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La souffrance des cadres

Livres | publié le : 01.06.2005 | H. G.

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La souffrance des cadres

Crédit photo H. G.

La Fatigue des élites. Le capitalisme et ses cadres François Dupuy Éditions Seuil, collection « La République des idées ». 98 pages, 10,50 euros.

Il est temps de se soucier du « malaise des cadres », qui se manifeste par une révolte larvée contre la situation intenable dans laquelle les place le management moderne. Telle est la thèse de François Dupuy, un sociologue qui a enseigné dans les business schools européennes et nord-américaines à quelque 30 000 cadres. Et de prophétiser des lendemains difficiles pour les grandes entreprises : « On se prend à imaginer que le désordre social ne surgisse pas à l'avenir d'une mobilisation des “petits” contre le capitalisme, mais de ses propres gardiens et messagers. » Autrement dit, le mal frappe cette fois « au cœur même des élites ».

Si l'on parle du « malaise des cadres » depuis l'après-guerre, la crise actuelle de l'encadrement lui semble d'une tout autre nature, car elle a été provoquée par les changements d'organisation survenus depuis une bonne décennie. Dans ces réorganisations successives, les cadres ont abandonné des protections qui définissaient leur identité et justifiaient leur statut. Ils sont maintenant beaucoup plus exposés au risque de chômage. « Les cadres, note François Dupuy, se retrouvent surexposés à des tensions diverses et contradictoires qu'ils doivent à la fois subir et approuver, puisqu'ils sont, dans l'entreprise, ceux qui sont censés comprendre les impératifs du marché et à l'occasion les expliquer aux autres ! » Comment réagissent-ils à ces pressions contradictoires ? Par une démotivation croissante, dont leur ralliement surprise aux 35 heures a montré l'ampleur, et par une rupture avec l'entreprise. D'où la notion de « fatigue des élites ».

Sociologue spécialiste du changement, François Dupuy met l'accent sur le phénomène qu'il a baptisé « la déprotection des cadres ». Dans le public comme dans le privé, les bureaucraties, caractéristiques des organisations de l'ère taylorienne, étaient beaucoup plus destinées à protéger leurs membres qu'à servir leurs clients. « Les nouvelles structures mises en place, observe notre auteur, ont en même temps tendu à isoler toujours davantage les cadres, les prenant en quelque sorte à leur propre piège, celui de l'individualisme et de la comparaison. » Réduction des fonctions centrales, création de business units décentralisées, nouvelles formes d'évaluation fondées sur des critères économiques : non seulement les règles du jeu ont changé, mais les cadres se voient jugés sur des éléments qu'ils ne contrôlent pas. Pour sortir de ce cercle vicieux, l'auteur propose des pistes, comme la redéfinition des carrières, à condition que celle-ci laisse un espace à la négociation avec les intéressés. Car le capitalisme n'a rien à gagner à long terme à faire souffrir ses cadres.

Auteur

  • H. G.