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Le bloc-notes

Encore une minute, madame le bourreau

Le bloc-notes | publié le : 01.12.1999 | Bernard Brunhes

Les 35 heures, c'est pour le 1er janvier 2000. Mais la loi Aubry II, c'est pour la fin décembre 1999. Les négociateurs des entreprises devront faire des prodiges entre Noël et la Saint-Sylvestre pour s'adapter à la nouvelle législation. Il reste à espérer que le bogue de l'an 2000 ou les libations du millénaire ne viendront pas bousculer tout cela !

La nouvelle loi, chacun en convient, est d'une extrême complexité d'interprétation. La volonté du gouvernement de passer à travers les gouttes s'est exprimée au détriment de la limpidité. Les amendements au projet initial, déjà un douloureux compromis, en ont fait un monument juridique. Peut-être était-ce inévitable : le choc du 10 octobre 1997 et l'affrontement de deux ténacités apparemment irréductibles ont réduit à néant l'espoir d'une réforme négociée. La place a été cédée aux législateurs, lesquels sont éloignés de la vie des entreprises.

Les salariés comme les employeurs mettront un certain temps à digérer et à s'approprier le contenu de la loi. Pour ne prendre qu'un exemple, il est encore difficile aujourd'hui de faire comprendre que, alors que les accords Aubry I devaient prévoir une baisse de 10 % de la durée réelle (quelle que soit la définition de cette durée, il suffisait qu'on retienne la même définition avant et après), les accords Aubry II supposent un temps de travail effectif de 35 heures (cette fois, il faut bien définir de quel temps de travail on parle ; en revanche le taux de réduction ne compte pas : il se peut même qu'il n'y en ait pas pour des entreprises déjà bien en dessous des 39 heures de travail effectif).

Ce n'est qu'un exemple, parmi beaucoup, du chemin que devront parcourir les négociateurs des accords. Et les pièges sont si nombreux que les négociations seront longues. Or, cette fois, il faudra bien des accords, qu'il y ait aide ou non.

Il est déraisonnable de passer dès le 1er janvier, à peine la loi promulguée, aux 35 heures. Le gouvernement s'honorerait en reconnaissant cette difficulté et en proposant au Parlement de retarder de plusieurs mois la date d'application de la loi. Tout le monde y gagnerait, les employeurs, les syndicats et les salariés et tous ceux qui souhaitent la réussite des 35 heures.

Paritarisme. Comme chacun sait, l'affaire des 35 heures n'est pas le seul sujet de préoccupation d'un Medef en grande forme. On attendait avec impatience son verdict sur la participation des employeurs aux organismes de Sécurité sociale.

Il a mis deux conditions de nature différente. L'une est tactique et concerne l'application de la loi sur les 35 heures. L'autre est stratégique : le Medef souhaite réviser de fond en comble les principes actuels de la participation des partenaires sociaux à la gestion de la protection sociale. Il parle d'une nouvelle « constitution sociale » à discuter avec les syndicats.

Les éditorialistes et autres commentateurs se sont surtout attachés aux aspects tactiques, comptant les coups dans le combat singulier entre M. Seillière et Mme Aubry. J'espère au contraire que les patrons sont sincères. Le système de gestion de la protection sociale mis en place à la Libération mérite en effet un sérieux toilettage. Il faut maintenir la responsabilité des partenaires sociaux, mais réfléchir aux équilibres et redéfinir les relations avec l'État. Il faut remettre en cause les faux-semblants et reconstruire. Mais, de grâce, allons-y patiemment et par la négociation, non à coups de lois et de décrets préparés dans les arcanes de l'administration et des cabinets.

Fusionmania. Pendant ce temps-là, le grand Monopoly continue. Fusions et acquisitions se poursuivent dans et hors des frontières. Mais il ne suffit pas d'accorder entre eux les dirigeants des groupes et de réussir OPA et OPE. C'est une fois les financiers d'accord que les problèmes se posent : problèmes industriels, culturels et sociaux du rapprochement d'équipes qui n'ont pas l'habitude de travailler ensemble, invention d'un nouveau dialogue social, reconstruction des instances représentatives du personnel, révision des conventions collectives, longue mise en concordance des coutumes et des cultures. Il y a là tout un nouveau savoir-faire à construire, un savoir-faire européen, voire mondial. Les directeurs des ressources humaines vont devoir se reconvertir dans un nouveau métier. Ils vont eux aussi devoir traverser les frontières. Le succès des grandes fusions et acquisitions dépendra peut-être plus d'eux que de leurs collègues financiers. Les 35 heures ne sont pas leur seul dossier !

Auteur

  • Bernard Brunhes