logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Dossier

Deux salariés sur trois ne sont pas partis en formation depuis trois ans

Dossier | publié le : 01.05.2005 | J.-P. C.

Image

Deux salariés sur trois ne sont pas partis en formation depuis trois ans

Crédit photo J.-P. C.

Si les rémunérations arrivent en tête des préoccupations des salariés du privé, le deuxième sondage « Liaisons sociales Magazine »-Anact fait apparaître de fortes attentes en termes de gestion des compétences.

La feuille de paie est bien au cœur des préoccupations des salariés. Le sondage réalisé, pour la deuxième année consécutive, par l'institut CSA pour Liaisons sociales Magazine, l'Anact et France Info confirme la montée en puissance de la question salariale en France. Près de six salariés du privé sur dix (59 %) considèrent désormais leur niveau de rémunération comme l'aspect le plus important de leur travail, contre cinq sur dix il y a un an (voir Liaisons sociales Magazine n° 52 de mai 2004, pages 26 à 29). Mais le tiercé de tête n'a pas changé par rapport à 2004 et, derrière le critère salarial, les conditions de travail (51 %, en baisse de 1 point) et l'intérêt du métier (stable à 40 %) priment sur le reste. Ce sont les ouvriers, pour deux tiers d'entre eux et trois quarts des non-qualifiés, qui manifestent la plus grande préoccupation concernant leur rémunération – et notamment dans les entreprises de 500 personnes et plus –, tandis que deux tiers des cadres citent d'abord l'intérêt du travail. Quant aux autres facteurs, comme le temps libre ou la possibilité de changer de métier ou d'entreprise (16 %), ils cèdent nettement du terrain. Même chez les femmes, la réduction du temps de travail ne fait plus recette.

Autre enseignement de ce sondage, les salariés sont globalement satisfaits de leur évolution professionnelle. Mais, parmi leurs motifs de satisfaction, la possibilité d'évolution de carrière arrive en queue de peloton, avec 54 % de satisfaits contre 44 % de mécontents, un dernier pourcentage en hausse de 5 points par rapport à l'an dernier. Et, quand on leur pose directement la question, la majorité des salariés (53 %) déclarent qu'ils ne peuvent pas progresser dans leur entreprise. Sans surprise, ce sont les ouvriers, les salariés les plus âgés, quinquas et plus, et les moins diplômés qui s'estiment bloqués dans leur carrière. Autre mauvais point à l'adresse des employeurs, près d'un tiers des salariés, ce qui est élevé, estiment que leur investissement dans le travail (36 %) et leurs efforts de formation (34 %) ne sont pas suffisamment reconnus. À l'heure où l'égalité professionnelle entre hommes et femmes est dans tous les discours, en politique comme dans les entreprises, on notera également que 40 % des salariées se plaignent de voir leurs efforts au travail sous-estimés. Au chapitre des motifs de satisfaction, plus des deux tiers des salariés du secteur privé estiment que leur expérience professionnelle est reconnue à sa juste valeur. Un sentiment plus fort dans les PME que dans les entreprises plus importantes, et chez les cadres. Comme en 2004, une très large majorité (84 %) des personnes interrogées sont satisfaites de l'autonomie et des responsabilités qui leur sont confiées. C'est un quasi-consensus parmi les cadres, mais un sentiment présent chez plus des deux tiers des ouvriers.

Pas si sédentaires que ça

Contrairement aux idées reçues, les salariés du privé ne sont pas sédentaires dans l'âme. D'abord, en cette période de chômage de masse, une majorité d'entre eux se déclarent disposés à changer de lieu de travail au sein même de leur entreprise. Encore que les femmes y soient plus réticentes que les hommes (10 points d'écart) et que les quadras et quinquas s'y montrent moins enclins que les jeunes. Mais la perspective d'une mobilité géographique est acceptée par presque autant d'ouvriers que de cadres, une catégorie plus sujette aux changements (respectivement 59 % et 56 %), autant dans l'industrie que dans les services, et, indifféremment, dans les grandes et les plus petites entreprises. Hormis le cas des moins de 50 personnes, qui n'ont souvent qu'un seul établissement. Les candidats à un changement d'entreprise sont encore plus nombreux (56 % des salariés du privé). Mais ce score élevé masque de profonds écarts – plus de 40 points – entre les moins de 25 ans (71 %) et les plus de 50 ans (29 %). Pour les quinquas, le risque n'en vaut pas la chandelle.

Même fossé entre les plus diplômés et les moins qualifiés : alors que deux tiers des titulaires d'un diplôme d'enseignement supérieur sont prêts à quitter leur entreprise, un tiers seulement (34 %) des non-diplômés l'envisagent. Paradoxalement, les plus casaniers sont les salariés des sociétés de plus de 500 personnes, des entreprises où il fait apparemment bon vivre. Ou, en tout cas, là où les salaires et avantages sociaux sont plus généreux que dans les PME.

Mais l'une des grosses surprises du sondage CSA est que près de six salariés sur dix sont disposés à changer de métier, au sein même de leur entreprise ou à l'extérieur. Un score qui passe à près de 70 % chez les 25-34 ans. Plus des deux tiers des salariés appartenant aux professions intermédiaires (67 %), une proportion équivalente à ceux qui travaillent dans une entreprise de plus de 200 personnes et pratiquement les deux tiers (64 %) des bacheliers et des bac + 2 affichent eux aussi cette volonté de changement. Seuls restent un peu à l'écart de cette vague montante les plus de 50 ans (avec 41 % de candidats tout de même) et les non-qualifiés (47 %). Il est possible que ce désir de mobilité soit, chez certains, une marque de lassitude ou une réaction de dépit. Parmi les personnes qui ont déclaré ne pas pouvoir évoluer dans leur entreprise, plus de six sur dix (62 %) ont envie de changer de métier, contre 55 % de celles qui peuvent progresser.

Globalement, les salariés sondés par le CSA manifestent leur foi dans leur entreprise. 55 % estiment en effet qu'elle anticipe les besoins d'évolution en matière d'emploi et de développement des compétences (contre 43 %), en clair qu'elle mène une politique de gestion de l'emploi et des compétences. Plutôt surprenant lorsque l'on apprend, par ailleurs, que les deux tiers des personnes interrogées n'ont pas bénéficié de formation au cours des trois années précédentes, et que une sur cinq seulement est partie en formation l'an passé. Les salariés privés de formation sont, comme d'habitude, les plus âgés, les salariés de PME et… les moins qualifiés : 70 % des plus de 50 ans, les trois quarts des ouvriers, 84 % des non-diplômés et trois quarts des salariés des entreprises de moins de 50 personnes n'ont pas été formés ni en 2004, ni en 2003, ni en 2002. En revanche, le profil de l'habitué des stages de formation est plutôt celui d'un bachelier ou diplômé de l'enseignement supérieur (respectivement 49 et 45 %) qui est âgé de moins de 24 ans (43 %) travaillant dans la région parisienne (42 %), dans une entreprise de 50 à 100 personnes (43 %) ou dans une de plus de 500.

Une assurance contre la perte d'emploi

À vrai dire, les salariés ne se bercent guère d'illusions. Pour eux, la formation et le développement des compétences sont, avant tout, un moyen pour leur entreprise d'accroître sa performance (44 %), de s'adapter à la nouvelle donne économique ou aux évolutions technologiques (36 %), tandis que moins de un sur six pense que ce genre de politique est destiné à attirer des candidats ou à retenir les gens en place. L'argument de la performance est davantage mis en avant par les ouvriers, les non-diplômés et les salariés de PME. Pour un quart des personnes interrogées, se former ou développer ses compétences, c'est d'abord le moyen de conserver son poste de travail dans son entreprise, davantage qu'une possibilité d'obtenir une augmentation (19 %), une promotion (17 %) ou d'évoluer en changeant de métier dans leur entreprise.

Cette vision défensive est le lot des « plus fragiles », les salariés les plus âgés (un tiers des plus de 50 ans), les non-diplômés (34 %), les ouvriers (32 % contre 18 % seulement des cadres), les salariés de l'agriculture (34 %) – et, dans une moindre mesure, ceux qui travaillent dans les entreprises de moins de 500 personnes –, qui considèrent la formation et le développement des compétences d'abord comme une assurance contre la perte d'emploi. Ceux qui en bénéficient rarement pensent qu'il s'agit d'un bon moyen de décrocher une augmentation (c'est l'opinion d'un quart des moins diplômés ou d'un cinquième des employés et des ouvriers). Ou de retrouver plus rapidement un emploi ailleurs. Mais les salariés qui sont les cœurs de cible des politiques de formation et de gestion des compétences, à l'instar des cadres et des diplômés de l'enseignement supérieur, y voient surtout une opportunité de promotion dans leur propre entreprise.

En matière de formation et de gestion des compétences, une lecture rapide du sondage donnerait à penser que les salariés ne sont pas des béotiens. La majorité d'entre eux connaissent les principaux outils existants, le bilan de compétences (63 %), le congé individuel de formation (59 %), le plan de formation de l'entreprise (52 %)… Et le DIF, droit individuel à la formation, créé par l'accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003 et validé par la loi du 4 mai 2004 sur la formation tout au long de la vie et le dialogue social, est déjà connu par plus de la moitié. Mais ce bon niveau de connaissance masque d'énormes disparités entre les familiers et les oubliés de la formation : à propos du bilan de compétences, il y a 50 points d'écart entre les non-diplômés et les bac + 3 et plus, plus de 30 points d'écart entre les ouvriers et les cadres, plus de 20 points entre les salariés des entreprises de moins de 50 personnes et ceux qui travaillent dans une société de plus de 500 salariés.

La formation, un luxe pour les moins diplômés

Même fossé pour le congé individuel de formation. Les dispositifs comme la validation des acquis de l'expérience (VAE) conçus pour les non-diplômés ne sont pas connus, ou pas assez, de leur population cible. Trois quarts des non-diplômés et deux tiers des ouvriers ne connaissent pas cet outil, qui est également ignoré par près de six salariés sur dix de PME de moins de 50 personnes. En revanche, deux tiers des bac + 3 et plus ont entendu parler du DIF, contre un gros tiers (38 %) des non-diplômés.

Et pourtant, les salariés manifestent leur intérêt envers la formation. Près de la moitié d'entre eux privilégieraient une formation qualifiante s'ils pouvaient en bénéficier, ne formation diplômante tandis qu'un cinquième donnerait la priorité au développement personnel. Paradoxalement, ce sont les cadres et les plus diplômés qui sont le plus demandeurs d'une formation qualifiante ou d'adaptation à leur poste de travail, tandis que les ouvriers et les non-diplômés ne manifestent pas d'appétence dans ce domaine. Cadres, professions intermédiaires et bac + 2 sont ceux qui lorgnent le plus les formations de développement personnel. La formation reste donc un luxe pour les moins diplômés. Et pourtant, l'envie de se former est bien réelle. Une large majorité de salariés sont prêts à se former hors temps de travail, avec une rémunération d'au moins 50 %. On y trouve davantage d'employés et de professions intermédiaires (60 % et 58 %) que de cadres (51 %) ou d'ouvriers (52 %) qui consentiraient à un gros sacrifice financier. Les salariés des entreprises de 500 personnes et plus y sont nettement moins disposés que ceux des PME. Et les moins ou non-diplômés y sont moins favorables que les plus titrés. La formation hors temps de travail est, pourtant, au cœur du nouveau DIF. Il reste aux branches professionnelles et aux entreprises à faire passer le message.

53 % des salariés ne pensent pas pouvoir évoluer dans leur entreprise

46 % des salariés pensent pouvoir le faire

55 % des salariés estiment que leur entreprise anticipe les besoins d'évolution en ce qui concerne l'emploi et les compétences

59 % des salariés seraient prêts à charger de métier

56 % des salariés seraient prêts à charger d'entreprise

53 % des salariés seraient prêts à charger de lieu de travail

67 % des salariés n'ont pas suivi de formation depuis au moins trois ans

56 % des salariés accepteraient de se former hors temps de travail

Auteur

  • J.-P. C.