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Repères

Un nouveau défi pour les entreprises

Repères | publié le : 01.11.2004 | Denis Boissard

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Un nouveau défi pour les entreprises

Crédit photo Denis Boissard

Les entreprises françaises pourront-elles se permettre encore longtemps d'avoir des collaborateurs et un encadrement qui reflètent aussi mal la diversité des âges, des sexes et des origines ethniques de la population active ? Pourront-elles indéfiniment mettre au rebut les seniors, cantonner les femmes dans des postes subalternes, fermer la porte aux jeunes diplômés provenant de l'immigration africaine et maghrébine, ou laisser les personnes handicapées sur le bord de la route ?

Par confort, conformisme, ou tout simplement à cause de préjugés, la plupart des firmes hexagonales se sont dotées d'une population très homogène, beaucoup plus que celle de leurs homologues américaines… de plus en plus masculine au fur et à mesure que l'on grimpe dans les strates supérieures de l'entreprise, très peu métissée sauf dans les postes du bas de l'échelle, et massivement trentenaire ou quadragénaire. Hormis les mieux diplômés d'entre eux, les plus jeunes doivent généralement se soumettre à un véritable parcours initiatique (stages et CDD à répétition) avant d'espérer décrocher un emploi stable. Et, passé 50 ans, les plus vieux sont en sursis.

La discrimination la plus inquiétante est celle qui frappe les jeunes issus de l'immigration. Une enquête réalisée par le Cereq auprès de jeunes sortis du système éducatif en 1998 montre clairement qu'à niveau de diplôme équivalent les jeunes originaires du Maghreb attendent plus longtemps que les Français « de souche » avant d'accéder au premier emploi, que leur taux de chômage est au moins deux fois plus élevé et qu'ils sont plus souvent recrutés dans des emplois temporaires. À noter aussi les résultats accablants d'un testing réalisé sous la direction de l'universitaire Jean-François Amadieu (Paris I) pour vérifier comment les entreprises sélectionnent les curriculum vitae qu'elles reçoivent. Plus de 1 800 CV fictifs (sur la base d'un CV de référence et de six autres se différenciant simplement par une variable comme le sexe, l'origine ethnique, l'âge, le handicap…) ont été envoyés au printemps 2004, en réponse à 258 offres d'emplois de commerciaux. Il en ressort que la première victime de discrimination à l'embauche est la personne handicapée : à peine 2 % de convocations à un entretien d'embauche, soit quinze fois moins que le candidat référent. Vient ensuite le candidat maghrébin, avec 5 % de convocations. En troisième position, la personne âgée de 50 ans qui, avec seulement 8 % de réponses positives, en obtient quatre fois moins que le candidat de référence. Sans surprise, les profils standards sont ceux qui obtiennent le plus de réponses favorables : 29 % pour l'homme et 26 % pour la femme.

Cette exclusion insidieuse est bien sûr moralement inacceptable et juridiquement condamnable, mais c'est surtout une absurdité au regard de l'intérêt bien compris de l'entreprise. Tout d'abord, la diversité des salariés et la coexistence de profils variés sont des facteurs évidents d'innovation et de créativité. En outre, pour rester en phase avec son marché, l'entreprise gagne à avoir des salariés qui ressemblent à ses clients. Ensuite, le retournement démographique va inévitablement contraindre les employeurs à puiser dans de nouveaux réservoirs de compétences. De surcroît, l'entreprise ne peut ignorer l'environnement dans lequel elle travaille : or, en suscitant des frustrations légitimes, l'exclusion alimente une montée de la violence, du communautarisme et des extrémismes préjudiciable à la bonne marche de l'économie. Enfin, à l'heure où l'entreprise se voit sommée de rendre des comptes sur sa responsabilité sociale à la société civile, aux ONG et aux investisseurs, la persistance d'un tel plafond de verre risque de ternir durablement son image.

Plusieurs grands groupes commencent à le comprendre. PSA Peugeot Citroën a ouvert la voie en signant début septembre avec quatre syndicats un accord tout à fait innovant sur « la diversité et la cohésion sociale dans l'entreprise ». Décidément, l'ère Jean-Martin Folz tranche avec l'époque Jacques Calvet ! Sont notamment prévues diverses mesures visant à prévenir, à identifier et à proscrire tout traitement inégal, tant lors du recrutement qu'au cours de la vie professionnelle. Et PSA s'engage à recruter en 2005 au moins 45 candidats diplômés issus des zones urbaines sensibles, dont 25 employés et 20 cadres.

Sous la houlette de l'Institut Montaigne et de Claude Bébéar, une bonne trentaine d'entreprises – dont Sodexho, Lafarge, Schneider, Accor, PPR, Axa, Rhodia, France Télévisions – ont suivi en adhérant mi-octobre à une « charte de la diversité dans l'entreprise ». Elles s'y engagent notamment à promouvoir l'application du principe de non-discrimination à toutes les étapes de la GRH et à chercher à refléter la diversité de la société française dans leurs effectifs, aux différents niveaux de qualification. Il reste à espérer que ces initiatives feront tache d'huile.

Auteur

  • Denis Boissard