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L'exercice dangereux de la réforme

Dossier | publié le : 01.12.1999 |

L'effondrement de la natalité et le vieillissement de la population appellent des mesures draconiennes pour préserver les régimes de retraite. Mais pas plus Helmut Kohl que Gerhard Schröder ne parviennent à imposer une réforme.

La question des retraites et des fonds de pension se pose en Allemagne dans les mêmes termes qu'en France. Fini le temps où l'on opposait le modèle allemand au système français, parce qu'à côté d'un régime de répartition s'était développé de l'autre côté du Rhin un mécanisme de provisions au passif du bilan assimilable à des fonds de pension. Certes, ce dispositif, reposant sur une cotisation de l'employeur et une promesse de pension, avait fait ses preuves. Mis en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il a permis la reconstruction de l'économie allemande grâce à l'épargne ainsi cumulée dans les fonds propres de l'entreprise. Mais les multiples inconvénients de cette formule ont surgi au milieu des années 70. Avec l'apparition du chômage, le souci de fidéliser les salariés n'est plus devenu une priorité. A contrario, en cas de mobilité professionnelle, le système a conduit à ponctionner les fonds propres de l'entreprise pour permettre à un salarié d'investir son épargne dans une société concurrente. La faillite du groupe AEG en 1982, conduisant à la prise en charge collective des engagements non tenus, via l'Association de garantie des pensions (PSV), a démontré les limites de cette pseudo-capitalisation.

Sur le plan fiscal, si la cotisation de l'employeur était exonérée d'impôt, il ne s'agissait que d'un sursis d'imposition, le fisc se servant à la sortie. Avec la réunification de 1989, la fiscalité sur les sociétés a considérablement été aggravée et la sortie du système s'annonçait périlleuse pour de très nombreuses entreprises. Au point que, à l'exemple de la Deutsche Bank, de nombreuses entreprises ont décidé de sortir l'épargne cumulée de leur bilan pour la placer dans des fonds externes, en tous points comparables aux fonds de pension anglo-saxons.

Pas de fonds de pension obligatoires

La Bourse de Francfort ne ressemble en rien à la City. Et l'Allemagne subit à la fois un effondrement de la natalité et un vieillissement de sa population. De sorte que la mise en place de fonds de pension est périodiquement évoquée. Avant d'être battu aux élections, le chancelier Helmut Kohl avait obtenu, à la fin de 1998, après plus d'une année d'âpres débats parlementaires, le vote d'une énième réforme des retraites. Le point le plus contesté du nouveau dispositif consistant à ramener progressivement le taux de remplacement des pensions de 70 % du dernier salaire pour quarante-cinq années de cotisation actuellement à 64 % en 2030. Un tour de vis jugé nécessaire, mais qui a suscité une véritable tollé en Allemagne. Gerhard Schröder s'est empressé de mettre un terme à ce projet dès son arrivée au pouvoir. Mais, comme son prédécesseur, le nouveau chancelier allemand ne peut accepter que le taux de cotisation dépasse un jour le seuil symbolique de 19 % pour faire face aux besoins de financement. Afin d'empêcher qu'on en arrive là, le nouveau ministre du Travail, l'ancien syndicaliste Walter Riester, a proposé de substituer à l'indexation des pensions sur les salaires nets une indexation sur les prix en 2000 et 2001. Résultat de cette potion amère : en deux ans, le taux de remplacement serait tombé de 70 % à 65 ou 66 %. Pour permettre un retour à l'indexation sur les salaires en 2002, le ministre proposait d'obliger les salariés à cotiser à des fonds privés. À partir de 2003, ils auraient cotisé au taux de 0,5 %, et ce pourcentage aurait progressivement été porté à 2,5 % en 2007.

Destiné à compenser l'indexation sur les prix des années 2001 et 2003, ce projet de fonds de pension obligatoire a immédiatement déclenché une levée de boucliers dans les rangs de la coalition gouvernementale et dans les syndicats. Fin juin, Walter Riester a donc abandonné son projet. À charge pour lui, aujourd'hui, de convaincre les syndicats de réserver une partie des hausses de rémunération résultant des prochaines négociations salariales au développement d'une couverture complémentaire qui n'existe pas en Allemagne. Mais il faudra faire vite, car le Bundestag vient de voter le principe d'une indexation des pensions sur les prix.