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Le Bloc-notes

Tensions

Le Bloc-notes | publié le : 01.04.2005 | Raymond Soubie

Un rapport très ambitieux

La réforme du fonctionnement du marché du travail est un élément essentiel d'une politique active de l'emploi. Ainsi, le rapport Sabeg vient à point. Son objet est ambitieux. Il s'agirait de faciliter les licenciements économiques pour les entreprises en leur évitant toute obligation de reclassement, tout en combattant le sentiment d'insécurité sociale des salariés par la création d'un contrat intermédiaire avec un office de retour à l'emploi. M. Sabeg souhaite donner à la fois plus de flexibilité aux entreprises et plus de garanties aux salariés. Comment être contre ?

Principe parfait donc, mais que dire des modalités de la démarche ? Le diable est souvent dans les détails et, en matière sociale, tout est dans l'art d'exécution.

On peut d'abord estimer que décharger les entreprises de toute obligation de reclassement constitue un danger réel. Au moment où chacun insiste sur la responsabilité sociale de l'entreprise, on en limiterait la portée en transférant au service public de l'emploi le soin de mettre en œuvre les mesures de reclassement, en supprimant un sujet majeur de négociation dans l'entreprise et surtout en privant de sens l'incitation à mettre en œuvre une gestion anticipée de l'emploi et des compétences souhaitée tout récemment par la loi de cohésion sociale. Le rapport Sabeg prévoit, certes, le maintien de l'obligation de reclassement pour les entreprises de plus de 1 000 salariés, mais ce seuil est trop élevé et devrait être réduit, par exemple à 300, comme le suggèrent certaines organisations syndicales.

Le second point sur lequel il faut s'interroger concerne le coût du contrat intermédiaire qui maintient, pendant une période de huit à douze mois, 90 % du salaire antérieur. Qui paiera, en l'état actuel des finances publiques et de celles de l'Unedic, le surcoût par rapport à l'existant ? Et surtout, que se passerait-il si, face à un afflux de centaines de milliers de demandeurs d'emploi, le service public se trouvait dans l'impossibilité d'en reclasser le plus grand nombre : bombe sociale et politique, pressions pour prolonger le contrat intermédiaire, peut-être une nouvelle affaire des intermittents à une échelle beaucoup plus grande. L'ANPE et l'Unedic ont obtenu des résultats réels ces dernières années. Il ne faudrait pas qu'un engorgement de leurs services mettent ceux-ci en péril.

En vérité, les réflexions du rapport Sabeg sont intéressantes et offrent des voies qu'il convient d'explorer. Et, comme le prévoit le rapport lui-même, il faut sans doute les expérimenter et les évaluer avant toute généralisation.

L'éternel retour

Traditionnellement, dans la vie sociale, tout ou presque revient à des problèmes de salaire. Voilà un sujet concret fédérateur et quantifiable qui parle aux salariés et plaît aux organisations syndicales. Une fois encore, il resurgit avec force.

Ce n'est pas très étonnant. Après des années de modération salariale, conséquence notamment des 35 heures, avec l'affichage de profits élevés par quelques grands groupes, on s'attendait à la réapparition de cette revendication. Certes, les statistiques de l'Insee montrent pour 2004 une croissance faible mais réelle du pouvoir d'achat, mais il y a un écart entre ce que disent les chiffres et ce que pensent les salariés. Nous savons bien que c'est ce dernier point qui importe le plus dans la vie sociale.

Face à cette situation, le gouvernement et les entreprises ont peu de réponses à leur disposition. Le Premier ministre a lancé un chantier sur la participation et l'intéressement, a incité les branches à négocier sur les minima des conventions collectives, de manière qu'ils ne soient pas au-dessous du smic, et a ouvert des négociations salariales nouvelles dans la fonction publique.

Cette initiative n'est pas mal vue par les syndicats, qui y retrouvent des thèmes et des procédures traditionnels. Mais qu'en penseront les salariés ?

Adresse aux politiques

Le climat d'aujourd'hui est surtout à la morosité, comme le montrent toutes les enquêtes. Mais la raison n'en est pas d'abord sociale, à base de revendications précises et bien identifiées. Elle tient, pour l'essentiel, à l'absence de perspectives d'avenir pour les salariés, sur leur pays et sur eux-mêmes. Le climat est fait de défiance à l'égard des élites, plus encore politiques, de désir d'exemplarité, de nouveaux repères.

À cette situation, ni des mesures ponctuelles ni les discours politiques traditionnels ne sont en mesure de répondre. Seule l'élaboration d'un projet politique qui rendrait des perspectives à la nation France, fixerait des objectifs sur la croissance, l'enrichissement de celle-ci en emplois et la répartition des fruits de l'expansion pourrait y parvenir.

Auteur

  • Raymond Soubie