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Des contrats collectifs plus réalistes

Dossier | publié le : 01.12.2004 | V. L.

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Des contrats collectifs plus réalistes

Crédit photo V. L.

Les DRH sont aujourd'hui beaucoup plus soucieux de l'équilibre des comptes de leur régime de complémentaire santé que des incidences de la réforme de l'assurance maladie. La contrainte économique devrait les conduire à adopter les « contrats responsables ».

« On ne s'est pas encore penché sur le sujet… » Cette DRH d'un grand groupe alimentaire l'avoue du bout des lèvres, la réforme de l'assurance maladie est loin d'être sa priorité. « Nous n'avons pas encore beaucoup de demandes d'information de la part de nos clients ou prospects », confirme Yanick Philippon, directeur technique à AG2R. Et pourtant, la loi du 13 août 2003 va fatalement avoir des conséquences sur la complémentaire santé proposée par les entreprises à leurs salariés. Certes, la mesure phare concernant directement les régimes de frais de santé collectifs – l'institution des « contrats responsables » – n'entre en vigueur qu'en 2006. Mais, pour 2005, la plupart des opérateurs ont déjà prévu de glisser dans les accords conclus ou en cours de négociation l'un des ingrédients du contrat responsable, le non-remboursement de l'euro par consultation demandé à chaque assuré. Surtout, la réforme s'inscrivant dans un contexte de maîtrise médicalisée des dépenses, « le régime de frais de santé devient un élément important du statut des salariés, d'autant plus si le régime de base se retire progressivement », estime Yves Desjacques, DRH du groupe d'intérim VediorBis.

Des prestataires très pédagogues

Les opérateurs du marché – mutuelles, institutions de prévoyance, compagnies d'assurances ou courtiers – en sont pour l'instant au stade de la communication. « Nous informons en temps réel nos souscripteurs de l'évolution de la législation », assure Dominique Chaignon, directeur du développement de l'Union nationale de prévoyance de la Mutualité française (UNPMF). Chez le courtier Gras Savoye aussi, des courriers « pédagogiques » sur la réforme ont été adressés aux entreprises, assure Marc Beauval, directeur du département prévoyance et retraite. Une façon, pour ces prestataires, de jouer leur rôle de conseil… mais aussi de préparer leurs clients à mettre la main au porte-monnaie. « Nous avons été avertis par notre assureur, Axa, que les réformes à venir et le contexte actuel allaient forcément amener des hausses de cotisations », reconnaît Didier Neyrat, directeur général de Cadextan, une PME de 140 salariés spécialisée dans l'informatique pour la finance, qui s'apprête à entrer en négociation avec la compagnie d'assurances.

Reste que la majorité des opérateurs est plutôt attentiste. « Excepté le non-remboursement de 1 euro par consultation, nos instances ont décidé de ne pas bouger tant que nous n'avons pas de visibilité sur le cahier des charges du contrat responsable », précise Stephan Reuge, directeur de BTP Prévoyance, résumant aussi l'attitude de ses confrères. « De toute façon, prévoit Yanick Philippon, d'AG2R, la grande majorité des contrats collectifs existants devrait passer le cap de la responsabilisation. Les garanties qui y figurent sont a priori loin d'être pousse-au-crime. Ce contrat est plus impliquant et pédagogique qu'un contrat individuel, ne serait-ce que par l'obligation que nous avons, tous les ans, de présenter les résultats du régime à notre client. »

Cela n'a pourtant pas empêché certaines entreprises de laisser filer allégrement les dépenses… « Mais elles ne pourront accepter indéfiniment des hausses de cotisations à deux chiffres », estime Marc Beauval, de Gras Savoye. La contrainte économique risque donc, tout autant que la loi, de pousser les entreprises sur la voie de la responsabilisation. Elles entreront ainsi dans la réforme par la « petite porte » de la maîtrise des coûts.

Une nécessaire clause de revoyure

Cette logique est au cœur du régime de frais de santé conclu par la Croix-Rouge avec l'UNPMF et la Société nationale de la Mutualité pour ses 16 000 salariés, qui entre en vigueur le 1er janvier : « Nous n'avons pas vraiment réfléchi à la réforme de l'assurance maladie pendant la préparation de notre régime, mais la responsabilisation était très présente lors des discussions… et dans la tête du DRH », sourit Stéphane Barthuel, le directeur des ressources humaines. Et de citer, par exemple, le délai de carence de trois jours de la Sécurité sociale lors d'un arrêt maladie non pris en charge par la Croix-Rouge.

Même état d'esprit chez Alstom, qui propose, à partir du 1er janvier également, une complémentaire à ses 18 000 salariés relevant de la convention de la métallurgie. Celle-ci proscrit les remboursements sur frais réels, jugés trop inflationnistes. Mais l'entreprise va plus loin, en instaurant, dans l'accord, une sorte de clause de « revoyure ». « Si nous constatons une évolution importante de l'équilibre du régime à cause d'une modification réglementaire ou d'un dérapage, nous rediscutons du contenu des prestations ou de la répartition de la cotisation entre employeur et salariés », résume Dominique Jaoul, la DRH d'Alstom. Une commission incluant les organisations syndicales a été instituée. Le groupe VediorBis a eu la même idée en créant, il y a deux ans, une commission prévoyance qui se réunit deux fois par an pour examiner à la loupe le ratio prestations/cotisations et éventuellement prendre des « mesures de saine gestion », selon les termes de son DRH, Yves Desjacques. Comme la limitation à deux paires de lunettes remboursées par personne et par an.

Une surcomplémentaire individuelle ?

Avec de tels dispositifs, les entreprises anticipent, souvent sans le savoir, un autre volet de la réforme de l'assurance maladie, concrétisé par la création d'un comité d'alerte. En cas de croissance trop importante des dépenses de santé, le régime obligatoire peut décider rapidement de moduler ses prises en charge. Fatalement, les complémentaires – et donc les entreprises – auront à déterminer un éventuel réajustement de leurs garanties. « Nous n'en sommes pas encore à rédiger des clauses dans les contrats. Mais nous réfléchissons, au sein de la Fédération française des sociétés d'assurances, au contenu de ces contrats tout comme aux dispositifs permettant de réagir rapidement en cas de dérapage de la sinistralité, lorsque, pour l'une ou l'autre raison, l'assurance maladie obligatoire se désengage », explique Gilles Johanet, directeur santé et collectives des AGF et président du comité maladie de la FFSA. « De plus, ajoute Marc Beauval, les dispositions de la loi Évin, notamment en matière d'obligation de diffusion de notices d'information aux salariés, vont nécessiter une réflexion quant à la nature et à la fréquence de leur adaptation. »

Si beaucoup plébiscitent déjà la notion de responsabilité, les entreprises ont, de toute façon, intérêt à conclure des contrats responsables, « tant les enjeux de déduction sociaux et fiscaux sont importants », résume Gilles Johanet. Reste que la réforme de l'assurance maladie, et plus généralement le rôle accru des complémentaires, va les pousser encore davantage à rechercher un équilibre entre contrainte économique et demande sociale. « De plus en plus, au lieu de s'arrêter à un niveau de prestation, les DRH vont raisonner en termes de package, dont la protection sociale fait partie. Et ils feront des arbitrages entre la santé, la prévoyance, l'épargne salariale et la retraite en fonction de la politique sociale de l'entreprise, de la sensibilité des partenaires sociaux et de l'environnement juridique et fiscal », prévoit Marc Beauval.

Compte tenu des investissements très lourds en la matière, Joël Delgove, directeur général du groupe Humanis, prévoit même que « l'entreprise va, peu à peu, se désengager de la santé ». Sans aller jusque-là, nombre d'opérateurs parient sur un lissage des contrats collectifs pour des garanties de base, a fortiori si les contrats responsables sont très encadrés par le législateur, et sur le développement de produits surcomplémentaires facultatifs et individuels. Un signe: Gras Savoye et Pro BTP ont décidé de se lancer, tout récemment, sur le marché de l'individuel.

Auteur

  • V. L.