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Le bloc-notes

Affaires étrangères

Le bloc-notes | publié le : 01.11.2004 | Bernard Brunhes

Retour de Corée

C'était au mois de septembre : une conférence organisée à Séoul par une association franco-coréenne. Le thème : « dialogue social et syndicalisme » dans nos deux pays. Le syndicalisme coréen est une force d'opposition. Peu de négociations, beaucoup de conflits durs. Le droit de grève est limité et il y a beaucoup de syndicalistes en prison. Les employeurs ne considèrent pas les syndicalistes comme des partenaires mais plutôt comme des adversaires. Les violences sont coutumières.

Curieusement, nos interlocuteurs coréens croyaient bien sincèrement que tel était aussi le syndicalisme français : violent, conflictuel, peu doué pour la négociation, rejeté par les employeurs. Quelle n'est pas leur surprise quand on leur parle de l'ampleur des négociations, des conventions collectives et des accords d'entreprise, quand on souligne que les syndicats français cogèrent les institutions de protection sociale et sont systématiquement consultés par les pouvoirs publics, que les comités d'entreprise fonctionnent bien, au moins dans les grandes entreprises.

C'est donc une image terrible que l'autre bout du monde projette sur notre système social. De là-bas on ne voit pas que, derrière la rudesse des mots et des déclarations syndicales, il y a un système qui finalement ne se régule pas si mal ; que les manifestations sont une expression traditionnelle qui évite les chocs frontaux et n'empêche pas les réformes de se faire ; que si les grèves sont spectaculaires et visibles de tous et notamment des étrangers, c'est parce qu'elles touchent essentiellement les transports, alors qu'en dehors de ce secteur, il y a fort peu d'arrêts de travail.

Décidément, le syndicalisme français est un système incompréhensible et incompris hors nos frontières. Il est temps qu'il se rénove.

Échos de la Chine

Dans l'excellent Ramses 2005, le rapport annuel de l'Institut français des relations internationales, Jean-Louis Rocca, chercheur au Cert, nous fait découvrir un nouveau tournant de la Chine : la découverte par les dirigeants chinois que le miracle économique des grandes villes va se bloquer en raison de l'absence d'une politique sociale. Les centaines de milliers de migrants venant des campagnes sont embauchés dans les villes sans contrat de travail. Les citadins des couches populaires sont rejetés loin des centres-villes.

Précarité et extrême pauvreté côtoient l'aisance des classes moyennes. C'est un risque pour les entreprises qui ont besoin des migrants et des citadins rejetés. C'est un risque politique aussi.

Dès lors, l'État envisage « des nouvelles modalités de contrôle et d'aménagement des conditions de vie dans les secteurs de la santé, du logement et de l'éducation ». L'appareil étatique s'engage dans la structuration du social. On conçoit – le problème est classique mais dans cet immense pays en proie à une croissance très forte, il prend des proportions peu usuelles – que les groupes sociaux les plus puissants, les entrepreneurs et les collectivités locales craignent fort qu'on réduise les marges de manœuvre que leur apportait le tout-libéral et que l'on accroisse coût du travail et rigidités.

Un tournant à suivre…

Retour en Europe

Rien de ce qui touche l'économie allemande ne peut nous laisser indifférents. Les projets de KarstadtQuelle, d'Opel ou de Volkswagen en matière de réduction d'effectifs font froid dans le dos. Fragile aujourd'hui derrière les brillants succès de Renault et Peugeot-Citroën, l'industrie française va, elle aussi, perdre des emplois. Moins par un processus de délocalisations proprement dites que par une internationalisation croissante des grands groupes qui choisissent leurs implantations et leurs investissements en fonction de critères qui ne favorisent guère aujourd'hui l'Europe : coût du travail, mais aussi et peut-être surtout proximité des marchés en grand développement.

Il n'en est que plus temps de construire un véritable dispositif de remède aux réductions d'effectifs, fermetures d'usines et autres plans sociaux. Il est dommage que les négociations entre patronat et syndicats aient échoué, puis que l'État n'en profite pas pour faire des propositions innovantes : un système qui, à l'instar de plusieurs pays d'Europe, mette autour de la table et responsabilise l'employeur, les syndicats, le service public de l'emploi et les collectivités territoriales. Ce n'est pas ainsi que cela fonctionne aujourd'hui, avec une législation qui privilégie les obstacles bureaucratiques à la recherche obligatoire de l'accord entre les partenaires ; une législation qui fait trop peu de place aux collectivités territoriales, ne contraint pas les services de l'État à parler d'une seule voix. Une législation où la consultation a une place qui devrait revenir à la négociation. Une législation qui protège mal les travailleurs tout en bridant à l'excès les entreprises.

Auteur

  • Bernard Brunhes