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La garantie dépendance à pas lents

Dossier | publié le : 01.04.2005 | V. L.

Pas plus que pour les salariés le risque dépendance n'est une priorité des entreprises, qui doivent d'abord digérer les réformes des retraites et de l'assurance maladie. Mais la démographie devrait les inciter à proposer une couverture à leurs salariés.

Le chantier est à peine défriché. Aujourd'hui, très rares sont les entreprises qui proposent des garanties dépendance à leurs salariés. Usinor a commencé le premier, dès 1997, avec le groupe Malakoff, qui qualifiait à l'époque l'accord de « premier contrat collectif dépendance médicale à adhésion obligatoire ». Quelques autres lui ont emboîté le pas, comme Schneider Electric en 2000, la Générale des eaux en 2001, ou l'ordre des avocats, plus récemment. Certaines sociétés y réfléchissent, à l'instar de Carrefour, qui, en marge de la signature, l'an dernier, d'un accord créant un plan d'épargne pour la retraite collective (Perco), s'est donné la possibilité d'y associer une assurance dépendance.

Reste que la démographie est imparable. Et il n'est pas sûr que le gros des entreprises, qui ignore pour l'instant ce risque, puisse longtemps faire l'impasse. Les personnes âgées de plus de 65 ans seront 10,4 millions en 2010 – 1 million de plus qu'en 2000 – et près de 19 millions en 2050. De plus, le nombre de personnes dépendantes pourrait, selon l'Insee, augmenter de 53 % dans la période 2000-2040. Alors que, dans le même temps, le nombre de ce que les experts appellent les « aidants informels » (famille, amis…) n'augmenterait que de 10 %.

L'allocation personnalisée d'autonomie (APA), créée en 2002 par le gouvernement Jospin, et qui profite à ce jour à 837 000 personnes, apporte, il est vrai, une première réponse. Mais l'APA n'épuisera pas tous les besoins. À côté des pouvoirs publics, les assureurs, mutuelles et autres institutions de prévoyance ont donc une carte à jouer. Selon la Fédération française des sociétés d'assurances, la garantie individuelle dépendance représentait, en 2003, 1,4 million de personnes couvertes, pour 240 millions d'euros de cotisations. Dans le cadre des contrats collectifs, 700 000 salariés bénéficiaient en 2003 d'une telle couverture par le biais de leur entreprise, pour un montant total de 20 millions d'euros de cotisations. Des garanties inscrites dans les contrats de prévoyance sous forme de rente viagère ou de capital débloqué dès l'apparition d'une perte d'autonomie, totale ou partielle. « Il s'agit, à 95 %, d'options facultatives », précise Marc Thoumieu, directeur des marchés clientèles et innovation à CNP Assurances.

En théorie, le contrat collectif pourrait permettre de palier l'un des gros obstacles actuels au développement de l'assurance dépendance : son coût élevé. Non seulement « le risque dépendance partielle est difficile à tarifer, car nous avons aujourd'hui peu de recul », résume Marc Thoumieu. Mais, en plus, les tarifs de ces garanties sont fondés sur l'âge de l'assuré au moment de la souscription : plus l'assuré souscrit tard, plus la cotisation est élevée. « En individuel, l'âge moyen de souscription se situe autour de 65 ans », précise Patrick Vucekovic, directeur commercial d'AG2R. Le contrat collectif pourrait ainsi faire baisser le coût de la garantie pour l'assuré, en agissant sur deux leviers : la mutualisation du risque et l'abaissement de l'âge de souscription, puisque, par définition, les actifs sont plus jeunes que les retraités. Sur le papier, donc, l'assurance dépendance semble promise à un bel avenir en collectif. Cependant, les entreprises ont d'autres priorités. Entre la réforme des retraites, à peine digérée, et celle de l'assurance maladie, en cours, la majorité des DRH n'ont guère le temps de s'intéresser à de nouvelles garanties. De plus, l'envolée des cotisations dans le cadre des couvertures santé n'incite pas à alourdir davantage la facture. Et, de toute façon, « les salariés ne sont pas vraiment demandeurs, estime Patrick Vucekovic, d'AG2R. Nous proposons une option facultative dépendance dans le cadre des plans de retraite “article 83”, ajoute le directeur commercial du groupe de prévoyance. Les salariés peuvent minorer leur rente retraite en optant pour une rente dépendance. Mais, à l'usage, nous nous rendons compte que cette option est assez peu choisie ».

Les assureurs pour un coup de pouce législatif

De façon générale, les Français ne se précipitent pas pour se couvrir contre le risque dépendance. Selon un récent sondage TNS-Sofres réalisé pour le compte de la Fédération hospitalière de France, l'Express et le Mensuel des maisons de retraite un tiers des personnes interrogées redoutent la dépendance, mais seules 7 % ont exprimé des volontés à leur entourage en cas de perte d'autonomie, et à peine 5 % déclarent avoir pris des dispositions concrètes. Comme l'heure est aux économies dans les entreprises, « l'assurance dépendance se développe forcément au détriment des autres prestations », relève Jean-Pierre Ogus, consultant chez Eurogroup Consulting. Et tant qu'il n'y a pas de pression de la demande, il y a peu d'offres.

Mais la donne pourrait changer, notamment au vu des pyramides des âges des entreprises. « La demande peut venir des comités d'entreprise, voire de certains DRH particulièrement sensibilisés », pronostique Magaly Siméon, directrice de clientèle chez le courtier Gras Savoye. Pour développer l'offre collective en matière de couverture dépendance, il manque aussi un coup de pouce législatif. C'est en tout cas la position des assureurs, qui œuvrent dans l'ombre pour que soient instituées des incitations financières. En janvier 2004, le sénateur UMP de l'Oise, Alain Vasselle, avait déposé une proposition de loi pour la création d'une assurance dépendance. Lors du débat parlementaire sur la loi créant la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, en mai dernier, le Sénat avait poussé pour y intégrer certains articles, notamment l'instauration d'une déductibilité de l'assiette des cotisations sociales pour les contributions patronales destinées au financement de ce type de prestations dans les contrats collectifs. Peine perdue, le gouvernement avait alors demandé aux sénateurs de retirer leurs amendements, en promettant de s'atteler au chantier.

Certains parlementaires n'ont néanmoins pas abandonné le dossier dépendance. « Il convient d'instaurer un système facultatif et incitatif, avec des cotisations déductibles du revenu imposable », martèle Michel Hunault, député UDF de Loire-Atlantique, fondateur du Groupe de l'assurance et des risques à l'Assemblée nationale et lui aussi auteur d'une proposition de loi. Et Catherine Vautrin, secrétaire d'État aux personnes âgées, compte relancer un groupe de travail sur le sujet.

L'aiguillon du plan Borloo

En attendant, les garanties dépendance pourraient profiter indirectement du plan de développement des services à la personne, lancé fin février par le ministre de la Cohésion sociale, Jean-Louis Borloo. Car, de nombreux opérateurs en sont persuadés, l'avenir est aux prestations en nature. C'est, en tout cas, la conviction de Gras Savoye, qui a mis en place, en décembre 2003, un produit original mixant rente, services (aide à domicile, portage de repas…) et prévention, puisqu'une assistante sociale téléphone tous les ans à l'assuré pour faire un bilan de sa situation.

Ce produit n'existe pas encore dans le cadre de contrats collectifs, mais des entreprises, notamment des PME de l'est de la France, souscrivent déjà, pour leurs salariés, à l'offre Assistance vie quotidienne, qui propose toute une palette de services. « La demande porte sur la mise à disposition de services dans le cadre d'un contrat et non sur l'organisation des services eux-mêmes par les comités d'entreprise ou les directions », précise Magaly Siméon. « Le marché teste actuellement ce type de produits, même s'ils n'ont pas, pour l'instant, atteint leur potentiel de croissance », relève de son côté Marc Thoumieu, de CNP Assurances, qui s'est engagé avec enthousiasme dans le plan Borloo.

Quand les salariés se prennent en main

En l'absence de garantie dépendance offerte par leur employeur, sept cadres de la Sécurité sociale ont décidé de s'assurer eux-mêmes contre la perte d'autonomie.

Pour échapper au coût élevé des produits proposés dans le cadre individuel, ils se sont réunis en association, baptisée Comité pour la promotion de la protection dépendance des personnels des organismes sociaux. L'association a ainsi négocié avec l'Ocirp, le groupe Mornay et Dexia un produit sur mesure. C'est une rente mensuelle accessible dès la dépendance partielle, pour des cotisations allant de 15 à 150 euros par mois. La garantie est exprimée en points « pour que, si l'employeur décide d'inscrire la dépendance dans son contrat de prévoyance, nos droits soient conservés », précise Alain Poulet, cofondateur de l'association.

V. L.

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