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Pas de boom des placeurs privés

Dossier | publié le : 01.06.2005 | T.S.

En Allemagne, si le placement n'est plus le domaine réservé de l'Agence fédérale pour l'emploi depuis 1994, l'explosion annoncée des bureaux privés n'a pas eu lieu. Quant aux diverses formes de coopération public-privé, elles ont donné des résultats mitigés.

Les craintes de la Confédération des syndicats allemands (DGB) ne se sont pas confirmées. Début 1994, quelques semaines avant la suppression totale du monopole de placement de l'Agence fédérale pour l'emploi (BA), elle s'était inquiétée des effets pervers de cette réforme : « Nous doutons fort que les placeurs privés s'occupent des chômeurs aux profils difficiles, des femmes ou des travailleurs âgés. Ils s'adjugeront la meilleure part du gâteau », expliquait-on, à l'époque, dans les milieux syndicaux allemands. Plus de dix années après, le boom annoncé du placement privé ne s'est pas produit : « Il est vrai que les bureaux de placement ont tendance à s'orienter vers une clientèle bien formée. Mais ils placent davantage de femmes que d'hommes. Et, de toute façon, ils n'assurent encore qu'un volume limité », explique Ilona Mirtsin, de la BA.

Avant 1994, le placement des chômeurs était exclusivement l'affaire de l'ANPE allemande, à l'exception de quelques cabinets de chasseurs de têtes concentrés sur les cadres dirigeants ou les artistes : « Aujourd'hui, il existe plus de 1 000 bureaux de placement privés en Allemagne. Sans compter les entreprises de travail temporaire qui commencent à travailler dans ce domaine. Il a fallu créer une fédération, structurer la profession et, en relation avec le ministère de l'Emploi, définir des critères de qualité. En 2004, le secteur a ainsi assuré 200 000 placements contre seulement 20 000 en 1994. Nous sommes jeunes mais notre secteur a un taux de croissance annuel supérieur à 10 % », explique Sieglinde Schneider, porte-parole du BPV, l'Union fédérale des bureaux de placement privés.

Plus de 1 million de bons de placement délivrés

À la faveur des réformes successives du marché de l'emploi, diverses formes de coopération et de sous-traitance ont aussi été favorisées entre l'Agence fédérale et les placeurs. Avec des résultats très mitigés. En mars 2002, le gouvernement fédéral a ainsi permis à toute personne au chômage depuis plus de six semaines de demander un « bon de placement » qui lui permet d'utiliser les services d'une agence privée. Celle-ci reçoit 1 500 euros dès que la personne a été placée. Et 1 000 euros supplémentaires si le contrat de travail signé est supérieur à six mois. L'efficacité du système reste cependant à prouver. Plus de 1 million de bons ont déjà été délivrés. Mais seulement 70 000 ont été utilisés et les abus ne manquent pas.

Autre réforme aux résultats mitigés, la création de la Personal Service Agentur (PSA), en avril 2003. Une PSA est tout simplement une entreprise de travail temporaire sous contrôle public dont la gestion est déléguée à une société privée de placement et/ou de travail temporaire. Une PSA ne peut embaucher que des chômeurs inscrits à l'Agence pour l'emploi. À ce jour, il existe 958 PSA, soit pratiquement autant que d'agences locales pour l'emploi, offrant quelque 37 000 places, avec un taux d'occupation actuel de 75 %. Au cours du premier mois, le bureau privé qui gère la PSA reçoit une prime de 1 000 euros, abondée par des versements mensuels dégressifs. Le principe de base est que plus le placement intervient tard, moins la rémunération de la société de placement est élevée.

Vu la situation actuelle du marché de l'emploi, les PSA ont donc du mal à joindre les deux bouts, à l'instar de Maatwerk, le numéro un du secteur, qui s'est vu attribuer la gestion de 201 PSA pour un total de 9 500 chômeurs sous contrat en 2004. Pour emporter le marché, Maatwerk avait proposé des coûts de placement très serrés. En outre, il n'a pas pu réaliser ses placements rapidement, ce qui a diminué d'autant son chiffre d'affaires. Résultat, un an après le lancement des PSA, Maatwerk a dû fermer ses portes. Une bien mauvaise publicité pour le secteur.

Les opérateurs anglais ciblent les zones difficiles

Avant de rejoindre le groupe privé WorkDirections, Seth Opuni a travaillé dans un Jobcentre, une agence nationale de l'emploi : il est donc bien placé pour comparer les systèmes privé et public de recherche d'emploi qui, depuis 1999, coexistent et ont permis, selon le gouvernement britannique, de faire reculer le chômage. « Dans le privé, explique Seth Opuni, directeur des opérations de WorkDirections, filiale britannique du groupe australien Ingeus, la bureaucratie a été réduite au minimum : on ne s'occupe par exemple pas des dossiers d'indemnités de chômage.

La grande différence avec le service public, c'est que chaque demandeur d'emploi qui pousse la porte de nos agences est suivi par un seul conseiller qui connaît son dossier, ses besoins et ses envies. » Avec ses huits agences de l'emploi, ses 200 conseillers et 15 000 usagers, WorkDirections est l'un des principaux opérateurs privés qui ont signé avec le Département britannique de l'emploi et des retraites (DWP) une convention de partenariat privé-public. Une dizaine de sociétés privées, de taille nationale ou implantées localement, ont signé des contrats similaires. Ces opérateurs sont présents dans les zones les plus difficiles où le programme New Deal se révèle inefficace : « Ce sont des villes où le taux de chômage est très élevé, comme les anciennes cités industrielles, certains quartiers de Londres, où le tissu économique est nécrosé », résume Chris Hodges, directeur de Working Links, entreprise créée par la société d'intérim Manpower et le cabinet de consultants Capgemini.

Des contrats soumis à résultat

Working Links gère actuellement 50 contrats en Grande-Bretagne. La société, qui a réalisé un chiffre d'affaires de 60 millions de livres sterling (88 millions d'euros) en 2004, intervient dans les employement zones, les 13 zones prioritaires définies par le gouvernement, mais aussi dans le cadre du New Deal pour les handicapés et certaines populations ciblées, comme les mères célibataires.

« Lorsqu'un demandeur d'emploi nous est adressé par son agence de l'emploi, explique Chris Hodges, il rencontre un conseiller qui recense tout ce qui peut l'empêcher de retrouver un travail. On aborde tous les problèmes : santé, qualifications, transport, etc. » De la qualité du placement dépend la rétribution du placeur par le DWP : « Nous recevons 300 livres sterling (440 euros) par demandeur d'emploi enregistré, puis jusqu'à 2 000 livres (2 900 euros) lorsqu'il ou elle commence un travail », détaille Chris Hodges.

Les placeurs ont également des objectifs à atteindre :

« Par exemple, explique Seith Opuni, de WorkDirections, à Birmingham, où nous nous occupons du programme New Deal pour handicapés, notre objectif est que plus de 41 % des demandeurs d'emploi retrouvent un travail. Sinon, nous perdons le contrat. » L'intervention des opérateurs privés a instillé un nouvel état d'esprit dans le service public, assure le DWP. « C'est vrai, confirme Chris Hodges : les nouvelles agences de l'emploi s'inspirent de ce que nous faisons, mais le public a encore besoin du privé : nous sommes plus flexibles, plus innovants. » J.R.

Auteur

  • T.S.