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Vie des entreprises

La chambre sociale met un peu d'ordre dans les priorités

Vie des entreprises | ACTUALITÉ JURISPRUDENTIELLE | publié le : 01.11.1999 | Jean-Emmanuel Ray

Licencié pour motif économique, le salarié bénéficie d'une priorité de réembauchage pendant un an, à condition d'en demander le bénéfice dans les quatre mois suivant la rupture. Dans nombre d'arrêts récemment rendus, la Cour de cassation s'efforce d'en garantir l'effectivité.

Afin d'éviter les licenciements de permutation, la priorité de réembauchage créée par l'accord national interprofessionnel de 1969 figure dans le Code du travail depuis la loi du 2 août 1989. Mais son effectivité restait à démontrer, tant ce remariage optionnel après divorce semblait improbable d'un côté comme de l'autre.

À qui la proposer ?

Malgré la lettre du texte légal, à tous les salariés dont le contrat a été rompu pour motif économique. Ainsi, en cas de départ volontaire, alors que dans cette hypothèse le salarié peut avoir créé sa propre entreprise et n'est donc pas lui-même disponible (Cass. soc., 10 mai 1999). Encore faut-il que le salarié ait compris qu'il devait en demander expressément le bénéfice dans le délai légal de quatre mois suivant la rupture (Cass. soc., 30 mars 1999), même si la priorité elle-même dure un an. Si des conventions de branche ou des plans sociaux négociés peuvent être plus favorables (ex. : deux ans de priorité pour les coopératives de consommation), en application de l'ordre public social, un délai conventionnel inférieur ne peut logiquement être opposé au salarié (Cass. soc., 23 juin 1999).

Au chapitre des pourvois téméraires, on citera l'arrêt du 13 avril 1999 où l'entreprise, ayant été condamnée pour défaut de motif économique, se prétendait du coup dispensée de la priorité de réembauchage, limitée aux licenciements de cette nature. La Cour de cassation lui rappelle indirectement le bon vieil adage selon lequel « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ».

Pour quels emplois ?

« Pour tout emploi disponible, compatible avec sa qualification », et il appartient au juge saisi de le vérifier (Cass. soc., 7 juillet 1999). L'arrêt La Française des jeux du 6 juillet 1999 apporte une précision à la fois importante et opportune : la priorité de réembauchage ne trouve application que « lorsque l'employeur procède à des embauches ». Solution moins béotienne qu'il n'y paraît puisque, ici, le poste disponible avait été proposé en priorité en interne. En cas de succession de plans sociaux, obligation de reclassement interne et priorité de réembauchage externe peuvent être en concurrence. Mieux vaut prévenir que guérir : confirmant un arrêt du 31 mars 1999, celui du 6 juillet donne clairement la priorité au reclassement interne.

Et si le poste disponible n'a finalement pas été pourvu ? Quel est alors le préjudice pour le salarié demandeur ? La Cour de cassation rappelait le 11 mai 1999 que le résultat final importait peu : l'employeur devait proposer le poste à tous les salariés dont la qualification était compatible.

Quelle priorité en matière de priorité de réembauchage ?

Dans l'année qui suit un plan social, le nombre de postes vacants est souvent largement inférieur à celui des ex-salariés ayant demandé le bénéfice de la priorité : que faire ? Certains avaient proposé de réappliquer l'ordre des licenciements : s'il est socialement souhaitable de mieux protéger les personnes fragiles ou les chargés de famille nombreuse dont la mobilité professionnelle n'est pas celle du Casanova du marketing, n'est-il pas logique de leur donner également priorité de retour en cas de multiples candidatures ? Sensible au sens des termes, la Cour de cassation n'a jamais voulu sortir l'ordre des licenciements de son domaine naturel : les licenciements (ou assimilés : conventions de conversion). Elle avait ainsi indiqué en 1998 que cet ordre n'était pas applicable en matière de reclassement interne, et il en va de même pour le réembauchage. Respectueuse de la jurisprudence constitutionnelle (cf. pour un passage d'un temps partiel à un temps plein : Cass. soc., 7 juillet 1998), elle a indiqué le 2 décembre 1998 qu'en matière de priorité de réembauchage « l'employeur n'a pas à suivre un ordre déterminé : il est libre de choisir ses collaborateurs en fonction de l'intérêt de l'entreprise, sauf à communiquer au juge, en cas de contestation du salarié, les éléments objectifs sur lesquels il s'est appuyé pour arrêter son choix ».

Sanction de la violation

L'indemnité du dernier alinéa de l'article L. 122-14-4, « qui ne peut être inférieure à deux mois de salaire », est cumulable avec les six mois minimum du premier alinéa, dès lors que le salarié a plus de deux ans d'ancienneté, puisqu'il s'agit « de deux préjudices distincts » (Cass. soc., 11 mai 1999). Risque de se poser demain le cas d'un salarié licencié pour avoir refusé le passage aux 35 heures : si le législateur le qualifie d'économique, ce « refuznik » sorti par la porte (parfois largement indemnisé) pourrait quelques jours plus tard prétendre rentrer par la fenêtre.

Flash

Les aventures de l'article L. 321-1-2 (suite)

Après avoir décidé que la proposition écrite de modification pour motif économique n'était pas applicable lorsqu'il s'agissait de l'obligation de reclassement (Cass. soc., 13 avril 1999), la Cour a rappelé le 12 juillet 1999 que l'aveu restait la reine des preuves. À un employeur ayant cru bien faire en retenant cette procédure pour informer des salariés d'un improbable changement de leurs conditions de travail, elle a indiqué qu'il était lié par ce choix : il s'agissait donc d'une proposition de modification des contrats.

Les aventures du forfait avec référence horaire (suite et pas fin)

« La convention de forfait d'heures supplémentaires présente un caractère contractuel : sa modification ne peut résulter que de l'accord des deux parties. » L'arrêt du 6 juillet 1999 rappelle que le propre du forfait est de tout contractualiser : durée du travail et rémunération correspondante. Si l'article 15 de la loi Aubry II indique que « la seule diminution du nombre d'heures prévu au contrat », consécutive à une réduction collectivement négociée de la durée du travail, « ne constitue pas une modification du contrat », il ne dit (délibérément) rien des dommages collatéraux, en matière de rémunération par exemple.

Auteur

  • Jean-Emmanuel Ray