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Le bloc-notes

35 heures : la messe est dite, mais que vont faire les fidèles ?

Le bloc-notes | publié le : 01.11.1999 | Raymond Soubie

35 heures : et après ? Après l'adoption en première lecture par l'Assemblée du projet de seconde loi Aubry, la messe est dite, ou presque. On sait désormais ce que sera le texte final. On peut déjà tirer quelques leçons de toute cette affaire. D'abord, le texte est très complexe. Bien des interrogations vont apparaître au cours des prochains mois au sujet des interprétations à donner à telle ou telle disposition. Des décrets d'application vont venir, pour partie apporter des éclaircissements, pour partie ajouter à la complexité. Cet ensemble, la jurisprudence ne va pas le simplifier. Comment vont réagir l'économie, les entreprises et les relations sociales face à ce monument juridique et à ses excroissances ? Qui sera bénéficiaire du processus engagé ? Le temps libre, sûrement, et c'est un bien. L'emploi ? Nous savons aujourd'hui que, avant même les 35 heures, la croissance retrouvée, plus riche en emplois que naguère, a commencé à réduire le chômage. Il n'est pas sûr que la loi nouvelle accélère nettement la tendance. Les salariés ? Dans les enquêtes d'opinion, on perçoit leur trouble : ils savent que leurs entreprises ne peuvent mettre en place les 35 heures sans contrepartie. Les entreprises elles-mêmes ? Le paradoxe est qu'il semble à beaucoup que le nouveau dispositif est plus favorable aux entreprises qu'aux salariés, alors qu'il n'en est rien. Les flexibilités nouvelles autorisées seront plus réduites qu'on ne le pense : le surcoût de l'opération, pour les entreprises, sera toujours réel et non négligeable. Beaucoup de chefs d'entreprise, de PME grosses ou petites, aujourd'hui ne s'en rendent pas compte. Ils ignorent, et veulent ignorer, le contenu du texte. Ils font confiance au sens social démocrate du gouvernement, qu'ils imaginent bonhomme sur ce sujet comme sur beaucoup d'autres. Leur réveil risque d'être excessif comme l'est leur tranquillité actuelle.

L'actionnariat des salariés, levier du changement. L'actionnariat des salariés non seulement se développe, comme l'a montré l'enquête Altedia/COB de juin dernier, mais tend à devenir un sujet à la mode. Au point que les politiques de tout bord s'en mêlent et veulent légiférer. Or la mise en place d'un actionnariat des salariés développé dans notre économie est un enjeu suffisamment important pour que chacun le traite sérieusement. D'abord, les entreprises. Certes il existe des raisons à leur engagement que toutes partagent : renforcer l'adhésion à l'entreprise, dans une période troublée de restructurations, fusions et acquisitions ; combler l'écart grandissant entre l'évolution des rémunérations et celle, plus rapide, des cours de Bourse ; encourager chez les salariés actionnaires un autre regard sur l'entreprise. Mais, pour réussir, elles doivent définir clairement les autres buts qu'elles poursuivent. Veulent-elles profiter de la niche fiscale du plan d'épargne d'entreprise et y loger un produit sans risque ? Il convient alors d'encourager l'effet de levier et de faire couvrir tout ou partie du risque couru par une banque qui se rémunère par une quote-part des plus-values ou de l'abondement versé. Faut-il au contraire qu'elles initient leurs salariés au jeu plus aventureux des marchés ? S'agit-il de faire un coup ou de mettre en place une politique pérenne ? Toutes ces questions, il convient de les aborder et d'y répondre en amont. Autre point à ne pas négliger : la mise en place de l'actionnariat des salariés doit être l'occasion de développer, par des relais dans l'entreprise, une communication complète et transparente sur les enjeux et les perspectives.

Ensuite, le gouvernement. Il ne faudrait pas confondre actionnariat des salariés et amorce d'une cogestion à l'allemande, même si l'intention est bonne. Inciter est bien ; contraindre en organisant l'actionnariat salarié comme un contre-pouvoir dans l'entreprise serait compromettre un mouvement positif qui se développe spontanément, avec l'accord des employeurs et des salariés.

Le syndrome Michelin. L'affaire Michelin est typique de la France. Sur le fond, de quoi s'agit-il ? D'une décision de suppression d'emplois pour raison de compétitivité comme en ont tant fait et continuent à en faire la plupart des autres groupes en France. La confusion, volontairement entretenue dans le débat public, entre suppressions d'emplois et licenciements ne contribue d'ailleurs pas à la transparence. La forme de l'annonce a été, en revanche, choquante. Elle a été faite à des analystes financiers, préalablement à toute autre information, et pour plaire aux marchés. L'émotion était donc inévitable. Dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, il y a le faire, la manière de faire et le dire.

Auteur

  • Raymond Soubie