat de Moët & Chandon par LVMH, en 1987, porte ses fruits. Entre 1996 et 1998, la part des frais de personnel sur la valeur ajoutée a chuté de 8 points. Les départs se sont effectués le plus souvent grâce à la méthode douce des préretraites. À une seule exception près, mais de taille : 1993. « C'est à ce moment-là que nous avons vraiment senti que nous n'étions plus Moët, mais LVMH », explique Bruno Bression. Rudement touché par la crise économique et victime d'un mauvais positionnement dans la gamme des prix, Moët & Chandon dépose un plan social qui concerne 250 salariés. La CGT parvient à obtenir son annulation en appel et la réintégration des salariés au prix d'un combat acharné. Aussi, l'entreprise évite, depuis, de passer en force. Elle développe les départs - négociés, poursuivant une stratégie « peau de chagrin » d'érosion des effectifs, quitte à y mettre les moyens. En 1998, cette politique a connu une accélération avec l'externalisation de l'activité de la distribution dans une nouvelle entité, MH UDV, basée à la Défense. D'un seul coup, Moët & Chandon s'est séparé de près de 200 salariés.
Les départs – volontaires – s'effectuent dans de bonnes conditions : outre l'indemnité conventionnelle de licenciement, les partants touchent six mois de préavis, une prime fixe de 150 000 francs et une prime complémentaire qui peut aller jusqu'à huit mois de salaire selon l'âge et l'ancienneté. Quant aux transferts de contrat, ils s'accompagnent d'une harmonisation des avantages par le haut. Si bien que la perte du bénéfice de la convention du champagne est surtout un choc d'ordre culturel. « La culture champagne a été remplacée par celle de l'alcool », regrette Didier Perier, secrétaire (Ugict CGT) du comité d'entreprise de MHUDV.
Comme l'atteste le droit d'alerte déclenché par la CGT contre l'externalisation de la distribution, les relations sociales sont souvent tendues chez Moët & Chandon. Malgré une vieille tradition de dialogue. Rien à voir avec la situation de Laurent-Perrier, où Yves Dumont s'emploie à recréer du dialogue social. Historiquement, le domaine de Tours-sur-Marne a baigné dans un paternalisme typiquement champenois. Bernard de Nonan court, président de 1948 à mars 1999, connaissait le prénom de chacun de ses ouvriers et s'intéressait à leur situation familiale. « Monsieur de Nonancourt a joué un rôle galvanisateur essentiel », reconnaît Gilbert Coudière. Mais, à 79 ans, l'homme qui a hissé Laurent-Perrier au 4e rang des maisons de champagne a fait son temps.
« À mon arrivée, j'ai demandé à un cabinet d'audit d'interviewer les salariés. Il a relevé des blocages et une distance trop grande de la direction », souligne Yves Dumont. Désormais, les réunions du comité d'entreprise ne sont plus formelles, mais des lieux où l'on évoque la stratégie de l'entreprise, les futures campagnes publicitaires, les nominations. Deuxième préoccupation d'Yves Dumont : bâtir un groupe, supprimer les cloisonnements, jouer les synergies entre des marques complémentaires. La refonte de l'organigramme y concourt, tout comme le recrutement, en mai 1999, d'une responsable des relations sociales, de la formation et de la communication interne.
Mais ce qui est vrai sur le plan économique l'est moins sur le plan social. « Il faut préserver les singularités des marques. Je ne veux pas tout centraliser », justifie le président du directoire de Laurent-Perrier. Résultat : les négociations continuent d'être menées séparément ; les avantages sociaux sont variables d'une entreprise à une autre du groupe et demeurent assez secrets. Ce qui n'empêche pas une accélération récente du nombre d'accords sur la couverture intégrale d'incapacité-invalidité ou sur les préretraites.
Difficile de faire la fine bouche : les salariés de Laurent-Perrier et de Moët & Chandon sont choyés, même si la filiale de LVMH, longtemps considérée comme la « locomotive sociale » du secteur, garde une longueur d'avance. « Pour simplifier, je dirais que si la convention nationale des vins et spiritueux se situe à l'indice 100, la convention champagne est à 120 et Moët & Chandon à 135 », estime Bernard Tison, le DRH de Moët. La lecture du bilan social 1998 de la maison est éloquente : 33,8 jours de congés payés en moyenne, 44 716 francs de budget social par salarié, 219 850 francs de rémunération annuelle pour les ouvriers, 424 406 pour les cadres et 27 707 francs de participation en moyenne.
Chez Moët & Chandon comme chez Laurent-Perrier, des primes aussi nombreuses que singulières (primes d'évolution de carrière, d'ancienneté, de conjoncture favorable, de fin d'année, etc.) agrémentent les bulletins de paie, héritages de la longue et riche histoire de l'industrie champenoise. Moët a même substitué une prime de boisson à l'ancienne mise à disposition gratuite de vins dans les caves, dont le but était d'éviter la consommation cachée de champagne par les ouvriers cavistes !
Il est vrai que la population ouvrière du champagne est singulière. « Beaucoup sont arrivés à 14-15 ans en situation d'échec scolaire et n'ont jamais connu d'autres entreprises. Ils sont un peu déphasés par rapport à l'extérieur », reconnaît Bruno Bression. Peu ou pas qualifiés, souvent âgés (45 ans d'âge moyen chez Moët) et anciens dans l'entreprise (vingt-deux années d'ancienneté en moyenne), peu motivés (6,56 % de taux d'absentéisme), ces ouvriers lestés par plusieurs centaines d'années d'histoire ont du mal à s'adapter aux évolutions du métier. D'où l'importance de la formation professionnelle « pour les tirer vers l'avenir », insiste Bernard Tison.
Conscient de cette nécessité, le groupe Laurent-Perrier n'en est pourtant qu'aux bonnes intentions. Alors que Moët & Chandon investit depuis de longues années dans la formation (3,4 % de la masse salariale en 1998, contre 0,9 % pour Laurent-Perrier). Pour ses cadres et employés, l'entreprise a instauré des formations au développement « en vue de favoriser l'ouverture d'esprit et de faciliter les changements de poste ». Pour ses ouvriers, elle a bâti, il y a quatre ans, un cursus spécial de conducteur de machines automatisées de conditionnement, de niveau CAP. Une soixantaine d'ouvriers volontaires ont déjà réussi l'examen et une nouvelle promotion devrait voir le jour pour l'an 2000. « Le problème, ce n'est pas le budget, mais la volonté. Nous touchons aux limites du volontariat. Il existe un vrai déni du changement », déplore Bernard Tison.
Dans les deux maisons, les pratiques sociales récentes traduisent un souci croissant d'améliorer la productivité. Moët et Laurent-Perrier disposent d'accords d'intéressement et d'un plan d'épargne d'entreprise attractifs, qui font de plus en plus la part belle aux résultats au détriment du chiffre d'affaires. L'accord signé en septembre 1999 par Laurent-Perrier permet aux salariés d'espérer un versement moyen annuel supérieur à 20 000 francs. Chez Moët & Chandon, l'intéressement atteint des sommets puisqu'il représente le quart du salaire annuel. Le désir de rentabilité financière ne cesse de croître. Le groupe LVMH a clairement annoncé la couleur en fixant l'objectif de « rentabilité des capitaux engagés à 25 % d'ici trois à cinq ans » pour son secteur vins et spiritueux.
En juin 1999, l'entrée sur le Second Marché de la Bourse de Paris du groupe Laurent-Perrier a été remarquée. Sa marge opérationnelle s'élève déjà à 18,7 %. À sa petite échelle, l'entreprise utilise des outils financiers dignes des grands groupes : les stock-options ont fait leur apparition, ainsi qu'un plan d'actionnariat salarié auquel a adhéré 72 % du personnel. Le groupe de Tours-sur-Marne a innové, en proposant également 500 000 actions à tarif préférentiel aux vignerons qui l'approvisionnent en raisin. « Il ne s'agit pas de plaquer des méthodes modernes de management sur une entreprise familiale mais de revenir aux valeurs historiques de cohésion de Laurent-Perrier », prétend Yves Dumont.
L'intrusion des logiques financières dans une industrie longtemps restée traditionnelle suscite cependant les craintes des représentants des salariés, à un moment où le marché négocie un tournant. La Champagne viticole a en effet atteint son maximum de production avec 300 millions de bouteilles. La concurrence entre les maisons va s'intensifier, avec son cortège vraisemblable de rachats ou de fusions. Le marketing et la distribution feront de plus en plus la différence, focalisant les investissements. La mécanisation va se poursuivre aussi à un bon rythme. Dans ce contexte, les effectifs administratifs et ceux de la production semblent les plus exposés. « Pourquoi LVMH ne déciderait-il pas prochainement de regrouper les sites administratifs de ses différentes filiales de Champagne ? » s'interroge Bruno Bression.
Aux yeux de la CGT, le risque le plus grand est celui de la banalisation du « roi des vins et vin des rois ». Le syndicat cite l'exemple du métier aujourd'hui presque disparu de remueur, chargé de faire glisser dans le goulot de la bouteille, par de petits gestes secs, le dépôt de la prise de mousse avant dégorgement. Des gyropalettes ont peu à peu remplacé humaine. Demain, peut-être, des billes de levure capteront le dépôt directement dans la bouteille. « Lorsque la fabrication du champagne sera entièrement automatisée, comment justifier un niveau élevé de prix ? Il ne faut pas tuer le mythe », s'inquiète le secrétaire du CE de Moët, lui-même ouvrier remueur. Après le grisant « effet millénium », les maisons champenoises seréveiller ont peut-être avec d'intenses maux de tête.
Avec le passage au IIIe millénaire, le monde du champagne doit négocier sa mue. Finie l'époque du marché de l'offre où tout ce qui était produit s'écoulait comme par magie. Voici venu le temps de l'économie de la demande où chaque maison produira ce qu'elle pourra vendre. La raison ? La Champagne vinicole délimitée (30 216 hectares) a atteint son maximum de production avec 300 millions de cols. Aussi, les acteurs de ce marché – et notamment la centaine de maisons de négoce – vont se livrer une compétition acharnée pour survivre. « La distribution devient l'acteur prééminent, soutient le cabinet Secafi-Alpha dans une étude volumineuse. Il est maintenant impératif de se doter d'un réseau mondial coûteux et d'une fonction marketing disproportionnée pour se donner des marges de manœuvre. » Leader incontesté avec plus de 20 % du marché (dont 13,6 % pour sa principale filiale, Moët & Chandon, qui englobe les marques Mercier et Ruinart), le groupe LVMH dispose de la surface financière nécessaire pour accroître son emprise. La difficulté sera plus grande pour Laurent-Perrier, l'un des derniers grands indépendants, qui mise sur l'originalité et la qualité de sa production (champagne rosé, Grand Siècle, Ultra-Brut, etc.) et une gamme de marques élargie avec les rachats de Salon en 1988 et de De Castellane, avalée intégralement en 1999.
Initiée par Moët & Chandon au lendemain de la guerre, la convention collective du champagne s'applique aux seuls salariés des maisons de négoce. Forte de très nombreux avantages sociaux (prévoyance sociale et couverture incapacité-invalidité étendues, retraite complémentaire obligatoire, jours de congés d'ancienneté, quatorze à quinze mois de salaire selon l'ancienneté, primes multiples, limitation de l'emploi précaire, etc.), elle est beaucoup plus enviable que la convention des caves coopératives ou que celle des exploitants vignerons. D'où la réputation de « nantis » des salariés du négoce.
Une commission mixte paritaire, la « tripartite », est censée réguler le secteur. Mais, au fil du temps, la tradition de négociation sociale s'est émoussée, les employeurs « ne souhaitant plus prendre leurs responsabilités », déplore Bruno Bression, secrétaire (CGT) du comité d'entreprise de Moët & Chandon. Pour mener à bien les négociations sur les 35 heures, les employeurs ont ainsi nommé à la présidence de la tripartite un DRH en retraite de la métallurgie ! La CGT, omniprésente, s'accroche quant à elle à une convention rempart.
Après la démonstration de force du 10 septembre, l'accord de branche sur les 35 heures signé trois jours plus tard prévoit 35 heures payées progressivement 40 durant les six premiers mois de travail, une modulation haute maximale de 44 heures, mais il ne comprend aucun volet emploi. « La convention du champagne a un coût. Mais la question est de savoir si elle favorise l'emploi », s'interroge Yves Dumont, président du directoire du groupe Laurent-Perrier. Une question judicieuse lorsqu'on observe l'évolution des effectifs régis par la convention. En quarante ans, ils sont passés de 15 000 à 4 500.
« Plus les syndicats pousseront des revendications exagérées, plus il y aura d'externalisation », considère Yves Lombard, directeur général de l'Union des maisons de champagne.