L'organisation patronale doit normalement poursuivre trois objectifs : défendre les intérêts des entreprises en menant une action de lobbying et, éventuellement, de pression sur les pouvoirs publics ; poursuivre le même but par des recherches de compromis, y compris avec les organisations syndicales ; soutenir sa vision de l'économie libérale de marché. La première démarche suppose l'établissement d'un rapport de force, la deuxième est pragmatique, la troisième plus politique et idéologique. Entre ces trois voies, le Medef paraît avoir longtemps hésité.
Dans un premier temps, le Medef a écarté la négociation collective nationale pour lui préférer une défense forte des entreprises. Ayant constaté, à l'occasion de la problématique Unedic, que les partenaires syndicaux pouvaient constituer des alliés précieux contre l'État en certaines circonstances, l'organisation, sous la houlette inventive de Denis Kessler, a lancé le thème dit de la refondation sociale. Celui-ci aboutissait à la proposition d'un programme ambitieux de négociations. Actuellement, le Medef est revenu à ses conceptions initiales : sur le plan national, que l'État prenne ses responsabilités pour engager les réformes nécessaires et ne demande pas aux partenaires sociaux de se substituer à lui ; en revanche, que les entreprises puissent par accord avoir plus de libertés, y compris celle de déroger dans nombre de cas à l'ordre juridique, qu'il soit législatif, réglementaire ou conventionnel.
Ce faisant, le Medef ne s'est pas mis dans la position tactique la meilleure pour faire avancer les demandes concrètes des entreprises. Le gouvernement apprécie peu ses positions publiques, même si elles sont souvent justifiées du point de vue des entreprises. Il ne fait donc aucun effort pour être agréable à l'organisation patronale, allant même parfois jusqu'à trouver politiquement judicieux d'être critiqué par elle. Avec des conséquences négatives pour les entreprises.
Le jugement du Conseil d'État refusant à l'Unsa le droit d'être reconnue comme l'une des organisations syndicales les plus représentatives sur le plan national avec les privilèges que cette situation confère, à la fois est fondé et entraîne une injustice. Il est fondé car, concrètement, l'Unsa a une implantation trop sectorielle et trop publique. Mais d'autres organisations, reconnues elles depuis bien longtemps, sont dans le même cas. Il est vrai que le Conseil d'État n'a plus à se prononcer à leur sujet.
En vérité, le problème est politique et dépend de l'État, qui peut modifier les critères de la représentativité et les conditions d'appréciation de celle-ci. Il peut privilégier l'équité. Auquel cas on voit mal pourquoi l'Unsa aujourd'hui, et demain peut-être SUD, ne bénéficieraient pas d'une reconnaissance. Il peut aussi favoriser l'efficience du système de relations sociales. Il n'a alors pas intérêt à encourager une dispersion accrue du monde syndical. Convenons aussi que celle-ci ne dépend pas principalement des décisions d'un gouvernement mais des organisations syndicales elles-mêmes. Préfèrent-elles la protection douillette de leur statut, leur financement pour une part importante et unique en Europe par des subventions directes ou indirectes ? Ou acceptent-elles de se livrer à une remise en cause de leurs objectifs, de leurs actions, de leur discours, propre à faire revenir les adhérents ? Ce sujet est capital car si les bonnes orientations ne sont pas choisies rapidement, notre système de relations sociales risque un jour de devenir un théâtre d'ombres.
Entre deux projets, ou tentatives de projets, le gouvernement a avancé une bonne idée : assouplir les contraintes du compte épargne temps, créer des passerelles plus larges avec l'épargne salariale, faire du tout à la fois un instrument de flexibilité pour les rémunérations et le temps de travail et une préparation à la retraite.
Déjà, la loi Fabius sur l'épargne salariale avait permis des progrès réels. Les Perco créés par la loi Fillon rencontrent un vrai succès, en particulier dans les grands groupes. L'allongement de la période du compte épargne temps et la fongibilité du compte épargne temps/épargne salariale sont généralement souhaités par les entreprises et les salariés.
Il y a là un bon chantier, surtout si, comme le Premier ministre a semblé l'indiquer, des réflexions sur la participation et l'intéressement y étaient intégrées. Encore faudrait-il que des mesures conjoncturelles destinées à relancer la consommation, comme le déblocage des fonds intervenu en cette fin d'année, n'aillent pas exactement à l'encontre du but recherché.