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Vie des entreprises

CDP ou accoroutiste… petit inventaire des jobs atypiques

Vie des entreprises | ZOOM | publié le : 01.12.2005 | Isabelle Moreau

Du « yield manager » au styliste culinaire en passant par l'accoroutiste, les vocables fleurissent dans le monde du travail. Si certains rhabillent des métiers existants en quête de reconnaissance, beaucoup désignent des fonctions liées à de nouveaux besoins ou encore nées de l'imagination de créateurs de leur emploi. Sept familles de jobs méconnus.

Après les cost killers, voici venus les yield managers, les revenue managers, les responsables des migrations IAS… Des spécialistes aux noms barbares pour la plupart directement importés des États-Unis mais qui répondent à la nouvelle demande des entreprises. « Il y a aujourd'hui une plus grande sophistication des métiers », confirme Pierre-Étienne de Moustiers, directeur général du cabinet de conseil PM Ressources humaines. Et il y a de quoi rester béat devant ces cartes de visite aux mentions plus ou moins évocatrices : diversity manager (la vigie égalité de traitement dans l'entreprise), category manager (le pro du marketing sachant mettre en adéquation le bon produit avec le bon acheteur), chargé de mission dématérialisation (l'as de l'informatique qui met en place l'administration électronique), délégué au développement durable…

À l'origine de ces nouvelles terminologies, les organisations qui, en quête de performance, n'ont de cesse de créer des fonctions ad hoc. Mais aussi le Code du travail qui fait naître de nouvelles obligations légales et, avec elles, les professionnels chargés de les faire scrupuleusement respecter. Il y a également les sociétés qui, confrontées à la pénurie de main-d'œuvre et au manque de qualification, n'hésitent pas à créer, valoriser, professionnaliser, voire rebaptiser des métiers maison. Sans oublier les nombreux créateurs d'entreprise qui, en marge des grands groupes, ne sont pas en reste pour donner vie à de nouvelles professions. Revue de détail de 17 métiers émergents et méconnus.

Les métiers nés de la loi

On a connu l'ère des « Messieurs Euro », place aux responsables des migrations IAS et IFRS. Une qualification pas très glamour pour désigner une nouvelle fonction indispensable aux entreprises qui doivent respecter avant fin 2006 les normes internationales IAS et IFRS. Cette révolution comptable « touche des domaines aussi variés que la retraite ou les ressources humaines, que seuls certains spécialistes titulaires d'un diplôme d'expert-comptable qui sont passés dans un grand groupe peuvent réaliser », explique Karine Doukhan, responsable de RHI Management Resources, une division de Robert Half International. Et cette denrée rare, les entreprises se la disputent.

Tout aussi convoité est l'auditeur Sarbanes-Oxley, son « cousin » dans l'entreprise. Afin de se conformer au Sarbanes-Oxley Act adopté en 2002 aux États-Unis, les filiales françaises de groupes américains et les entreprises cotées au New York Stock Exchange ont jusqu'à mi-juillet 2006 pour mettre en place un système permettant à leurs salariés de faire état de malversations constatées. À l'approche de cette date butoir, elles s'arrachent ces consultants issus de cabinets d'audit financier capables de détecter les risques.

Si ces fonctions-là sont éphémères, ce n'est pas le cas du CDP, le correspondant à la protection des données à caractère personnel. Né de la loi informatique et libertés de juillet 2004, ce limier, souvent juriste de formation avec, cerise sur le gâteau, des compétences en informatique, traque les problèmes relatifs à la protection des entreprises. Certaines, comme la Banque de France, ont déjà leur CDP, les autres devraient rapidement suivre car « les données personnelles sont une matière première importante à l'heure de la dématérialisation et de l'e-administration », estime Arnaud Belleil, directeur associé de cecurity.com, qui a créé en 2004, avec le cabinet Experian, l'Association française des correspondants à la protection des données à caractère personnel.

Les jobs « made in USA »

Mettre en adéquation le plus finement possible l'offre et la demande est une obsession anglo-saxonne qui a fait émerger de nouvelles expertises. Tous les secteurs commerciaux, et le tourisme au premier chef, sont concernés. Diplômée d'un DESS de yield management à l'ESCA d'Angers, Marie Feuillas, 27 ans, a ainsi exercé pendant trois ans la fonction de yield manager au Sofitel Le Faubourg, à Paris. Son job ? « En fonction de la demande, on optimise l'occupation de l'hôtel par rapport au prix moyen. Cela se traduit par une analyse des durées de séjour, un suivi des réservations et une surveillance de la concurrence », précise Marie Feuillas, promue revenue manager, soit la fonction de support et d'aide à la décision pour le yield manager. C'est elle qui prévoit la demande et le remplissage de 30 hôtels du groupe Accor du centre de Paris dans le respect des stratégies des différentes marques et du besoin des clients.

Afin d'attirer le chaland vers les centres-villes désertés, municipalités, chambres de commerce et associations de commerçants se sont inspirées du Québec pour salarier des managers de centre-ville. Âgée de 31 ans, Virginie Cattiaux, issue du marketing et de la pub, est ainsi depuis sept ans manager du centre-ville de Lille. Salariée d'une association d'environ 300 adhérents, elle fédère les enseignes du centre, autrefois boudé par les Lillois. « Je suis l'interface entre les commerçants et les institutions », explique-t-elle. Une orientation pour des profils variés. Après avoir dirigé un centre commercial pendant dix ans, Alain Bouyou est passé de l'autre côté de la barrière. À 54 ans, ce manager de centre-ville à Rennes préside le Club des managers de ville, qui compte à ce jour une vingtaine de membres.

Les experts de la sécurité

À l'heure où les entreprises croulent sous les normes et les règlements liés à la sécurité, elles sont contraintes de s'entourer d'experts. Tant mieux pour Jérôme Préau. À 28 ans, ce consultant du cabinet de conseil Protecnic, situé à Auxerre, vient en effet d'obtenir son diplôme de conseiller à la sécurité pour les transports de matières dangereuses. Il rédige les documents relatifs à ce type de transport et vérifie que tous les moyens sont mis à la disposition du transporteur pour prévenir les problèmes. En cas d'accident, « lorsque la signalisation est défectueuse, par exemple, ma responsabilité peut être engagée », souligne le consultant.

Dans un autre registre, l'ingénieur chargé du démantèlement ou de la dépollution d'une usine nucléaire travaille lui aussi au contact de matières dangereuses. Il est le plus souvent diplômé de l'Ecole du démantèlement de Marcoule (Gard), créée en 2001 par le Commissariat à l'énergie atomique, via l'Institut national des sciences et techniques nucléaires.

Les pros de la maison

Si la maison individuelle a le vent en poupe, difficile de trouver des bras et les diplômés ad hoc pour la faire sortir de terre. Fort de ce constat, le groupe Misa, premier fabricant de maisons individuelles en France, a décidé de former lui-même des assembliers capables de construire de A à Z des maisons Phénix. « Il faut de véritables professionnels pour les réaliser », explique Philippe Monniot, responsable du centre de formation Misa. Après avoir travaillé dans la restauration et les travaux publics, Geoffrey, 21 ans, suit une formation en alternance de neuf mois pour obtenir un certificat de qualification professionnelle d'assemblier. Il pourra alors, au sein d'une équipe de trois personnes, construire une maison de 90 mètres carrés en deux à trois semaines.

Travailler en extérieur, c'est aussi le lot des clôturistes, un métier en panne de candidats. C'est pourquoi Espace Clôture, filiale du groupe Dirickx, a créé en 2002 une école qui a déjà formé une centaine de clôturistes par an à la pratique « du béton, de la géologie, de la topographie, mais aussi de la mécanique et de l'électricité, car les portails sont automatisés », explique Pierre Varlet, DRH de Dirickx. Après une formation de treize semaines, les clôturistes obtiennent un certificat de compétence professionnelle et signent une clause de fidélité de cinq ans. Ce qui permet à l'entreprise de ne pas voir le salarié, sitôt formé, partir à la concurrence et à ce dernier, rémunéré entre 1 370 et 1 670 euros brut mensuels, d'avoir au moins un « contrat de travail de cinq ans », note Philippe Richard, ancien exploitant agricole du Calvados de 48 ans devenu clôturiste.

Les accros de la nature

Qu'il pleuve ou qu'il vente, ces cantonniers des temps modernes ratiboisent sur leur tracteur haies et mauvaises herbes le long des routes. Ils n'avaient pas véritablement de nom, jusqu'à ce que la société Noremat, qui fabrique à Ludres (Meurthe-et-Moselle) des engins d'entretien des accotements routiers, trouve, après un brainstorming avec ses clients (DDE, communes, entreprises), le nom d'accoroutiste, déposé à l'Inpi. « Nous souhaitons à terme créer un diplôme au plan national par le biais des écoles agricoles », explique Jacques Rival, patron de l'entreprise éponyme spécialisée dans le fauchage des berges des rivières et président du jeune syndicat des accoroutistes. En attendant, Noremat propose une formation à des personnels des collectivités locales et des entreprises. Car le métier exercé par les 10 000 accoroutistes qui sillonnent le gros million de kilomètres de routes en France suppose « des notions de mécanique et d'environnement », complète Christian Gros, 40 ans.

Accro, lui aussi à la nature, le consultant rural est « un médiateur généraliste au service de son territoire », indique la brochure du lycée agricole de Neuvic, en Corrèze, vantant les mérites de cette licence professionnelle. Le consultant rural établit un diagnostic de développement du territoire et met en réseau les acteurs en milieu rural. « Il peut travailler pour une collectivité locale et l'accompagner dans la mise en place de parcs naturels régionaux ou être embauché par les offices du tourisme ou bien les associations liées à l'environnement », explique Anne Auger, professeur d'économie rurale et coordonnatrice de la licence.

Les artistes du design

Dans un univers marqué par l'esthétique et le développement durable, les consultants en design surfent sur la vague. À 53 ans, Jean-François Mermillod est écodesigner. Cofondateur d'Accordesign avec un architecte spécialiste de l'habitat bio en Haute-Savoie, il se targue d'avoir « une vision réaliste des produits et des services en intégrant des critères environnementaux » et propose aux entreprises « une approche respectueuse de l'environnement et de l'homme qui passe par le choix des matériaux ». Créateur sur le Web, le designer sonore compose, lui, « des illustrations sonores pour habiller une image, des échantillons musicaux répétitifs mis bout à bout pour créer un sloop sonore qui servira aux fondus du multimédia », explique Dominique Alquier, 38 ans.

Free-lance depuis trois ans, Noëlle Bernat est designer coloriste. Titulaire d'un DESS Couleur dans les projets d'environnement, elle a récemment travaillé la couleur pour le compte d'une clinique toulousaine du centre-ville « en axant, pour l'extérieur, sur le brique rouge, couleur de l'environnement toulousain, et pour l'intérieur, sur le vert, couleur de la santé ».

Les boulots de niche

Paris-Charles-de-Gaulle en moins de vingt-cinq minutes ? C'est possible avec les motos-taxis. Proposé par VIP-Moto, ce service est une idée de Mounir Baccouche, un ex-artisan taxi de 25 ans. Encore peu répandu en France alors qu'il est courant à Londres, ce mode de transport séduit une clientèle pressée, équipée pour la circonstance d'un surpantalon et d'une surveste avec airbag intégré.

Fouler le bitume parisien, c'est aussi ce que fait Valérie Lhomme, pour faire son shopping, c'est-à-dire emprunter les accessoires nécessaires à l'exercice de son métier : styliste culinaire. « J'écris des recettes pour un magazine que je réalise ensuite dans le studio d'un photographe », explique la quadra. La mise en scène de ce riz au lait à la fraise sur fond blanc, c'est à elle qu'on la doit. Cette profession très confidentielle – ils seraient une cinquantaine, pour la plupart free-lance, en France – sévit dans les magazines mais aussi dans l'industrie agro-alimentaire. Pour exercer ce métier, aucun diplôme n'est requis. Idéal pour les reconversions professionnelles.

Biérologues et coffre-fortistes

Verra-t-on un jour quelqu'un incliner une chope de bière pour scruter la couleur du breuvage, apprécier d'un claquement de langue son goût et ensuite donner son verdict ? C'est probable. Comme il existe des œnologues pour le vin, il existera bientôt des biérologues pour déguster et noter la cervoise du XXIe siècle. Raymond Duyck, patron de la Brasserie Duyck, en est persuadé. « Il y a bien des goûteurs de bière. Ce qui manque, c'est un peu de formation pour en faire un métier à part entière. Il faut savoir parler de la bière. » Un breuvage dont la consommation est en baisse constante depuis une vingtaine d'années, à l'exception des marques haut de gamme et des bières de spécialité qui, elles, affichent une très bonne santé.

Quatrième du nom à diriger la Brasserie Duyck, dont la bière phare est la Jenlain, du nom de la petite ville située à côté de Valenciennes où est située la brasserie, Raymond Duyck défend l'idée que « non seulement on peut cuisiner des plats avec de la bière, mais on peut aussi déguster des bières de spécialité », comme la Jenlain n° 6. Reste que pour réussir le pari de lancer la profession de biérologue, il faut une initiative commune des brasseurs. Déjà, le brasseur Heineken propose une formation de biérologue en interne.

Ce métier n'est pas le seul en devenir. La profession de responsable de coffre-fort électronique pourrait aussi voir le jour à court terme, si l'on en croit Arnaud Belleil, directeur associé de cecurity.com. Spécialisée dans la protection des données personnelles, l'entreprise s'occupe de l'archivage électronique des données des collectivités locales et territoriales, grâce à son logiciel, Coffre-Fort électronique communiquant. « Depuis la loi du 13 mars 2000 sur la signature électronique, l'écrit électronique et l'écrit papier ont la même valeur juridique », explique-t-il. Résultat, l'archivage électronique, qui permet un gain de place énorme, monte en puissance et génère de nouveaux métiers, non seulement en termes d'archivage, mais aussi en termes de protection des données.

Auteur

  • Isabelle Moreau