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Les régions emploient les grands moyens

Dossier | publié le : 01.01.2006 | S. D. P.

Insertion professionnelle des handicapés, reconversion des chômeurs, qualification des femmes… Les régions ont des idées, et des arguments sonnants et trébuchants pour vaincre les réticences des employeurs et des salariés.

Champagne-Ardenne promeut les travailleurs handicapés

Les chercheurs d'emploi handicapés de Champagne-Ardenne se sentent moins démunis. Face à un employeur, ils ont un argument massue : le dispositif Handi Insert, mis en place par le conseil régional avec l'aide de l'Agefiph, visant les entreprises de moins de 20 salariés, qui n'ont pas d'obligation légale d'embaucher des travailleurs handicapés. « Il fallait faire feu de tout bois car, depuis trois ans, le taux de chômage des personnes handicapées grimpait deux fois et demie plus vite que celui des autres », rappelle Didier Marcyan, directeur Nord-Est de l'Agefiph. À ces employeurs réticents à l'idée d'embaucher un handicapé, on a proposé des fiançailles : un CDD de quatre mois pour apprendre à mieux se connaître, sans engagement et tous frais payés (ou presque). Le conseil régional verse chaque mois 1 250 euros à l'employeur, « soit 80 % d'un smic chargé, » précise Bernard Bobot, directeur de la formation professionnelle au conseil régional. Et l'Agefiph prend en charge l'accompagnement d'un tuteur individuel pour une durée de quarante heures ainsi qu'une formation du travailleur handicapé. Si un CDI est signé à l'issue des quatre mois, l'Agefiph verse une prime de 1 600 euros à l'employeur ainsi que 800 euros au salarié.

Une initiative qui a failli être mise à mal par la loi de cohésion sociale en janvier 2005. « Les entreprises se montraient plus intéressées par les contrats d'insertion ou les contrats d'avenir que par notre dispositif, explique Bernard Bobot. Tout a été bloqué pendant près d'un an mais, maintenant, c'est sur les rails. » Car mesures nationales et aides locales se complètent à la suite de l'intervention du préfet de région. Désormais, un contrat aidé peut prendre le relais de Handi Insert même si le bénéficiaire ne remplit pas toutes les conditions, notamment celles de ne pas avoir travaillé dans les six mois précédents. Selon Jean-Paul Bachy, président PS du conseil régional, « les entreprises trouvent désormais un intérêt à adopter les deux dispositifs, puisque le nôtre, grâce au suivi et à la formation, permet une meilleure employabilité. Et les contrats aidés arrivent après coup, pour prendre le relais ». Les 500 000 euros de budget votés pour 2005 ont été reportés sur 2006 avec un objectif d'une centaine de CDD. Une enveloppe financière modeste, mais il s'agit d'un test. Rendez-vous pour un bilan à la fin du premier semestre 2006.

Alsace : une prime de reconversion ciblée

En Alsace, comme ailleurs, le BTP et la restauration peinent à embaucher. Alors la région a tenté de contenter à la fois les professionnels et les demandeurs d'emploi, dont le nombre a augmenté de 12 % entre 2003 et 2004. L'objectif d'Adrien Zeller, président UMP du conseil régional, est de pousser les chômeurs vers l'hôtellerie, la restauration ou le bâtiment. Pour favoriser cette reconversion, le conseil régional offre une prime de 3 000 euros aux candidats. Pourtant, huit mois après sa mise en place en octobre 2004, la mesure n'avait convaincu que 75 personnes. « C'est une expérimentation qui doit durer trois ans. On s'adapte chemin faisant, commente Steven Théneault, directeur de l'éducation et de la formation au conseil régional. Initialement, le texte exigeait que le demandeur d'emploi n'ait aucune expérience du secteur éligible à la prime. Dorénavant, une mission d'intérim de trois mois maximum, voire un contrat aidé dans ces secteurs ne sont plus rédhibitoires. Le contrat de travail devait être un CDI ou un CDD d'un an minimum, à temps plein. Depuis juin 2005, les temps partiels de plus de vingt-quatre heures sont acceptés. Enfin, la restriction aux seules entreprises alsaciennes est désormais levée à condition que l'employé primé travaille dans la région.

Du coup, à la fin octobre, 133 primes, dont les trois quarts dans l'hôtellerie-restauration, avaient été attribuées. Et le dispositif devrait encore monter en régime. « Nous avons un budget de 1,2 million d'euros pour trois ans. Mais nous prévoyons de corriger le tir chaque année pour réadapter la mesure aux besoins des branches professionnelles », souligne Steven Théneault. Quant à l'éventuelle concurrence des mesures du plan d'urgence pour l'emploi de l'été 2005 – telle l'ordonnance du 2 août dernier qui offre aux jeunes de moins de 26 ans 1 000 euros de crédit d'impôt s'ils se reconvertissent dans certains secteurs qui manquent de main-d'œuvre –, la région est rassurée : les deux mesures ne se télescopent pas.

Poitou-Charentes cible les mères isolées

Personne ne prononce le mot tabou. Et pourtant, le plan pour l'emploi des femmes conçu par le conseil de Poitou-Charentes, présidé par Ségolène Royal, est clairement mâtiné de discrimination positive. Au programme : 3 millions d'euros pour 2005 et 10 mesures pour les aider à se faire une place sur le marché du travail. « Il y avait urgence, justifie Marie-Andrée Rouault, vice-présidente PS chargée de l'emploi et de la reconversion à la région, car la moitié des femmes visées par ce plan vivent seules avec des enfants et sont en deçà du seuil de pauvreté. »

Le pilier, c'est la convention signée avec l'Afpa en janvier 2005 afin de qualifier des femmes pour des métiers « non traditionnellement féminins ». Carreleur, électricien ou même cuisinier sont des métiers qui recrutent mais vers lesquels les femmes n'auraient jamais osé aller, se cantonnant à cinq secteurs contre vingt pour les hommes. Soixante d'entre elles suivent actuellement un cursus menant à un titre professionnel de niveau 5 et d'une durée moyenne de 650 heures souvent très éloigné de leur qualification initiale. Comme cette ancienne cueilleuse de champignons reconvertie dans la maintenance industrielle. Ou cette assistante maternelle qui va obtenir son titre professionnel de peintre en bâtiment. « Vous n'imaginez pas le travail auprès des prescripteurs de ces formations, indique Chantal Serre, responsable du projet à l'Afpa. Il a fallu changer les représentations sur les métiers dits masculins, même dans les centres d'information pour les droits des femmes. »

Autre mesure, le concours « Initielles » récompense des initiatives de femmes, comme cette halte-garderie pour les enfants de salariés en horaires décalés qui assure un relais avec les crèches traditionnelles. Un premier prix a été attribué en décembre. Avec un peu de retard car la mesure a manqué de publicité. Même cause, même conséquence pour une autre initiative : la région avait demandé à des cadres ou des chefs d'entreprise femmes de « marrainer » des chercheuses d'emploi. Trente marraines se sont portées volontaires, mais leur entrain a été stoppé net faute de filleules. Pour Chantal Serre, de l'Afpa, « l'essentiel est que le plan régional booste l'égalité des chances. En sept mois, nous avons triplé le nombre de femmes en stages de qualification dits d'hommes. Et nous espérons que la région va continuer à financer après juin 2006 ».

Auteur

  • S. D. P.