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Le CV anonyme ne fait pas recette

Dossier | publié le : 01.02.2006 | C. M.

Hormis Axa, PSA ou Adia, les grandes entreprises préfèrent adopter d'autres modes de recrutement non discriminatoires. Pour que la mesure soit efficace, l'anonymat doit être garanti jusqu'à l'entretien d'embauche.

Un an après son lancement très médiatique chez Axa, le CV anonyme n'a pas entraîné l'effet boule de neige escompté par Claude Bébéar. L'initiateur de la charte de la diversité dans l'entreprise n'a guère été suivi que par Adia et PSA sur les 260 signataires du texte, les autres ayant choisi d'autres outils. « Nous transmettons nos offres d'emploi à des associations qui nous proposent des profils, ensuite nous les intégrons dans le processus classique de recrutement », explique ainsi Odile de Damas-Nottin, directrice du recrutement de Total. Le cabinet de recrutement Alain Gavand Consultants fait aussi figure de franc-tireur en proposant à ses clients des profils anonymes depuis janvier dernier. Car le principal syndicat professionnel des cabinets de recrutement, Syntec Recrutement, s'est déclaré opposé au CV anonyme, jugeant cette forme de parade aux discriminations à l'embauche « trop compliquée à mettre en œuvre ».

L'ANPE, de son côté, a mis en place depuis 2003, au niveau national, une banque en ligne de 246 000 CV anonymes et mené, en 2005, trois expérimentations, à Lyon, Lille et Bordeaux. « Pour nous, cette démarche s'inscrit dans un ensemble de dispositifs destinés à lutter contre les discriminations dans des secteurs sous tension, comme le bâtiment ou la restauration », explique la direction lyonnaise de l'ANPE, en soulignant que les chômeurs faisaient l'objet d'un accompagnement spécifique complémentaire dans leur recherche d'emploi. À Bordeaux, les efforts ont porté sur des secteurs d'activité où les discriminations à l'embauche sont fortes, tandis qu'à Lille l'objectif a consisté à mesurer le taux de réussite aux entretiens après levée de l'anonymat.

Dans les entreprises privées, la diversité des objectifs et des modes opératoires est aussi de mise. Chez le constructeur automobile PSA, la mise en œuvre du CV anonyme s'inscrit dans le cadre de l'accord d'entreprise sur la diversité signé en 2004. Tandis que, pour Axa, il s'agit de prôner et de garantir l'égalité des chances. Quant à Adia, dont toutes les campagnes publicitaires portent sur la lutte contre les discriminations, il considère « l'anonymisation » comme intrinsèque à l'activité de placement. « Nous l'avons toujours pratiquée pour éviter que nos clients ne contactent directement nos intérimaires », poursuit Frédéric Girard, directeur du développement chez Adia France. Dans le groupe d'intérim, c'est le « sélectionneur », chargé d'effectuer le tri, qui anonymise les CV.

« Pour que cette mesure soit efficace, l'anonymat doit être respecté dans toutes les phases jusqu'à l'entretien, de la sélection des profils à leur présentation à l'employeur », explique Alain Gavand, P-DG d'Alain Gavand Consultants. Auteur d'un guide sur les bonnes pratiques en matière de recrutement, il estime que l'usage du CV anonyme relève de la responsabilité sociale des entreprises. Comme Axa ou PSA, son cabinet de recrutement a opté pour une solution informatique qui garantit l'anonymat jusqu'à l'entretien d'embauche.

Difficile, pourtant, de dresser un bilan de ces différentes initiatives, car la loi interdit de collecter des informations sur l'origine ethnique des employés. Mais aussi, comme le souligne l'ancien ministre Roger Fauroux dans le rapport sur la lutte contre les discriminations dans l'entreprise qu'il a rendu public en septembre 2005, parce que les publics concernés sont trop différents. Pour Frédéric Girard, « la discrimination repose sur des représentations du recruteur qui tombent au moment de l'entretien ». Le groupe a pérennisé l'anonymisation depuis janvier 2005 pour ses activités de placement, à tous les échelons hiérarchiques et dans tous les secteurs, mais aussi pour son recrutement interne, soit 100 personnes.

Axa attend, pour sa part, une autorisation de la Cnil pour évaluer l'efficacité de l'expérience, reconduite et menée uniquement en ligne, pour ses postes de commerciaux de niveau bac + 2, soit 20 000 candidatures pour 500 offres pourvues en 2005. Antoinette Prost, responsable des études chez Axa France, relève « une augmentation des candidatures sur le site et une hausse sensible des embauches de femmes et de seniors ». PSA a commencé l'expérience en mars dernier uniquement en Ile-de-France, sur le Net, pour ses métiers techniques. Elle s'est soldée en janvier 2006 par un testing dont le bilan sera fait prochainement.

À l'ANPE, on n'a pas encore tiré d'enseignement majeur de l'anonymisation des CV, sauf à souligner l'engouement suscité chez les candidats. Mais la direction lyonnaise note un accueil globalement positif des entreprises. La moitié des 400 chômeurs qui ont accepté l'anonymisation ont décroché au moins un entretien et 20 % d'entre eux ont été embauchés.

En février 2005, le gouvernement avait envisagé d'intégrer la mesure dans la loi de cohésion sociale et ce projet avait provoqué un tollé chez les partenaires sociaux mais aussi chez certaines associations. « Demander aux victimes de discrimination de cacher leur identité est grave et ne résout rien », explique Naouel Amar, directrice déléguée de l'Association pour faciliter l'insertion professionnelle des jeunes diplômés. Le débat sur le CV anonyme est donc loin d'être clos.

Auteur

  • C. M.