Pour pallier la faiblesse des droits d'inscription fixés par l'État, de plus en plus d'universités instaurent des droits complémentaires.
« Une université parking, voilà ce que nous deviendrons si l'État ne nous donne pas les moyens financiers dont nous avons besoin pour dispenser des formations de qualité », menace Henry Roussillon, président de l'Université de sciences sociales de Toulouse I. Épinglé par l'Unef dans un rapport sur les droits d'inscription « illégaux » pratiqués par plus de 60 % des universités, Henry Roussillon ne nie pas les faits. « Nous avons mis en place des droits complémentaires depuis plusieurs années. Ils sont perçus d'autorité à l'inscription. En master 1, ils s'élèvent à 49 euros. Cela nous permet de proposer une multitude de services aux jeunes en embauchant des contractuels pour assurer l'accueil des étudiants dans les salles informatiques ou en mettant sur pied des formations d'aide à la recherche d'emploi. »
Pour les universités, ces droits complémentaires (qui peuvent varier de 50 à 3 500 euros selon les filières et la gourmandise des facs) ne sont ni plus ni moins qu'une façon de compenser l'insuffisance des financements publics et la faiblesse des droits d'inscription demandés aux étudiants à l'entrée en fac : 156 euros pour une licence, 305 euros pour un doctorat. À ce prix, les facs ont de plus en plus de mal à assurer leur mission de service public. Car si l'État a massivement investi dans les lycées ces dernières années pour permettre à 80 % d'une classe d'âge d'accéder au bac, il n'a pas reporté ses efforts au niveau de l'enseignement supérieur. Résultat, les amphis sont surpeuplés et les établissements doivent trouver de nouvelles sources de financement pour maintenir la qualité de leur formation. Et ce n'est pas la rallonge de 110 millions d'euros qui vient de leur être accordée pour des travaux d'urgence qui va changer la donne.
Mais remettre en cause la quasi-gratuité de l'enseignement supérieur est un sujet éminemment tabou dans l'Hexagone, symbole de justice sociale et d'égalité des chances. Pour l'Unef, il n'est évidemment pas question que « l'on prenne dans la poche des étudiants l'argent que l'État devrait verser aux universités ». « C'est pourtant un marché de dupes, affirme Robert Gary-Bobo, professeur en sciences économiques à l'université Paris I. Le système actuel profite essentiellement aux fils et filles de cadres. C'est encore plus flagrant dans les grandes écoles d'ingénieurs. Les universités manquent tragiquement de moyens et ne peuvent pas assurer l'encadrement des étudiants qui, pour beaucoup, échouent en fac. » Sciences po Paris a été l'un des premiers établissements publics à briser le tabou. En 2003, l'école a ainsi adopté un principe de progressivité des frais de scolarité qui s'étalent désormais de 0 à 5 000 euros en fonction des revenus déclarés et de la taille des foyers.
D'autres pistes sont également explorées qui s'inspirent du modèle américain. Robert Gary-Bobo et Alain Trannoy, professeur à l'Ehess, proposent ainsi d'« instaurer pour les étudiants un système de prêt à taux zéro, garanti par l'État. En contre partie, les jeunes acquitteraient des frais de scolarité plus élevés ». Une façon de responsabiliser et de motiver les étudiants et de les amener à être plus exigeants sur la qualité des formations dispensées.