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Des services à multiples compétences

Dossier | publié le : 01.01.2005 | S. D.

→ Les médecins du travail commencent à se familiariser avec les intervenants en prévention des risques professionnels : les IPRP. Un symbole fort de la réforme. En association ou en GIE, des services de santé joignent leurs forces pour organiser une pluridisciplinarité à coût constant.

« Devant la complexité croissante des organisations du travail, les médecins ont besoin de collaborer avec des ergonomes, des hygiénistes, des psychologues, des toxicologues, etc., rappelait William Dab, directeur général de la santé, lors du Forum international travail santé (Fits) organisé fin novembre. Ils ne peuvent plus seuls surveiller la santé des salariés. Nous ferions fausse route si nous nous dirigions vers une autre voie que celle de la pluridisciplinarité. » Rendue obligatoire par la loi de modernisation sociale de janvier 2002, cette nécessité devient progressivement réalité dans les services de santé au travail, surtout depuis la parution du décret de juin 2003 qui marque la naissance des intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP). Libre ensuite aux services de santé de faire appel à des compétences externes ou internes pour donner corps à ce principe.

Certains ont ainsi choisi de renforcer les partenariats existants avec des organismes comme les caisses régionales d'assurance maladie, les agences régionales pour l'amélioration des conditions de travail du réseau Anact ou avec l'OPPBTP, l'organisme-conseil de la branche du BTP en matière de prévention. C'est le cas de la Fédération régionale des services de santé au travail des Pays de la Loire qui a signé une convention avec la Cram de cette même région. « Nous envisageons par ailleurs la création d'une plate-forme associative qui emploierait des compétences pluridisciplinaires communes à nos 12 services », ajoute Alain de la Bretesche, président de la fédération.

Une analyse plus juste des risques

Sur l'ensemble du territoire, plusieurs services se sont déjà réunis pour mutualiser leurs moyens et mettre en œuvre une pluridisciplinarité à coût constant. En Midi-Pyrénées, l'Association santé au travail interservices (Asti) regroupe aujourd'hui 15 adhérents et emploie 6 IPRP : un ergonome, un psychologue du travail, un toxicologue industriel, un épidémiologiste, deux ingénieurs (acoustique et prévention). « En plus de la surveillance médicale qui reste l'apanage des praticiens, l'implication de nouvelles compétences permet d'avoir une analyse plus juste des risques auxquels sont exposés les salariés et d'élargir le champ des solutions, explique le docteur Brahim Mohammed-Brahim, directeur de l'association. Mais un service isolé ne peut pas embaucher autant d'intervenants. Le regroupement permet d'obtenir une pluridisciplinarité de qualité, à budget constant. Les cotisations versées par nos adhérents, les missions de consulting et de formation facturées en sus aux entreprises constituent l'essentiel de notre budget. Dans les services membres, chaque médecin du travail peut disposer d'un intervenant en prévention des risques professionnels à raison de trois à cinq jours par an. »

À l'autre bout de la France, dans les régions Nord-Pas-de-Calais et Picardie, le Groupement interservices de santé et travail (Gisset) fédère 17 services et met en commun des moyens techniques et humains. « Le regroupement nous a permis d'investir dans un car radio numérisé et d'embaucher un ergonome, une psychothérapeute, des formateurs en hygiène et sécurité, lesquels interviennent seulement à la demande des médecins du travail, énumère Alain Cuisse, le directeur de ce groupement. Chaque service adhérent paie en fonction de l'utilisation qu'il fait du groupement. Attention, son rôle n'est pas de se substituer aux services de santé, mais de venir en appui. »

L'indépendance des IPRP en question

Le Centre interservices de santé et de médecine du travail en entreprise (Cisme) recense actuellement une douzaine d'associations ou de groupements d'intérêt économique. Des superstructures régionales qui déplaisent à certains médecins. « Les GIE introduisent une logique commerciale dans la médecine du travail et échappent à tout contrôle social », dénonce ainsi Lionel Doré, secrétaire du Syndicat national professionnel des médecins du travail (SNPMT), opposé à la réforme. Si le décret du 28 juillet dernier renforce, en effet, le contrôle des services interentreprises à travers la participation de salariés à leur conseil d'administration et l'indépendance du médecin du travail, il oublie d'évoquer ces groupements volontaires. Une prochaine circulaire devrait pallier ce vide juridique.

Plus généralement, Lionel Doré s'inquiète du manque d'indépendance des IPRP. « L'indépendance du médecin du travail est déjà difficile à faire vivre alors qu'il est protégé par son statut. Or la loi n'impose rien de tel pour les IPRP. À terme, nous risquons de les voir se substituer aux médecins du travail, qui sont plus libres et dont les prestations sont plus onéreuses. » « L'indépendance des IPRP est insuffisamment garantie par le législateur, reconnaît le docteur Brahim Mohammed-Brahim, de l'Asti. Le risque existe de voir des employeurs les privilégier au détriment des médecins du travail. » Pour contrer d'éventuels dérapages en Midi-Pyrénées, l'Asti s'est dotée d'un conseil d'orientation composé à parts égales de représentants d'entreprises, de salariés, de médecins du travail, d'IPRP et d'institutions. « Le médecin reste le maître d'ouvrage du système de prévention, ajoute Brahim Mohammed-Brahim. Pour garantir leur indépendance vis-à-vis de l'employeur, les IPRP interviennent dans les entreprises à la demande des médecins du travail. »

Dans le Nord, au Gisset, Alain Cuisse souligne que « des représentants de salariés siégeront, demain, au conseil d'administration du groupement ». Mais, pour l'heure, Gabriel Paillereau, délégué général du Cisme, balaie d'un revers de main ces inquiétudes. « Il faut laisser au système pluridisciplinaire le temps de se roder. Au regard des sanctions pénales que l'employeur encourt aujourd'hui en matière de risques professionnels, d'éventuelles pressions sur les IPRP seraient suicidaires. Et si le pire devait se produire, il appartiendrait aux pouvoirs publics de rectifier le tir. »

Auteur

  • S. D.