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La recherche sur le Web se banalise

Dossier | publié le : 01.10.2005 | S.L.

Il y a quelques années encore, naviguer sur le site Internet d'une grande entreprise était réservé à un petit nombre de surfeurs éclairés. C'est bien fini. Avec l'essor formidable de cet outil comme moyen de recrutement, l'approche des candidats et des entreprises se professionnalise et donne lieu à de nouvelles méthodes.

En dépit de l'atonie du marché du travail, l'e-recrutement flambe. Sans conteste, Internet s'est imposé comme le premier vecteur de recrutement. « Alors que le marché des petites annonces a été divisé par deux, le chiffre d'affaires des sites a été multiplié par dix. Aujourd'hui, 95 % des annonces sont passées en ligne. Surfer sur un site est le premier réflexe d'un candidat qui cherche un travail », souligne Patrick Pedersen, directeur des opérations de Monster France, filiale hexagonale du leader mondial de l'emploi en ligne. « Une étude récente menée auprès de 950 entreprises nous a montré que 34 % d'entre elles utilisent des outils informatiques dans le processus de recrutement et que la moitié envisagent de le faire d'ici à 2007 », affirme pour sa part Hélène Mouiche, consultante chez Markess International, un cabinet spécialisé en e-RH. Pour Alain Peroni, directeur associé de Jobtransport et membre de l'Association des professionnels pour la promotion de l'emploi sur Internet (Appei), une structure qui regroupe les 15 principaux sites de recrutement généralistes sur Internet, il est clair que « l'e-recrutement est entré définitivement dans les mœurs ».

Sept à douze minutes pour un formulaire en ligne

À telle enseigne que les candidats à l'embauche tout comme les entreprises sont devenus plus exigeants. Les premiers tolèrent de moins en moins de passer des heures devant leur écran pour renseigner un CV et zappent lorsqu'ils sont confrontés à des sites mal conçus, où ils n'ont pas rapidement accès aux offres d'emploi. « Les sondages réalisés par le site Focus RH montrent que le temps passé à renseigner les différents champs ne doit pas dépasser dix minutes, sinon les candidats se déconnectent, indique Patrick van Honecker, directeur emploi et formation du groupe Lactalis, deuxième groupe agroalimentaire français derrière Danone, qui a entièrement recentré sa stratégie de recrutement sur Internet. Bien sûr, multiplier les occurrences permet de filtrer les candidats. Pour nous, qui recevons de 20 000 à 25 000 candidatures par an, c'est important. Mais nos formulaires sont remplis en sept à douze minutes. Il faut que l'entreprise soit suffisamment informée, sans pour autant imposer un parcours du combattant à l'internaute. » Aux yeux de Frédéric Radier, vice-président pour les solutions entreprises de Job partners, « les personnes à la recherche d'un emploi souhaitent à la fois une traçabilité de leur candidature et une simplification de la saisie ».C'est pour cette raison que l'on commence à voir apparaître des champs d'interrogation relativement réduits, avec la possibilité d'attacher un CV sous Word ou en PDF.

Car le comportement des candidats a changé. La recherche d'emploi par Internet s'est banalisée, même si ces derniers continuent à commettre des bévues, comme d'envoyer leur CV en liste de diffusion à plusieurs entreprises, par exemple. Ce qui n'est évidemment pas du goût des recruteurs. Un CV envoyé par e-mail permet une relation immédiate et de proximité avec l'entreprise. Mais cela n'affranchit ni le candidat ni l'entreprise des règles élémentaires de confidentialité…

L'aspect le plus visible de la démocratisation de l'e-recrutement est la professionnalisation de la relation entre le recruteur et la personne recrutée. « Le média Internet permet l'intégration de l'échange avec le candidat dans le suivi de la candidature de manière beaucoup plus professionnelle, confirme Frédéric Radier. Désormais, on parle de gestion de la relation avec le candidat. Des deux côtés, les attentes sont différentes, mais nous allons globalement vers une communication plus mature. Les entreprises commencent à comprendre que la marque employeur qu'elles véhiculent à travers leur site est une véritable identité commerciale. Du coup, elles peaufinent cette relation avec le candidat sur Internet. »

Campagne d'e-recrutement à l'armée de terre

Beaucoup d'entreprises ont déployé des efforts considérables pour ouvrir leur recrutement sur Internet et offrir un service digne de ce nom. Même l'armée de terre s'est engagée dans cette voie. Au début de l'été, elle a lancé une campagne massive de recrutement, via des spots télévisés et des grandes affiches, mettant en valeur le métier de soldat sur le terrain, avec une accroche globale : « Un métier, bien plus qu'un métier ». « Tous les spots TV et les affiches renvoient à notre site, www.recrutement.terre.defense.gouv.fr, explique le lieutenant-colonel Alban Desgrées du Lou, chef du bureau information-communication de la sous-direction du recrutement de l'armée de terre. Nous faisons véritablement de l'e-recrutement, car nous considérons qu'Internet est pour nous le premier vecteur d'embauche. Notre problématique est simple : depuis la suppression du service national, nous sommes devenus une armée de métier. Nous avons d'énormes besoins de recrutement, de l'ordre de 15 000 personnes par an. De plus, nous souhaitons toucher des jeunes de tous milieux, des non-qualifiés aux bac + 5. Quoi de mieux qu'Internet pour les contacter ? C'est le moyen le plus rapide, le plus efficace, et qui correspond à leur génération. Que ce soit à l'école, à la maison ou bien via des cybercafés, la plupart des jeunes ont un accès facile à Internet. Et c'est plus ludique, plus simple pour eux, dans un premier temps, que de pousser la porte d'un centre d'information et de recrutement. »

Pour s'adapter à cette nouvelle donne, l'armée de terre a entièrement refondu son site afin de le dédier à l'e-recrutement. Une révolution qui pourrait inspirer nombre de grandes entreprises : « Nous avons voulu que, dès la page d'accueil, les jeunes aient accès à l'information qui les intéresse en un maximum de trois clics : sur ce site, les jeunes peuvent se renseigner, découvrir nos parcours professionnels, trouver des fiches de métiers illustrées par des témoignages vidéo de soldats en exercice. Ils peuvent en outre envoyer des candidatures spontanées. Ils seront alors recontactés par le Cirat le plus proche de leur domicile », continue le lieutenant-colonel Alban Desgrées du Lou.

Blogs, mobiles et SMS

Au sein du ministère de la Défense, devenu l'un des tout premiers recruteurs français, on est convaincu qu'Internet est le média d'avenir pour trouver de la main-d'œuvre. Et l'exemple de l'armée de terre montre la puissance de l'outil dans le cadre de campagnes d'embauches massives. Mais toutes les grandes entreprises ne se retrouvent pas dans la situation de recruter plusieurs milliers de personnes par an. D'autant qu'elles ont aussi une problématique de mobilité interne à gérer. Le site Internet doit alors permettre une certaine sélectivité, tout en restant informatif et attractif pour les candidats.

Même dans une entreprise high-tech comme Hewlett-Packard, le mode de recrutement reste relativement traditionnel : « Nous avons embauché 250 personnes en 2004, explique Pierre Farouz, DRH de H-P France. 60 % des postes ont été pourvus en interne. Pour le reste, nous avons reçu près de 3 000 candidatures spontanées sur Internet. Notre organisation est relativement simple : dès qu'un besoin est visible en termes de poste, l'offre est visible par tous les employés de H-P pendant sept jours. Elle passe ensuite sur le portail Internet externe. Nous répondons à chaque CV reçu. » Pour la gestion des CV, H-P s'appuie sur Recruitsoft. « Nous avons signé des accords de partenariat avec Monster, CadresOnline et Direct-Étudiant », précise Pierre Farouz, qui souligne que, désormais, « 100 % des CV sont reçus par Internet ».

Le succès d'Internet est tel que les spécialistes de l'e-recrutement mitonnent de nouvelles approches pour séduire les candidats les plus branchés. « On commence à voir émerger, sur certains sites, des blogs de recrutement », témoigne Hélène Mouiche, de Markess International. L'embauche via les mobiles et les messages SMS fait aussi son apparition. Deux sites, Mobiljob et Jobtel (le site d'emploi du Parisien), sont les plus avancés dans ce domaine. À partir de cette rentrée, Jobtel enverra des offres d'emploi par SMS aux candidats qui sont inscrits sur son site. Internet a révolutionné sans nul doute les méthodes du recrutement, et candidats et recruteurs ont appris à s'apprivoiser via Internet.

Mais cette révolution technologique ne doit pas faire oublier qu'Internet n'est qu'un outil. Malgré l'utilisation du Web, le taux de réponses aux candidats reste de l'ordre de 15 %. Avec ou sans Internet, le recrutement demeure d'abord une affaire d'offre plus que de demande. Et, du côté des entreprises, il y a encore de gros progrès à accomplir !

Des « CVthèques » en accès libre

Si les job boards ne sont pas décidés à laisser leurs CVthèques en consultation libre et gratuite, ils ne manquent cependant pas de suivre de près la multiplication des réseaux de mise en relation professionnelle.

Et cela même si le modèle économique et la valeur d'usage de ces sites qui lorgnent le marché du recrutement n'ont pas encore fait leurs preuves. Sur un réseau de mise en relation professionnelle, un nouvel inscrit commence par enregistrer son profil, qui devient alors gratuitement consultable par l'ensemble des membres. Reste ensuite à rechercher parmi tous les membres ceux à qui on désire envoyer des demandes de prise de contact. Si ces derniers acceptent, ils viendront étoffer votre carnet de contacts, lui aussi en accès partagé. Sur tous ces réseaux, une fonction plébiscitée permet d'identifier les membres qui ont pris connaissance de votre profil. Qu'il s'agisse de rechercher des informations, des partenaires, des missions, des clients ou des emplois, ces réseaux rapprochent l'offre et la demande ; mais c'est par le biais du recrutement qu'ils se mettent en valeur. Sur le réseau français Viaduc, qui compte 100 000 inscrits, 70 % des membres acceptent une mise en relation avec un recruteur. « La grande majorité de nos membres sont en poste mais se déclarent en veille en termes d'opportunité d'emploi. La plate-forme n'est donc pas adaptée pour un recruteur qui recherche un profil immédiatement », déclare Dan Serfaty, l'un des fondateurs de Viaduc, qui affiche en parallèle 400 offres d'emploi.

Foire d'empoigne

Sur 6nergies, un autre réseau français, 25 % des 2 400 membres déclarent chercher un poste, 25 % des candidats, 25 % des débouchés commerciaux, 15 % des partenaires et 10 % d'anciennes connaissances. « Nous n'offrirons pas aux recruteurs la possibilité de publier des offres d'emploi mais nous allons en revanche mettre en place un mécanisme de gestion de la réputation de nos membres. Des services payants vont être par ailleurs proposés pour assister les membres dans le développement de leur identité numérique », indique Alain Lefebvre, cofondateur de 6nergies. Sur ce marché émergent, l'acteur phare reste la plate-forme américaine Linkedln, avec 2,7 millions de membres. Pourquoi ne pas imaginer des déclinaisons du principe de ces réseaux sur les intranets des entreprises ? Manifestement, cela relève encore de la science-fiction. Pour David-Alexandre Gava, responsable de la coordination emploi-carrière de Siemens France, « il n'est pour l'instant pas question de laisser l'ensemble des managers du groupe accéder aux CV de tous les salariés. Ils y perdraient beaucoup trop de temps, alors que la valeur ajoutée de leur poste réside en premier lieu dans le contact avec nos clients. Par souci de réactivité, les prises de rendez-vous non concertées fleuriraient et nous ne souhaitons pas créer une foire d'empoigne ».

R. H.

Auteur

  • S.L.