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De timides associations avec les ONG

Dossier | publié le : 01.02.2005 | A.-C. G.

Les entreprises commencent à solliciter les ONG pour se faire accompagner dans la définition de leur politique de responsabilité sociale. Mais les partenariats sont souvent longs à mettre en place. Si les entreprises se savent observées et hésitent à se dévoiler, les associations craignent, pour leur part, de se faire manipuler.

C'est un peu le mariage de la carpe et du lapin ! Entre le monde de l'entreprise et celui des organisations non gouvernementales, les relations de confiance ne vont pas encore de soi. Leurs cultures différentes, les méthodes de dénonciation et les pressions exercées par les ONG les plus virulentes, comme Greenpeace, font craindre aux unes comme aux autres des rapprochements à hauts risques. Associations et entreprises ont surtout commencé à travailler ensemble sur le thème de la protection de la nature. Notamment parce que les entreprises estimaient jusqu'à il y a peu que le développement durable se bornait à des préoccupations environnementales.

Sur le terrain des droits de l'homme, du travail forcé, ou encore du travail des enfants, les partenariats se font plus rares car ils sont plus délicats à mettre en place. En France, Care est l'une des ONG les plus en avance dans ce domaine. « Les entreprises commencent à nous solliciter depuis quatre ans dans le cadre de leur programme de responsabilité sociale, explique François Jung, responsable du développement chez Care France. Nous intervenons principalement auprès de trois secteurs, les industries extractives, le tourisme et l'accès aux services vitaux comme l'eau, l'électricité et les médicaments. Nous les aidons à formaliser leur politique, à mettre en place des outils de management et à faciliter les partenariats locaux entre nos bureaux et leurs filiales installées à l'étranger. »

L'association affiche déjà à son palmarès des entreprises comme Lafarge, Areva, EDF, Sanofi-Aventis ou encore Thomas Cook. Le voyagiste travaille depuis deux ans avec Care. « Mettre en place un partenariat avec une ONG est très long car, avant de commencer à travailler, les deux parties s'observent et cherchent à se connaître. Des deux côtés on a besoin de décoder les discours pour partir sur de bonnes bases », analyse Karen Bossard, responsable du développement chez Thomas Cook en France.

Définir une politique de tourisme durable

C'est la signature d'une charte éthique en septembre 2000 avec le ministère du Tourisme et d'autres acteurs du secteur qui a poussé le tour-opérateur à concrétiser cet engagement moral. « L'objectif est simple et à la fois très complexe : définir une politique de tourisme durable », explique Karen Bossard. Formation des collaborateurs et des nouvelles recrues, information des clients, mécénat sur des opérations ciblées au Brésil et à Cuba, le voyagiste multiplie les approches. En janvier, il est allé auditer l'un de ses hôtels à Dakar pour savoir si la présence de Thomas Cook profite ou non à la population locale. « C'est une démarche courageuse, souligne François Jung. Peu d'entreprises de ce secteur sont prêtes à s'interroger sur leurs pratiques. La tendance est plutôt d'afficher à son catalogue des produits dits d'“écotourisme” et de voir si les clients accrochent ou non. »

Sur le terrain des droits de l'homme, Amnesty International commence tout juste à envisager des relations avec le monde des entreprises et devrait annoncer très prochainement des protocoles de partenariat avec la CFDT et la CFE-CGC. L'ONG a également mis sur pied un club affaires pour sensibiliser les entreprises volontaires aux problèmes des droits de l'homme. En octobre 2003, elle a officialisé un accord avec EMC Distribution, la centrale d'achats du groupe Casino. « Il ne s'agit en aucun cas d'un partenariat mercantile, précise d'entrée Jacques-Noël Leclercq, le responsable de la commission entreprise de l'ONG en France. C'est Casino qui est venu nous voir. Dans un premier temps, j'étais assez réservé sur le fait de formaliser un accord. » Leur association poursuit trois objectifs : faire progresser la connaissance des droits de l'homme au sein de l'entreprise, faire évoluer le contenu de la charte éthique concoctée par EMC Distribution et améliorer les audits sociaux réalisés chez les fournisseurs étrangers en mettant en place des indicateurs plus fins.

Audit social chez un fournisseur marocain

Depuis un an, les partenaires s'appliquent à mettre un peu de chair dans cet accord. La centrale d'achats du groupe Casino a invité Amnesty International à participer à l'audit social d'un de ses fournisseurs au Maroc en tant qu'observateur extérieur. « Nous avons besoin de nous appuyer sur l'expertise d'une organisation non gouvernementale reconnue pour apprendre à aborder des thèmes comme le travail des enfants, la liberté d'association dans nos relations avec nos fournisseurs à l'étranger. J'attends d'Amnesty International qu'elle nous aide à améliorer la qualité de nos audits qui sont loin d'être satisfaisants », précise Bernard Colombani, responsable de l'éthique sociale chez EMC Distribution. L'ONG est intervenue devant une centaine d'acheteurs pour leur faire comprendre comment et pourquoi la culture du moins-disant financier très présente dans leur métier se répercute nécessairement sur les droits de l'homme.

Enfin, la charte éthique de l'entreprise a également été retravaillée et reconnaît désormais dans son préambule les principes de la Déclaration des droits de l'homme, ceux de la déclaration de l'Organisation internationale du travail sur les droits fondamentaux au travail et ceux de l'Organisation des Nations unies sur les droits de l'enfant. « En France, deux autres entreprises, Axa et Total, ont couché noir sur blanc ces principes dans leur code moral. C'est dire le chemin qu'il reste à parcourir », pointe Jacques-Noël Leclercq.

À l'avenir, les entreprises vont sans doute devoir s'appuyer encore un peu plus sur l'expertise des ONG pour construire leur politique de responsabilité sociale. Notamment parce que les Nations unies préparent une série de normes en matière de droits de l'homme qui leur seront destinées. Objectif : que les entreprises s'engagent, dans la limite de leur sphère d'influence, à soutenir et à mettre en œuvre ces normes dans leurs procédures et leur mode de management. Pour le moment, en France, seul STMicroelectronics s'est engagé à respecter ces normes. À suivre…

Auteur

  • A.-C. G.