La dernière Journée de la femme a donné l'occasion au chef de l'État de manifester, à nouveau, son vif intérêt pour la parité dans l'entreprise. Un projet de loi visant à l'égalité salariale entre les deux sexes a d'ailleurs été présenté dans la foulée. Mais, comme le regrette Margaret Maruani dans la présentation de cet ouvrage collectif, en matière de travaux sur la place des femmes dans notre société, « il n'existe pas, à la différence de la plupart des pays qui nous entourent, de domaine constitué : les gender studies ont, chez nous, une place institutionnelle très effacée, indigente même, au regard de la richesse des recherches ». C'est ce fossé que ce livre entend combler. Le fil d'Ariane de cet ouvrage tient en une question : comment expliquer, malgré les progrès réalisés dans les trente dernières années, la persistance des « résistances à l'égalité » entre les sexes dans tous les domaines : famille, travail, sexualité ?

« Quand, sur le marché du travail, tout semble en place pour que s'instaure l'égalité, comment comprendre l'interminable chapelet des inégalités en tous genres », se demande Margaret Maruani. L'historienne Michelle Perrot avance l'idée que les femmes ont pris la relève de la classe ouvrière, comme objet sociologique à deux faces : « symbole de l'oppression, clé de l'avenir ». Christian Baudelot et Roger Establet rappellent que les femmes assument plus de la moitié de la charge de travail de la collectivité mais que seulement un tiers de ces activités sont rémunérées. Jeanne Fagnani et Marie-Thérèse Letablier, passant au crible la politique familiale française, montrent que si l'effort de la nation en faveur de la petite enfance a engendré une hausse sensible des dépenses publiques, s'occuper des enfants reste une activité largement dévolue à la mère. Isabelle Puech souligne « le non-partage du travail domestique », à peine affecté par la réduction du temps de travail, tandis que Carole Bonnet fait un tableau saisissant des écarts entre les deux sexes en matière de retraite (44 %).

Avec Danièle Meulders, Margaret Maruani met en exergue d'autres tendances lourdes : le surchômage féminin, la segmentation persistante entre métiers féminins et masculins, les effets, largement spécifiques à la France, du travail à temps partiel, « qui éloigne partiellement les femmes de l'emploi ». D'autres aspects, comme le harcèlement sexuel, les pratiques culturelles, l'école ou les retombées de la mondialisation, sont abordés dans l'ouvrage. Cette juxtaposition de vignettes peut lasser à la longue, de même qu'on aurait aimé voir certains sujets abordés de façon moins militante. Mais il serait dommage de bouder ce questionnement choral sur les multiples implications sociales de la différence des sexes.