logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Politique sociale

Faut-il créer une TVA sociale ?

Politique sociale | publié le : 01.02.2006 |

Jean-Luc Biacabe Directeur du COE – chambre de commerce et d'industrie de Paris

En théorie, une substitution de la TVA aux cotisations patronales dans le financement de la protection sociale dégrade le pouvoir d'achat des ménages et améliore la compétitivité des entreprises. La résultante de ces mouvements de sens contraire est pratiquement nulle pour la croissance, mais positive pour l'emploi (baisse du coût relatif du travail) et le solde extérieur. Dans la pratique, les résultats sont plus ambigus car ils dépendent de la pression concurrentielle (qui incite ou non les entreprises à répercuter la baisse des cotisations sur leurs prix) et de la sensibilité de la demande de travail à son coût. Les simulations sur le sujet montrent une très grande hétérogénéité selon les secteurs d'activité et les types d'emplois. Les branches qui bénéficieraient le plus de la mesure (construction, commerce, services) ne sont pas les plus exposées à la concurrence internationale. Quant à la demande de travail, l'allégement des cotisations, ciblé sur les bas salaires, est une mesure plus efficace. Au total, on pourrait obtenir les mêmes résultats avec d'autres instruments plus précis, tout en évitant certains dommages collatéraux (inflation, dévaluation déguisée, etc.).

Jacques Delpla Membre du Conseil d'analyse économique

Des contributions sociales assises sur la valeur ajoutée et non sur les salaires, c'est beaucoup de bruit pour rien. Dans un premier temps, à recettes constantes, cela réduira les charges sur le travail, améliorant l'emploi à court terme. Mais, avec des profits plus taxés, les firmes investiront moins et réduiront emplois et salaires pour compenser cette surtaxe, annulant le premier effet positif. Pour un effet nul à moyen terme, on va dépenser beaucoup de capital et de temps, qui seraient mieux utilisés ailleurs ! Les dépenses de santé vont inévitablement augmenter grâce au progrès technique médical, ce qui est très bien ! Comme il s'agit de consommation, il n'y a aucune raison de recourir à la dette. Et celle-ci étant collective, le financement de la santé doit venir du revenu des ménages. Deux solutions sont possibles. La première et la plus simple est une hausse de la CSG. On pourrait la moduler selon l'âge : faible taux pour les jeunes, peu malades ; fort taux pour les seniors, qui consomment la majorité des frais de santé. La TVA sociale est analogue, hormis qu'elle taxe les importations et non les exportations, mais elle ne peut être différenciée par âge.

Pierre Volovitch Chercheur à l'Ires

Débattre d'une réforme du financement de la protection sociale serait utile sous deux conditions. Il faut sortir de la séquence simpliste cotisations-coût du travail-compétitivité. Pour le premier lien, l'observation montre que des coûts du travail proches cohabitent avec des modes de financement très différents. Sur le second lien, rappelons que plus des deux tiers de nos échanges sont réalisés avec des pays qui ont des coûts du travail proches du nôtre et que, en ce qui concerne nos échanges avec les pays émergents, aucune réforme du financement ne peut combler les écarts. Seconde condition : ne pas faire l'économie d'une réflexion sur les objectifs de la protection sociale. Et, ici, la seule conclusion réaliste est qu'en France, du fait des réalités démographiques et sociales, les dépenses sociales vont augmenter. D'où la question suivante : comment financer cette hausse des dépenses et en augmenter l'efficacité au regard d'objectifs débattus ? Sous ces conditions, une réforme élargissant l'assiette à la valeur ajoutée qui maintienne le lien protection sociale-entreprise est préférable à une « TVA sociale » qui transférerait la charge sur les plus modestes.

Pour en savoir plus

Rapport Marini (2004), rapport d'information du Sénat n° 52 (2004-2005), www.senat.fr.

Rapport Vasselle (2004), rapport d'information du Sénat n° 50 (2004-2005), www.senat.fr.

Rapport Malinvaud (1998), Conseil d'analyse économique, www.cae.gouv.fr.

Rapport Chadelat (1997), publié dans Liaisons sociales quotidien du 9 septembre 1997.

La Réforme des systèmes de santé (2004), de Bruno Palier, PUF, collection « Que sais-je ? ».